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EAN : 9782070296996
140 pages
Gallimard (25/11/1977)
3.55/5   52 notes
Résumé :
Jamais un livre n'aura été, à ce point, l'espace éprouvé de sa Loi, Souveraine gravité de l'arrêt de mort ! L'implacable sentence, l'infaillible décret s'abat, comme un couperet, sur chacune de ses pages et, une fois au moins, de la manière la plus visible, non pour séparer en deux parties presque égales, le récit mais, au contraire, pour marquer de sa coupure le passage de l'une à l'autre, de la vie à la mort afin de les confondre ensuite. Il y aura, désormais, ce ... >Voir plus
Que lire après L'arrêt de mortVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Vous est-il déjà arrivé, d'aimer un livre, son univers, son ambiance, son style, sans véritablement le comprendre ?
Quelle étrange expérience, quelle curieuse impression que celles-ci !
Contre toute logique, c'est pourtant le sentiment ressenti à la lecture de « L'arrêt de mort » de Maurice Blanchot, figure majeure de la littérature française du XXème siècle. L'appréciation, et même, l'admiration d'une écriture travaillée, éminemment poétique, et dans le même temps, la sensation de ne pas en saisir tous les aboutissants, de ne pas en comprendre réellement la teneur ni le but recherché.

Quelque chose, dans ce torrent tumultueux de belles phrases, nous reste malgré nous hermétique ; une obscurité, une opacité, comme un brouillard épais, enclot les lignes du texte dans une forme d'isolement volontaire, le rendant à la fois curieux et intrigant, captivant même, mais à la fois gênant, causant une sorte d'irritation chagrine de devoir rester à l'orée du monde que l'on souhaitait découvrir et appréhender. Ainsi, rester à la lisière, comme au seuil d'une pièce dont on aperçoit les objets précieux qu'elle recèle sans pouvoir y toucher, sans pouvoir s'attarder sur ce qu'elle peut offrir de merveilleux car hélas déjà la porte se referme, nous laissant frustré, l'esprit déconfit, un peu désappointé.

Le narrateur de ce texte paru en 1948, sorte de double de l'auteur, raconte l'événement qui a à jamais marqué son existence du sceau de la stupeur et du désarroi ; un épisode dont jusqu'alors il n'avait cessé de retarder la narration, pris au piège par des « mots qui reculaient devant la réalité ». Il y est question d'une jeune poitrinaire de sa connaissance, de son combat contre la maladie, de sa détermination à arrêter la mort…
Puis, cet homme solitaire, froid et misanthrope, cet individu cadenassé de l'intérieur, qui a du mal à inspirer des sentiments amicaux, s'attelle à parler des diverses femmes qui ont jalonnées sa vie après la mort de la jeune phtisique. S'ensuit une déambulation frénétique, poétique, rigoureuse, sur les chemins de la mémoire, pour saisir au plus juste les détails et les impressions de ces histoires d'amour souvent vécues dans le tourment, l'incertitude et dans un état d'angoisse existentielle.

Ecrire pour écrire, quérir les mots justes à lier les uns aux autres, creuser au-delà du langage pour accéder à une écriture centrée uniquement sur soi et sur la recherche de la vérité, telle serait peut-être la volition de Maurice Blanchot.
Un langage fouillé, sondé jusque dans les propres limites de son âme, de son corps, de ses sentiments, une sorte de perquisition intime pour traquer la part d'ombre de son être, et après cette scrutation obscure de la conscience faite dans le silence, la solitude, l'angoisse et l'abandon, ramener à la surface le flambeau d'une écriture épurée et belle, mais dont finalement, l'esthétisme à ce point exploré ne nous livrerait rien d'autre que sa part d'obscurité.

Car l'obscurité est partout dans l'oeuvre de Blanchot. Elle baigne les lignes d'un texte ne semblant focalisé que sur l'idée de mort et le besoin d'écrire. Un rapport entre mort, maux et mots poussé dans les derniers retranchements d'un homme traqué par sa propre conscience, captif d'une spirale infernale, celle d'un éternel ressassement, d'une réflexion poussée à l'extrême dans le but de dire et dire encore, jusqu'à repousser les limites de la vie et du trépas.
L'écriture est alors vécue comme un mystère. Elle devient expérience, comme devient expérience le fait pour le lecteur de lire cette parole qui s'inscrit moins dans une optique de sens ou de signification que dans un désir de transcender le réel par les mots ; un acte de liberté en somme, pourrait-on dire.
Cependant, pour le lecteur, cela ne va pas sans interrogation ni perplexité.

