"Comm'change en un clin d'oeil
Un ciel qui s'croit en deuil
Quand le soleil s'en mêle
On va changer d'refrain
La lun' c'est pas si loin
Suffit d'y mett' l'échelle"
(
Léo Ferré –
La Grande Vie)
Deux lectures en simultané et «
La grande vie » de Ferré embrasse celle de Bobin. Certains disent qu'il n'y a pas de hasard, je crois que si mais j'avoue quand même que parfois, c'est bien foutu.
Cet instantané de Ferré résume si bien ce recueil de Bobin.
Deux beaux bains de mots pour le lecteur ferré que je suis, pris dans les filets de cette poésie aux infinis visages.
C'est bon de se sentir léger, comme apaisé, touché par ce je ne sais quoi qui vous laisse heureux, serein.
Christian Bobin réussit une véritable prouesse en ce qui me concerne. Réussir à me faire oublier les "anges" et autres "dieux" présents (un peu trop à mon gout dans certains de ses livres) au fil des pages, alors que c'est le genre de concepts qui me donnent en général des allergies. Souvent tout est évoqué, subtil.
"Nous avons mille visages qui se font et se défont aussi aisément que les nuages dans le ciel. Et puis il y a ce visage du dessous. A la fin il remonte — mais peut être parce que ce n'est pas la fin. Peut être qu'il n'y a jamais de fin — juste ce déchirement sans bruit des nuages dans le ciel inépuisable."
Ce recueil est une déclaration d'amour à la nature, à la Vie (la mort toujours présente dans un coin pour ne pas oublier que chaque seconde est un cadeau), au Livre, à la poésie, à… une déclaration d'Amour quoi. Une sorte de manifeste de l'évidence, celle qui fuit notre monde rempli d'inutile.
La poésie est un acte de résistance au monde tel qu'on nous l'impose (qu'on laisse nous imposer…). J'aime le militantisme de Bobin.
"Des nomades campent dans mes yeux. Les feux qu'ils allument, ce sont les livres que je lis.
Une petite fille mange du chocolat. Il y a plus de lumière sur le papier d'argent enveloppant le chocolat que dans les yeux des sages.
Le livre que je tiens se met parfois à me sourire.
J'apprends que je suis vivant. Je dois cette bonne nouvelle à l'air qui circule sous une phrase en faisant flotter ses mots, très légèrement, au dessus de la page."