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EAN : 9782234076372
344 pages
Stock (01/10/2015)
3.4/5   408 notes
Résumé :
"Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité des hommes et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l'a transmise très tôt, presque à la naissance."
Que se passe-t-il quand on tête au biberon à la fois le génie et les névroses d'une famille pas comme les autres, les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (113) Voir plus Ajouter une critique
3,4

sur 408 notes
La perspective d'un moment exceptionnel nuit au plaisir de la découverte et peut aboutir à une déconvenue. Critiques dithyrambiques sur les ondes, prix littéraire majeur : tout cela est de bon augure, mais ne constitue pas une garantie.

Pourtant l'idée de départ était séduisante : une halte dans les pièces d'une grande bâtisse constituant autant d'accroche pour restituer à travers la mémoire de lieux une galerie de portrait originale.

Ajouté à cela, une histoire familiale insolite, que les hasards des rencontres sur le chemin de l'émigration a finalement établie en France. Il y a là de quoi édifier un récit dans pareil.

La promesse est tenue sur la construction : chaque chapitre s'ouvre sur une pièce et l'on parcourt la maison, qui est un reflet fidèle des extravagances des personnages, salle après salle, on s'y arrête le temps de l'évocation. Puis on s'y perd… C'est sans doute là que le bât blesse. Même quand les personnages sont nombreux on finit le plus souvent par s'y retrouver et faire le lien, ici ça n ‘a pas marché, j'ai jusqu'à la fin du faire des retours en arrière pour replacer chaque personnage sans son histoire et son contexte. C'est l'antithèse de Cent ans de solitude où les personnages recevaient le même prénom à chaque génération : ici, on a plusieurs noms par personnage!

C'est dommage, car les portraits sont en eux mêmes passionnants et leur originalité de pensée constitue un terreau fertile pour des anecdotes incroyables et passionnantes, ce que l'on retiendra sans doute à long terme (dont l'histoire de la planque qui donne son titre au récit).

L'écriture est très agréable et empreinte d'une émotion sincère, sans pudeur superflue, et teintée d'un grand respect pour cette famille atypique.

Au delà de cette histoire familiale, s'inscrit en filigrane le drame de la judéité au vingtième siècle, les fuites inévitables et salvatrices pour un temps, les temps troubles où le destin dépend d'une simple dénonciation, la traque organisée qui vise une religion même pas pratiquée par les cibles désignées.

Qu'on ne s'y trompe pas : j'ai apprécié cette lecture, mais pas à la hauteur de ce qui me semblait promis.

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Passionnant, intelligent, remarquablement construit : ce roman m'a captivée. Peut-être parce que la famille Boltanski - ou faut-il parler de tribu ? - porte en elle des gènes éminemment romanesques. Peut-être aussi parce que l'auteur utilise ici son savoir-faire d'excellent journaliste reporter pour mener l'enquête et tenter de restituer l'alchimie subtile qui a abouti à la construction de cette famille hors du commun. Sûrement également parce que l'idée de faire parler les murs de la maison qui les a abrités (et le mot est ici particulièrement juste) permet d'aboutir à un résultat aussi original que séduisant.

C'est donc à une visite que nous convie Christophe Boltanski. Celle de la maison de ses grands-parents, rue de Grenelle. Etienne et Marie-Elise, appelée aussi Myriam mais on verra que la question de l'identité est assez centrale dans ce livre. Un fils d'émigrés juifs russes ayant fui les pogroms à la toute fin du 19ème siècle et une fille de famille de la bourgeoisie bretonne, offerte en cadeau à une parente isolée pour lui servir de fille et d'héritière. Un couple soudé, que rien ne séparera, ni les guerres, ni la polio contractée par Marie-Elise à trente ans et qui la laissera définitivement handicapée. Un couple qui envisage sa maison comme un cocon qui les isole de l'extérieur et les protège.

