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EAN : 9782070749959
843 pages
Gallimard (26/10/1999)
4.29/5   34 notes
Résumé :
Ce livre est né du trouble suscité par la coexistence d'une dégradation de la situation économique et sociale d'un nombre croissant de personnes et d'un capitalisme en pleine expansion. Pourquoi la critique du capitalisme, si vive dans les années soixante, se réduit-elle aujourd'hui à des invectives incapables de proposer des voies alternatives ? Les changements du capitalisme sont-ils inéluctables et si bénéfiq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Boltanski, c'est une montagne. Un vrai sociologue, en somme : il démonte les préjugés, les présupposés devant lesquels on passe tous les jours et que l'on ne voit jamais ! Il refait l'histoire du capitalisme, une histoire qui est presque un conte : le capitalisme, c'est une sorte de monstre en perpétuelle transformation, qu'il semble aujourd'hui impossible de remettre en cause, d'où sa puissance. Et pourtant, les souffrances sont toujours présentes... Il s'agit alors de fonder une nouvelle critique qui ne peut plus se fonder sur l'analyse marxiste. Vaste besogne dont Boltanski pose avec nous les bases. On se régale.
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management
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le discours de libération a constitué, dès sa formation, l'une des composantes essentielles de l'esprit du capitalisme(1). Mais, tandis qu'à l'origine, la forme de libération proposée par le capitalisme prend sens essentiellement par référence à l'opposition entre les « sociétés traditionnelles », définies comme oppressives, et les « sociétés modernes » seules susceptibles de rendre possible une autoréalisation individuelle - opposition qui est elle-même une production idéologique constitutive de la modernité -, l'esprit du capitalisme a été amené, dans ses formulations ultérieures, à offrir une perspective de libération susceptible d'intégrer aussi les critiques dénonçant l'oppression capitaliste, c'est-à-dire la non-réalisation, dans les faits, des promesses de libération sous le régime du capital. C'est dire que l'esprit du capitalisme, dans sa deuxième expression et dans les formes qu'il est en train d'adopter de nos jours, poursuit, sous ce rapport, deux lignes différentes. La première prend toujours pour cible le « traditionalisme » crédité du pouvoir de menacer d'un retour virulent les sociétés occidentales modernes et dénoncé comme une réalité en actes dans les pays du tiers monde. La seconde, en réponse, au moins implicitement, aux critiques de l'oppression capitaliste elle-même, comporte une offre présentée comme libératoire par rapport aux réalisations antérieures du capitalisme. L'esprit du capitalisme, dans la seconde moitié du xxe siècle, se donne par-là à la fois comme un moyen d'accéder à l'autoréalisation par le truchement de l'engagement dans le capitalisme et comme une voie de libération par rapport au capitalisme lui-même dans ce qu'il a pu avoir d'oppressif dans ses réalisations antérieures.

La dynamique de l'esprit du capitalisme semble ainsi reposer sur des « boucles de récupération » que nous avons déjà rencontrées à propos de la question de la justice. Nous pouvons en identifier également pour ce qui est de la libération, c'est-à-dire, dans une large mesure, par rapport à ce qui confère à l'engagement dans le processus capitaliste son caractère « excitant » : le capitalisme attire à lui des acteurs, qui réalisent avoir été jusque-là opprimés, en leur offrant une certaine forme de libération, laquelle dissirnule de nouveaux types d'oppression ; on peut dire alors que le le capitalisme « récupère », par la mise en œuvre de nouvelles modalités de contrôle, l'autonomie consentie ; mais ces nouvelles formes d'oppression se dévoilent progressivement et deviennent la cible de la critique, si bien que le capitalisme est amené à transformer ses modes de fonctionnement pour offrir une libération redéfinie sous les coups du travail critique. Mais la « libération » ainsi obtenue recèle à son tour de nouveaux dispositifs oppressifs qui permettent, dans le cadre du capitalisme, une remise sous contrôle du processus d'accumulation.

