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Critique de gerardmuller


Stefan Zweig/ Biographie par Dominique Bona
C'est une excellente biographie de l'écrivain Stefan Zweig, un de mes écrivains préférés, que nous propose dans ce livre Dominique Bona.
Mais pas seulement une biographie et une analyse psychologique du personnage : c'est aussi une analyse de l'art d'écrire de Stefan Zweig.
L'enfance de Zweig n‘a pas été marqué par la douceur : enfant gâté il n'a manqué de rien si ce n'est de la première tendresse.
Déçu par l'éducation insipide reçue à l'école qui visait non à développer la personnalité, à l'épanouir et l'enrichir, mais à la dompter, le jeune Stefan sera toujours rebuté par le système scolaire. Il a une passion pour la musique, le théâtre et la littérature, des matières négligées dans le cursus scolaire. Ses idoles vont être Rainer Maria Rilke et Hugo von Hofmannstahl, deux grands poètes autrichiens.
Pour Zweig, on n'était pas un vrai Viennois sans l'amour de la culture.
Zweig parlait l'anglais, l'italien et le français en plus de sa langue maternelle l'allemand et du latin et du grec appris à l'école. Il a une passion pour Voltaire et Racine autant que pour Goethe et Schiller.
Dans son récit « le Monde d'hier », Zweig décrit en scènes vivantes la vie sexuelle et amoureuse avant le Première Guerre Mondiale. La morale de l'époque est peu propice aux élans amoureux. D'une plume discrète, il esquisse sans rien livrer de personnel, ce qu'était une visite dans une maison close. Il ne dit pas s'il y a été lui-même.
Zweig est un personnage qui doute de ses capacités et il affirme ne se voir aucun avenir dans la littérature.
On est étonné 70 ans plus tard de voir qu'il est l'écrivain de l'époque le plus lu dans le monde. Zweig est une valeur sûre, de nos jours, de la littérature : il plait par ses récits brefs, intenses et passionnels, exaltés et douloureux. Chez Zweig, « le feu court à travers les mots, les phrases. » le secret est la clé du récit. « Chacun des personnages se débat avec ce quelque chose, inavoué, informulé, enfoui au plus profond de lui où il croit l'avoir oublié, mais qui un jour remonte à la surface, menaçant un équilibre précaire, ou miraculeux. » Ses personnages sont animés d'une dualité profonde, et possédés par une passion. Zweig plait car il est un écrivain concis et efficace. Pas de longueurs, il écrit en homme pressé. « La femme est le coeur de ses livres et il la met en scène à tous les âges de la séduction. »
Au cours de se voyages, il se découvre un attrait particulier pour Paris.
Il aime Verlaine et fréquente Émile Verhaeren et Romain Rolland avec qui il voudrait une réconciliation franco-allemande après la victoire prussienne de 1870.
Mais, « rêve d'intellectuel, divagation ubuesque, la thèse fait hausser les épaules aux contemporains. Les peuples eux-mêmes, grandis dans l'ignorance et l'affrontement réciproques, ne sont pas mûrs pour la comprendre. »
Il se sent en harmonie avec de grands esprits comme Hermann Hesse qui défend la liberté de l'individu, la résistance à la contrainte et aux violences physiques ou morales.
Mais il ne se décourage pas et se rappelle chaque jour la phrase de Goethe : « Homme, quand comprendras-tu que ne pas aboutir fait ta grandeur ? »
Dominique Bona dissèque un peu plus la personnalité de Zweig et nous montre que l'érotisme est à côté du travail, des lectures et de l'amitié, le jardin secret de Zweig.
Ses relations sont éphémères et secrètes : il ne s'attache pas.
Cependant il rencontre Frederike et les sentiments qu'il éprouve à son égard le prennent au dépourvu. Il l'épouse et divorcera à la fin de sa vie, pour Charlotte.
Il va s'intéresser à trois écrivains : Balzac, Dostoievski et Dickens et écrire un triptyque qui reste une oeuvre majeur.
Il s'installe à Salzbourg avec Frederike pour écrire en toute tranquillité. Il reçoit Toscanini, Bartok, Alban Berg, Richard Strauss, Ravel. Il connaît Roger Martin du Gard, André Gide, Julien Green, André Maurois et entretient une relation cordiale avec chacun.
Un de ses maîtres à penser est Érasme de Rotterdam qui voyait dans l'intolérance le mal héréditaire de notre société. Comme lui, Zweig n'obéit à aucune couleur, à aucun hymne, à aucun drapeau. Autrichien, il se veut d'abord européen. Érasme est pour lui le modèle de l'homme libre capable de résister aux despotismes.
Après l'autodafé du 10 mai 1933 au cours duquel les nazis brûlent tous les livres qui ne sont pas en accord avec les thèses du nazisme, Zweig fuit à Londres, mais il ne se plait pas en Angleterre et préfère séjourner à Nice pour voir ses amis, Joseph Roth, Jules Romain, Igor Stravinski, H.G.Wells.
Puis c'est New York en 1935, Rio de Janeiro et Buenos Aires où il donne des conférences.
1937, c'est la première dépression nerveuse. Zweig doute de tout. L'Anschluss en 1938 puis les accords de Munich le 30 septembre achèvent de lui miner le moral et la santé.
« Les accords de Munich scellent l'annexion de l'Autriche et se concluent par la poignée de main tristement historique entre Daladier, Hitler et Chamberlain. »
Il se retire au Brésil à Pétropolis, non loin de Rio.
Zweig commence dès 1941 la rédaction de son livre testament « le monde d'hier » à l'usage des générations futures pour qu'elles mesurent ce qu'il y avait de beau et de bon dans cette civilisation européenne, anéantie par deux guerres. Ce sont des pages soutenues par l'émotion, mais qui gardent une élégance et une pudeur, marques indélébiles de l'auteur.
On connaît la fin : le 21 février il se donne la mort avec sa jeune épouse Lotte.
Il est enterré à Pétropolis.
Magnifique livre que cette biographie très complète de Stefan Zweig par Dominique Bona, qui se lit comme un roman.
Les oeuvres les plus célèbres de Zweig, vendues encore de nos jours à des millions d'exemplaires :
Amok, La pitié dangereuse, La confusion des sentiments, 24 heures de la vie d'une femme, Destruction d'un coeur, le monde d'hier, et son chef d'oeuvre à mon sens, le joueur d'échecs. Ainsi que de très belles biographies, Fouché, Marie-Antoinette, Erasme, Magellan etc…
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