Nous ne serons pas pour autant aussi intransigeant que l'était le philosophe-écrivain Cioran, jugeant l'oeuvre du grand écrivain français obscure et vaine bien qu'admirablement écrite : « chaque phrase est splendide en elle-même, mais ne signifie rien. Il n'y a pas de sens qui vous accroche, qui vous arrête. Il n'y a que des mots. »

Il est bon de lire Maurice Blanchot, pour l'expérience littéraire unique et insolite qu'elle procure et malgré le sentiment d'incompréhension qu'elle occasionne.
Ne serait-ce que pour la qualité d'un verbe jailli du plus profond de l'être intime, pour ces phrases d'une beauté brute, étincelantes d'un morne et trouble éclat, nous nous laisserons encore ensorceler par la plume et la parole de cet auteur singulier en proie à un éternel questionnement sur le sens (ou le non-sens) de notre dérisoire et illusoire existence.

« Mais, sachez-le, là où je vais, il n'y a ni oeuvre, ni sagesse, ni désir, ni lutte ; là où j'entre, personne n'entre. C'est là le sens du dernier combat ».
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Premier livre de Blanchot, j'ai bien sûr adoré et quand j' eu refermé je me suis dit "voilà j'ai lu un livre et je ne sais pas ce que j'ai lu en fait". C'était la première fois que cela m'arrivait et ça ne s'est jamais reproduit. En le lisant je comprenais mais une fois refermé je ne savais plus très bien ce que j'avais lu, la signification de ce que j'avais lu, ce que j'avais compris ou cru comprendre. Et ce n'était pas l'histoire en elle-même c'était l'écriture et une forme de mystère. Comme d'être en contact avec quelque chose qui vous dépasse et en même temps qui vous est familier, très proche. Cette écriture hermétique, limpide, poétique et violente. Qui peut sembler vaine, et absconse...
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"Cette chambre ne respire pas, il n'y a en elle ni ombre ni souvenir, ni rêve ni profondeur ; je l'écoute et personne ne parle ; je la regarde et personne ne l'habite. Et pourtant, la vie la plus grande est là, une vie que je touche et qui me touche, absolument pareille aux autres, qui, avec son corps, presse le mien, avec sa bouche, marque ma bouche, dont les yeux s'ouvrent, les yeux les plus vivants, les plus profonds du monde, et qui me voient.Cela, que l'être qui ne l'entend pas, vienne et meure. Car cette vie transforme en mensonge la vie qui a reculé devant elle."

Avec Blanchot, les mots sont des êtres vivants et fragiles. Comme la pensée, ils sont une force. Mystérieuse. Silencieuse.
Les mots nous manquent pour parler de ce livre phénoménal et paradoxal, un lieu où le froid est la vie. Un lieu, un texte qui demande une écoute particulière et attentive, non rationnelle et toujours en tension...
Dans ce roman, la poésie de Blanchot est éblouissante et déconcertante... Tragique ? Troublante...

"L'étrangeté consistait en ceci que le phénomène de la vitre, dont j'ai parlé, s'appliquait à tout, mais principalement aux êtres et aux objets d'un certain intérêt. Par exemple, si je lisais un livre qui m'intéressait, je le lisais avec un vif plaisir, Mais mon plaisir lui-même était sous une vitre, je pouvais le voir, l'apprécier, mais non l'user. de même, si je rencontrais une personne qui me plaisait, tout ce qui m'arrivait avec elle d'agréable était sous verre et, à cause de cela, inusable, mais, aussi, lointain et dans un éternel passé."

Ce "phénomène de la vitre" apporte le souvenir dès le présent, et implique par là l'effacement du temps.
Un temps qui chez Blanchot, devient parfois espace. Un temps ouvert sur la vie et sur la mort, indissociables.