De pièce en pièce, l'auteur redonne vie à cette famille, faisant surgir des scènes, des dialogues, des instants de vie et des moments de drame. Il compare son travail d'enquête au jeu du Cluedo, petit clin d'oeil à la difficulté souvent rencontrée pour reconstituer l'histoire, ainsi qu'aux secrets qu'ont parfois abrités les pièces. Car si le couple ressent le besoin de créer un refuge, c'est qu'il y a danger (l'antisémitisme, puis les rafles pendant la guerre) et Etienne, bien que converti au catholicisme dans les années 30 reste dans le collimateur des occupants en 1943. Une période évoquée lorsqu'on arrive à la petite pièce baptisée "entre-deux" dans laquelle une cache a pu être aménagée, permettant à Etienne, empêché d'exercer la médecine et menacé d'arrestation de se cacher jusqu'à la libération de Paris.

On est à la fois époustouflé par la curieuse manière de vivre de la tribu Boltanski (enfants déscolarisés, désir tellement fort de ne pas être séparé que tout le monde dormait dans la même pièce, peu d'attention accordée aux repas ou au ménage...) et curieux de constater comment ce climat, véritable terreau de créativité a abouti à générer autant de talents intellectuels et artistiques (Luc, sociologue et Christian, plasticien sans oublier l'activité littéraire de Marie-Elise elle-même).

Et puis il y a cette question de l'identité, un fil rouge qui donne sens à ce roman. Car l'auteur s'interroge sans cesse sur la réalité de ces gens qui forment sa famille et dont les origines sont sans arrêt remises en question. C'est ce qui arrive lorsque l'on doit fuir, maquiller son identité pour échapper au pire. Fausses identités, fausses déclarations, faux certificats... A quoi se fier ? Aux romans écrits par sa grand-mère, hautement autobiographiques ? Mais dans quelle mesure ?

J'ai pris un énorme plaisir à cette visite riche en émotions et en images sur pratiquement un siècle. Depuis la Fiat 500 où tout le monde s'entassait (toujours pour éviter d'être séparés) jusqu'au salon, théâtre de la vie sociale de cette famille pas comme les autres, en passant par les lieux plus intimes (chambre, salle de bains, bureau) propices à creuser plus avant les caractères et les personnalités de chacun. Sans oublier le grenier et ses jeux d'enfants. Mais c'est peut-être la visite de la cuisine qui m'a le plus touchée avec cette réflexion qui relie identité et nourriture. "Elle qui ne mangeait rien nous transmettait une tradition culinaire pour solde de tout compte. Pas de folklore exotique, pas de coutumes à respecter, pas de langue rare à sauver de l'oubli, pas de culture ancestrale à entretenir par-delà les frontières. Juste des recettes. Une nourriture qu'il fallait qualifier de "russe" pour ne pas dire juive."

Passionnant, intelligent, remarquablement construit. Quoi ? Vous n'êtes pas encore chez votre libraire pour en quérir un exemplaire ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Bien qu'ayant eu du mal à entrer dans le guetteur, le dernier roman de Christophe Boltanski, j'ai tenu à lire le précédent, La cache, car j'avais ensuite été conquis par l'histoire de cette mère, héroïne très discrète pour l'indépendance de l'Algérie, morte dans un isolement assez terrible.

La cache, c'est un appartement parisien, rue de Grenelle, que l'auteur fait découvrir au fil du livre, en agrémentant chaque partie d'un plan simplifié : « Ils habitaient un palais et vivaient comme des clochards ».
Autant je comprends le parti-pris littéraire d'un récit décousu mélangeant époques et personnages, autant il m'a été difficile de m'y retrouver, les premières lignes de chaque chapitre n'annonçant pas de qui parle l'auteur.
Plusieurs générations se mêlent, se croisent alors que ce roman familial commence dans une Fiat 500 où se tassent cinq personnes. C'est là que ça devient compliqué mais qu'importe, j'ai apprécié les descriptions minutieuses de chaque pièce que j'ai visitée au fur et à mesure que progressait le récit.
Cette Mère-Grand, héroïne principale qui s'efface de temps à autre, écrivait des romans sous pseudonyme, avait subi la polio, terrible maladie dont elle n'acceptait pas les conséquences, luttant avec une vaillance admirable pour ne pas être traitée en infirme.
Les Boltanski, famille juive est venue d'Odessa où l'auteur se rend en 2014 pour trouver des actes officiels. Dans notre pays, c'est : « L'histoire édifiante, maintes fois racontée d'une intégration réussie, d'une ascension sociale rapide, par la grâce de l'école républicaine. » Puisque tout cela se déroule au XXe siècle, les drames sont inévitables et, je dois le reconnaître, ce sont les pages que j'ai préférées.
Le grand-père a fait deux ans de tranchées comme médecin auxiliaire avec les brancardiers, sur le front : « Des attaques dont l'absurdité saute aux yeux des hommes qui les mènent, avec la même violence que des obus. » Sa croix de guerre, il ne l'a jamais montrée mais, dans les années qui suivirent : « Son milieu dit hospitalier, immaculé, assermenté, nourrit un antisémitisme virulent. »
De nouvelles années très sombres voient l'appartement mériter son nom de cache avec, à nouveau, des pages émouvantes sur une période à ne jamais oublier pour ne pas la revivre. J'ai fait cette visite. J'ai tenté de comprendre et de connaître un peu les membres de cette grande famille mais je retiens cette phrase de l'auteur qui explique cet hommage indispensable : « Je n'ai jamais été aussi libre et heureux que dans cette maison. »