(1) C'est parce qu'il bouleverse sans arrêt les conditions de la production que le capitalisme doit faire place à l'idée de libération. On se reportera ici au livre de M. Berman (1982) et au célèbre passage du Manifeste communiste dont il constitue une sorte de vaste commentaire : « Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, traditionnels et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d'envisager leurs conditions d'existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés • (Marx, Engels, 1966, pp. 34-35). (pp. 564-565)
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En adaptant ces thèmes revendicatifs à la description d'une nouvelle façon, libérée et même libertaire, de faire du profit -dont il est.dit aussi qu'elle permet la réalisation de soi et de ses aspirations les plus personnelles -, le nouvel esprit a pu se comprendre, dans les premiers temps de sa formulation, comme un dépassement du capitalisme mais par là, aussi bien, comme un dépassement de l'anticapitalisme.

La présence en son sein des thèmes de l'émancipation, et de la libre association entre créateurs rapprochés par une même passion et réunis, sur un pied d'égalité, dans la poursuite d'un même projet, le distingue d'un simple retour au libéralisme, après la parenthèse des formations pianistes issues de la crise des années 30, qu'il s'agisse du fascisme ou de l'État providence (ces solutions « pianistes » s'étaient donné comme idéal l'encadrement du capitalisme par l'État, voire son incorporation dans l'État, avec une visée de progrès et de justice sociale). Le nouvel esprit du capitalisme, au moins dans les premières années de sa formation, n'a en effet pas mis l'accent sur ce qui constitue le cœur du libéralisme économique historique et, notamment, sur l'exigence de concurrence sur un marché autosuffisant entre des individus séparés dont les actions seraient uniquement coordonnées par les prix mais, au contraire, sur la nécessité d'inventer d'autres modes de coordination et pour cela de développer des façons de se lier aux autres incorporées aux relations sociales ordinaires mais jusque-là ignorées du libéralisme, fondées sur la proximité, l'affinité élective, la confiance mutuelle, voire sur un passé commun de militant ou de rebelle.

De même, la relation à l'État n'est pas celle du libéralisme. Si ce nouvel esprit du capitalisme partage avec le libéralisme un antiétatisme souvent virulent, cet antiétatisme trouve ses sources dans la critique de l'État développée par l'ultragauche dans les années 60-70 qui, partie d'une dénonciation de la compromission du capitalisme et de l'État (le « capitalisme monopoliste d'État » ), avait, en opérant sa jonction avec la critique de l'État socialiste dans les pays du « socialisme réel », élaboré une critique radicale de l'État comme appareil de domination et d'oppression, en tant que détenteur du « monopole de la violence légitime » (armée, police, justice, etc.) tout comme de « la violence symbolique» exercée par les « appareils idéologiques d'État», c'est-à-dire d'abord l'École mais aussi toutes les institutions culturelles. alors en plein développement. Énoncée dans une rhétorique libertaire, la critique de l'État des années 70 pouvait ne pas reconnaître sa proximité avec le libéralisme : elle était en quelque sorte libérale sans le savoir. Aussi l'adhésion à une dénonciation virulente de l'État ne supposait-elle pas nécessairement un renoncement aux avantages de l'État providence considérés comme autant de droits acquis. La critique de l'État (comme celle, sous un autre rapport, des bureaucraties syndicales) était l'une des médiations par lesquelles s'exprimaient le rejet du second esprit du capitalisme et l'espoir, non formulé comme tel, de cette formation originale, réconciliant les contraires : un capitalisme gauchiste. (pp. 313-314)
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L'introduction (...) de groupes d'expression de travailleurs, de "cercles de qualité", et de toute une panoplie sophistiquée d'outils de relations humaines a permis le renforcement du contrôle par les directions qui sont désormais beaucoup mieux informées que les syndicats sur les revendications et malaises des travailleurs.
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Les nouvelles pratiques d'entreprise et la nouvelle morale en réseau qui les accompagne tendent à remettre en cause le partage entre les activités et les qualités qui sont de l'ordre du personnel et celles qui sont de l'ordre du professionnel, partage qui avait pourtant joué un rôle considérable dans la formation du capitalisme.
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Dans un monde en réseau, chacun cherche à établir les liens qui l'intéressent et avec des personnes de son choix. Les relations (...) sont "électives".
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Vidéo de Luc Boltanski
Les sociologues Luc Boltanski et Jeanne Lazarus nous ouvrent les portes de la sociologie : le livre "Comment s'invente la sociologie", qu'ils signent avec Arnaud Esquerre, est un dialogue à trois retraçant leurs parcours et les fonctionnements de cette discipline, de ses débuts à notre époque. Ils sont les invités de Géraldine Mosna-Savoye et de Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Alexander Spatari / Getty
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