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Hum, comment commençer ? Je ne suis même pas capable de résumer ce livre. Je vais donc appliquer le principe d'association d'idées: mort, agonie, amour, indifférence, re-amour, heu...
Oui en fait, sûrement parce que je n'ai pas accroché, je ne lisais pas l'histoire, mes yeux parcouraient juste les lignes.
Pas d'action, tout dans l'émotion. Quand-même, je ne dirais pas que je n'ai pas été insensible à certains passages du livre. Mais quand la même émotion traîne en longueur, l'effet s'estompe.
Et...ben je ne sais quoi ajouter ni comment terminer ! Ce livre, sans qu'il soit mauvais, je l'aurai oublié demain.
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Blanchot est un Kafka d'hôpital. Ses fictions se passent souvent dans un monde froid, étrange, où des personnages sont malades d'on ne sait trop quoi, des morts-vivants ou des vivants-morts, avec la désagréable impression d'être confiné dans des chambres ou des pièces oppressantes.
« L'arrêt de mort » n'échappe pas à cette règle. le narrateur, un journaliste innommé, raconte deux histoires successives avec des femmes, juste avant et au début de la deuxième guerre mondiale, à Paris. Des femmes ou des incarnations. La première est une moribonde, la deuxième une mère célibataire, mais peu importe. Tout repose sur les impressions, les pensées et surtout les sensations du narrateur. L'écriture clinique de Blanchot, si identifiable, est purgée d'égarement, un vaccin de l'existence, étonnée devant ses observations et sa propre manifestation.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Je l’ai aimée et n’ai aimé qu’elle, et tout ce qui est arrivé, je l’ai voulu, et n’ayant eu de regard que pour elle, où qu’elle ait été et où que j’aie pu être, dans l’absence, dans le malheur, dans la fatalité des choses mortes, dans la nécessité des choses vivantes, dans la fatigue du travail, dans ces visages nés de ma curiosité, dans mes fausses paroles, dans mes serments menteurs, dans le silence et dans la nuit, je lui ai donné toute ma force et elle m’a donné toute la sienne, de sorte que cette force trop grande, incapable d’être ruinée par rien, nous voue peut-être à un malheur sans mesure, mais, si cela est, ce malheur je le prends sur moi et je m’en réjouis sans mesure et, à elle, je dis éternellement : « Viens », et éternellement, elle est là.
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Qui peut dire : ceci est arrivé, parce que les événements l'ont permis ? Ceci s'est passé parce que, à un certain moment, les faits sont devenus trompeurs et, par leur agencement étrange, ont autorisé la vérité à s'emparer d'eux ? Moi-même, je n'ai pas été le messager malheureux d'une pensée plus forte que moi, ni son jouet, ni sa victime, car cette pensée, si elle m'a vaincu, n'a vaincu que par moi, et finalement elle a toujours été à ma mesure, je l'ai aimée, et je n'ai aimé qu'elle, et tout ce qui est arrivé, je l'ai voulu, et n'ayant eu de regard que pour elle, où qu'elle ait été et où que j'ai pu être, dans l'absence, dans le malheur, dans la fatalité des choses mortes, dans la nécessité des choses vivantes, dans la fatigue du travail, dans ces visages nés de ma curiosité, dans mes paroles fausses, dans mes serments menteurs, dans le silence et dans la nuit, je lui ai donné toute ma force et elle m'a donné toute la sienne, de sorte que cette force trop grande, incapable d'être ruinée par rien, nous vous peut-être à un malheur sans mesure, mais, si cela est, ce malheur je le prends sur moi et je m'en réjouis sans mesure et, à elle, je dis éternellement : "Viens", et éternellement, elle est là.
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Qui peut dire : ceci est arrivé, parce que les évènements l’ont permis ? Ceci s’est passé, parce que, à un certain moment, les faits sont devenus trompeurs et, par leur agencement étrange, ont autorisé la vérité à s’emparer d’eux ? Moi-même, je n’ai pas été le messager malheureux d’une pensée plus forte que moi, ni son jouet, ni sa victime, car cette pensée, si elle m’a vaincu, n’a vaincu que par moi, et finalement elle a toujours été à ma mesure, je l’ai aimée et je n’ai aimé qu’elle, et tout ce qui est arrivé, je l’ai voulu, et n’ayant eu de regard que pour elle, où qu’elle ait été et où que j’aie pu être, dans l’absence, dans le malheur, dans la fatalité des choses mortes dans la nécessité des choses vivantes, dans la fatigue du travail, dans ces visages nés de ma curiosité, dans mes paroles fausses, dans mes serments menteurs, dans le silence et dans la nuit, je lui ai donné toute ma force et elle m’a donné toute la sienne, de sorte que cette force trop grande, incapable d’être ruinée par rien, nous voue peut-être à un malheur sans mesure, mais, si cela est, ce malheur je le prends sur moi et je m’en réjouis sans mesure et, à elle, je dis éternellement : « Viens », et éternellement, elle est là.
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Cette chambre ne respire pas, il n'y a en elle ni ombre ni souvenir, ni rêve ni profondeur ; je l'écoute et personne ne parle ; je la regarde et personne ne l'habite. Et pourtant, la vie la plus grande est là, une vie que je touche et qui me touche, absolument pareille aux autres, qui, avec son corps, presse le mien, avec sa bouche, marque ma bouche, dont les yeux s'ouvrent, les yeux les plus vivants, les plus profonds du monde, et qui me voient.Cela, que l'être qui ne l'entend pas, vienne et meure. Car cette vie transforme en mensonge la vie qui a reculé devant elle.
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Ce voyage en métro m'a laissé le souvenir d'une grande tristesse. Cette tristesse ne se rapportait pas à mon peu de mémoire. Mais quelque chose était en train de se passer là, dans cette voiture, avec tous ces gens de midi. Il y avait, à deux pas, un malheur important, aussi silencieux qu'un vrai malheur peut l'être, étranger à tout secours, inconnu, que rien ne pouvait faire apparaître. Et moi-même qui le pressentais, je ressemblais à un voyageur marchant à l'écart sur une route; la route l'a appelé, et il avance, mais la route veut voir si celui qui vient est bien celui qui doit venir, elle se retourne pour le reconnaître, et la même culbute les entraîne tous deux dans le ravin. Malheur au sentier qui se retourne pour dévisager le passant; et combien plus profond était ce malheur, combien plus ignoré et plus silencieux.
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« Thomas l'obscur » de Maurice Blanchot, c'est à lire chez Gallimard dans la collection L'Imaginaire.
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