Cette grande fresque familiale qui brasse plusieurs époques très fortes amorce le roman suivant, évoqué plus haut et je regrette simplement qu'en plus des croquis des lieux, un arbre généalogique n'ait pas été ajouté. Cela m'aurait aidé.
Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Dans la famille Boltanski je demande la grand-mère, femme fantasque et farouchement indépendante, écrivain à ses heures perdues, femme de savoir qui tenait salon auprès l'intelligentsia parisienne communiste, une vraie pile électrique, ayant eu la polio et ne se déplaçant qu'au volant de sa Fiat. Je demande également le grand-père, médecin qui n'a jamais aimé la vue du sang (un comble), profondément attaché à son épouse, aussi discret qu'elle est survoltée, homme de sciences qui réussit tout ce qu'il entreprit mise à part son intégration chez les bons Français. Et oui, quand on est fils d'immigrés juifs d'Odessa, on a beau être le parfait modèle d'intégration républicaine, être le plus brillant, on dérange, surtout dans les années 30. Je demande également le fils Christian, artiste engagé ou encore Luc, le père de l'auteur, sociologue reconnu. Et puis n'oublions pas Christophe Boltanski lui-même qui choisit de consacrer son 1e roman à sa ô combien fantasque parenté, propriétaire d'un hôtel particulier dans le très chic, traditionnaliste et puritain (à tendance réac) 7e arrondissement de Paris.

Une tanière pour cette famille d'excentriques, un rempart contre le monde menaçant, un cocon moelleux mais aussi pernicieux où chacun vivait l'un sur l'autre et occupait la place qui lui était due (imaginez que les enfants dormaient au pied du lit de leur mère et de leur grand-mère, un peu glauque tout de même). C'était cela la famille Boltanski : une prison familiale confortable et rassurante, souvent étouffante, sur laquelle l'auteur revient avec nostalgie. Une famille qui a vécu les grands événements de l'histoire, notamment la période d'occupation allemande. Quand on est Juif, même converti, on n'a pas d'autres choix que d'obéir. Alors ce fut l'étoile jaune portée par le grand-père et l'arrière-grand-mère, marque infamante pour lui le médecin brillant et réputé et elle, la mère un brin menteuse qui quitta Odessa pour suivre un homme plus âgé qu'elle au début du XX siècle.

On sent que l'auteur a mis tout son coeur dans ce roman, jetant sur le papier ses souvenirs pour retracer une mythologie familiale complexe. le procédé stylistique utilisé mérite le détour : chaque chapitre est consacré à une pièce de l'hôtel particulier, l'antre des Boltanski. Nous suivons pas à pas, au fil des pièces, ces personnages qui se dévoilent petit à petit à notre curiosité de lecteurs. A pas feutrés nous entrons dans l'intimité de cette famille, guidés par l'auteur qui porte un regard tendre (mais non sans recul) sur ses aïeux. Si je devais faire un reproche, ce serait celui de manquer légèrement d'âme. J'aurais pu entièrement me laisse porter par ce récit si l'élan romanesque, cette fameuse étincelle qui illumine l'ensemble, n'avaient fait défaut,

