L'un des meilleurs livres qui résume la présence française en Indochine entre la capitulation des Japonais et printemps 1951-periode de Roi Jean, richement décrite par l'auteur.
Lecture essentielle pour ceux qui s'intéressent à ce sujet.
Merci Lucien...
Commenter  J’apprécie         30
Il s'agit d'une confrontation totale, où les armes sont d'un emploi secondaire. Les Français mettent en jeu tous leurs moyens, les Vietminh les leurs, pour agir sur les hommes et se les approprier. Deux civilisations superposées, emmêlées, sont aux prises dans un combat total. Les Français disposent des choses apparentes, de la société légale, établie. Les Viets sont partout en dessous, dans ce qui est caché. Les deux camps font appel aux instincts opposés de l'homme, les Français offrant la vie normale, la prospérité, les avantages de l'Occident, les Viets proposant l'orgueil et la révolte. Les uns favorisent les riches et les possédants, les autres les pauvres.
Je voulais encore essayer de comprendre comment on avait pu en arriver là, au désastre du Corps expéditionnaire, à Dien Bien Phu. Je voulais démonter les engrenages, démêler l'écheveau des erreurs, des négligences, des fatuités, des mauvais calculs, des confusions, des ambiguïtés, des trahisons et des ignominies, dire la dégradation qui avait mené, de manière inéluctable, à la catastrophe. Me captivait également l'art de la guerre tel qu'il s'était exercé alors. L'Orient comme une drogue, le duel englobant tout : les armes et les âmes, la force physique et l'instinct, le pays, la boue, la nuit, la végétation, les corps et tous les recoins des cervelles, l'utilisation de l'argent, l'utilisation de la vertu, l'utilisation de l'horreur, le sens de la politesse et celui de la cruauté, le maniement de la terreur et celui de la persuasion.
Les risques sont énormes et inutiles. Les Français n'asphyxient aucunement Ho Chi Minh, ils ne le gênent même pas. Les Vietminh sont parfaitement tranquilles dans leur « quadrilatère » impénétrable, où ils s'organisent méthodiquement. Ho Chi Minh se constitue méticuleusement, implacablement un parti dur – un pur parti communiste – et une armée populaire de choc. Les techniciens de Mao Tsétoung, envoyés depuis Yenan et la Mandchourie à travers les zones tenues par le Kuomintang, l'aident. De Chine aussi arrivent toutes sortes de contrebandes, en particulier des armes et des munitions.
Les Français combattent bravement, même après avoir perdu la foi. Dien Bien Phu avait été pour tout le Corps expéditionnaire le symbole suprême : ce devait être un tournoi qui désignerait le vainqueur. Mais, après la catastrophe prévisible et pourtant incroyable, les soldats éprouvent le dégoût d'eux-mêmes. En quelques heures la troupe est devenue morne. Par la chaleur de l'été tonkinois, les officiers et les hommes font encore les gestes nécessaires pour contenir l'ennemi qui déferle. Mais ce n'est plus que par discipline
Les Vietminh faisaient sans cesse leur autocritique et s'amélioraient. De notre côté, nous nous entre-décorions, nous proclamions que tout allait bien et nos généraux se haïssaient. Les états-majors fonctionnaient à plein, fabriquant sans cesse de nouvelles conceptions stratégiques, toujours plus optimistes, théoriques et intellectuelles. Il suffisait d'une erreur pour que tout notre système s'effondre.
Jacqueline Duhême Une vie (extraits) conversation avec Jacqueline Duhême à la Maison des artistes de Nogent-sur-Marne le 8 février 2020 et où il est notamment question d'une mère libraire à Neuilly, de Jacques Prévert et de Henri Matisse, de Paul Eluard et de Grain d'aile, de Maurice Girodias et d'Henri Miller, de Maurice Druon et de Miguel-Angel Asturias, de dessins, de reportages dessinés et de crobards, d'Hélène Lazareff et du journal Elle, de Jacqueline Laurent et de Jacqueline Kennedy, de Marie Cardinale et de Lucien Bodard, de Charles de Gaulle et du voyage du pape en Terre Sainte, de "Tistou les pouces verts" et de "Ma vie en crobards", de Pierre Marchand et des éditions Gallimard, d'amour et de rencontres -
"Ce que j'avais à faire, je l'ai fait de mon mieux. le reste est peu de chose." (Henri Matisse ).
"Je ne sais en quel temps c'était, je confonds toujours l'enfance et l'Eden – comme je mêle la mort à la vie – un pont de douceur les relie." (Miguel Angel Asturias)
+ Lire la suite