Pour autant je conseille cette belle découverte de la rentrée littéraire 2015 qui mérite amplement son succès.
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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Sentiment mitigé avec ce roman de Christophe Boltanski (La cache), il m'a perdu lui aussi en route comme le livre Nicole Krauss, (il va falloir que je prévois des cailloux pour retrouver mon chemin), mais au contraire du livre de Nicole Krauss (« La grande Maison », titre qui aurait d'ailleurs pu convenir à celui-ci), je n'ai pas été ému par ce texte autobiographique. L'idée de construire son roman en passant d'une pièce à une autre, forme une trame attrayante, mais je n'ai pas ressenti l'émotion que de nombreux lecteurs mettent en avant. Je m'y suis ennuyé la plupart du temps alors que les thèmes évoqués avaient tout pour m'intéresser. Pourtant le style est là et ne manque pas d'allure, mais je n'ai vraiment pas accroché à cette famille originale trop de détails, de noms, je m'y suis ennuyé, été rarement touché. Mais ce n'est que moi donc … le nombre fait valeur de qualité !
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critiques presse (7)
Elle
05 août 2021
Christophe Boltanski raconte l’histoire de sa famille à travers la géographie
de l’appartement de ses grandsparents. L’occasion de rencontrer une aïeule fantasque, des oncles excentriques, de découvrir un secret de famille et de saluer la naissance d’un écrivain.
Lire la critique sur le site : Elle
LaLibreBelgique
23 janvier 2017
On s’attend à un livre “glorieux” et c’est tout le contraire. Cette tribu s’avère totalement singulière, soudée comme une bande, originale comme des soixante-huitards, insaisissable, foutraque et formidable.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaPresse
14 décembre 2015
Famille atypique, cultivant une peur de tout héritée de l'Occupation, les Boltanski méritaient bien un roman.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeFigaro
10 septembre 2015
Un formidable récit.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
02 septembre 2015
Christophe Boltanski débusque une drôle de tribu, sa propre famille, nichée dans un hôtel particulier rue de Grenelle. Une archéologie intime.
Lire la critique sur le site : LePoint
Bibliobs
27 août 2015
Un magnifique livre à la Perec, impeccablement construit, intelligent de la première à la dernière ligne, qui tient du jeu de Cluedo, du «Journal» d’Anne Frank et du reportage sur une étrange tribu.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Telerama
26 août 2015
Extravagantes, cocasses et très visuelles, les scènes inaugurales de La Cache laissent une empreinte durable sur la rétine du lecteur.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (114) Voir plus Ajouter une citation
Le poilu assurait-elle, allait guérir de lui-même. Elle s’aperçut tardivement que les trois quarts des plaies étaient causées par des éclats d’obus qui, mêlés à la boue, l’eau putride et le tissu sale des vareuses, provoquaient des infections immédiates.
[…]
Le Journal des marches et des opérations, tenu dans chaque unité et accessible depuis peu sur Internet, ne décrit pas les êtres d’épouvante qui affluent à l’infirmerie, avec leurs visages terreux, leurs intestins à l’air, leurs moignons sanglants, leurs demi-fesses, le larynx arraché, comme si on les avait égorgés, encore capable d’émettre des sons, malgré leurs crânes ouverts qui découvrent les méandres d’un cerveau écarlate. Il ne détaille pas d’avantage les conditions de travail à l’intérieur de l’abri : les blessés qui s’agrippent à la blouse et supplient d’être soignés en premier, les relents de vomi, d’éther et de crasse chaude, la lampe à acétylène qui s’éteint à chaque fois qu’une « marmite » tombe à proximité, le sol gorgé d’eau et de sang, les doigts boueux tâtonnant dans l’obscurité pour trouver la plaie et la badigeonner de teinture d’iode, les dépouilles gonflées et couvertes de mouches entassées à l’extérieur, le martelage sourd, toutes les demi-secondes, qui vous jette à terre et risque de transformer la galerie en tombeau. Rien sur les coups de sifflet, les « En avant ! » hurlés par des officiers, la course éperdue derrière la vague d’assaut, les tac-tac des mitrailleuses, les cris, les explosions, les corps impossibles à soulever tellement ils sont lourds, la civière qui tangue dans la vase, les brancardiers mourant les uns après les autres, dont on ne retrouve qu’une gadoue rouge comme le meilleur ami de mon grand-père […].
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Grenier


Depuis son adolescence, il [Luc] consacrait son temps à lire et à écrire des poèmes. Des vers arrachés à son enfance inquiète, rythmés comme des comptines, qui parlaient de fusils, de mutilés et d'un petit orphelin juif.

11
Ils ont brûlé mon papa
Ma maman l'ont éventrée
Son cadavre est resté là-bas
Près du bourreau près de la roue
Près du four et près du couteau
Près des clous et contre la boue
Le poumon, les plaies et sa joue

Avec ses bagues ils ont fait des dents dorées
Pour que de blanches grasses jeunes filles
mangent de la saucisse

Avec son sang ils ont fait de l'engrais
Pour que tant de braves gens boivent de la bière
au carnaval de Munich

L'orphelin juif a mal au visage
L'orphelin juif connaît trop de paysages

Le boulanger était un des bourreaux
Le receveur d'autobus était un des jurés
Le garde du jardin public tenait le chalumeau
Et la bouchère riait aux éclats
Devant ma maman déchirée

Le sourire, le sourire
C'était deux minutes avant de mourir !

Avec sa graisse ils ont fait du suif
Avec son sang ont fait de l'engrais
Ils ont oublié un orphelin juif
Et qui les hait et qui les hait

p.321-322-323
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Les balles ayant été purifiées par le feu, les blessures de guerre étaient réputées aseptiques. Pour éviter de les souiller, il ne fallait donc pas y toucher. (..) Avant de s’apercevoir de son erreur, la Faculté militaire déconseillait les interventions chirurgicales. Le poilu, assurait-elle, allait guérir de lui-même. Elle s’aperçut tardivement que les trois quarts des plaies étaient causées par des éclats d’obus qui, mêlés à la boue, l’eau putride et le tissu sale des vareuses, provoquaient des infections immédiates.
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Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la nourriture avariée. Des oeufs pourris. Des foules et de leurs préjugés, de leur haines, de leurs convoitises. De la maladie comme des moyens mobilisés pour la contrer. Du comprimé absorbé après une lecture attentive du dictionnaire Vidal. De l'asphyxie au gaz de ville. D'une noyade en mer. D'une avalanche en montagne. Des voitures. Des accidents. Des porteurs d'uniforme. De toute personne investie d'une autorité quelconque, donc d'un pouvoir de nuire. Des formulaires officiels. Des recours administratifs. De la petite comme de la grande histoire. Des joies trompeuses. Du blanc qui présuppose le noir. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. Des Français qui se définissent comme bons, par opposition à ceux qu'ils jugent mauvais. Des voisins indiscrets. De la réversibilité des hommes et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr
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Le poste de police occupe deux étages d'un immeuble d'angle, en pierre de taille. Ils font partie des premiers à venir chercher leur calicot. Ceux dont les noms commencent par les lettres A et B sont appelés à partir du 2 juin 1942. Un homme au "costume râpé" les reçoit dans une pièce assombrie de fumée. Poli, il offre une chaise à sa femme invalide, mais pas à sa mère. Les deux proscrits restent debout, face au policier, assis derrière son bureau. Est -ce le même qui, lors de leur inscription sur le registre spécial en octobre 1940 disait sur le ton de l'évidence : "Monsieur Boltanski, il y a un autre juif près de chez vous, M. Lévy. Vous le connaissez probablement?" Il leur remet à chacun le carré jaune, avec ses trois étoiles à détacher aux ciseaux, et leur demande de signer dans la colonne réservée à l'émargement. En échange, il exige un coupon textile prélevé sur leur carnet de rationnement. Sa mère ressort la première, les yeux effrayés, l'étoffe à la main qu'elle découpera, une fois rentrée à la maison, en suivant le liseré noir, et appliquera avec soin au revers de ses manteaux. Sur le trottoir, elle s'effondre. A la vue du bout de tissu et des larmes qui coulent sur son visage, une passante la prend dans ses bras et lui dit : "A partir de maintenant, on pourra reconnaître nos vrais amis!"
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Videos de Christophe Boltanski (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christophe Boltanski
De #MeToo à "Black Lives Matter", les bouleversements de notre société s'invitent dans la sphère culturelle. À l'heure où les sociétés occidentales questionnent leur héritage, comment les musées s'adaptent-ils ? Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Cécile Debray, conservatrice générale du patrimoine et présidente du musée national Picasso-Paris, et Christophe Boltanski, grand reporter au "Nouvel Observateur".
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