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EAN : 9782708705760
255 pages
Editions Présence Africaine (11/07/2000)
4.35/5   10 notes
Résumé :
Son beau livre, Crépuscule des temps anciens, chronique plus que roman, qui couvre trois siècles de l'histoire du Bwamu, jusqu'aux débutes de la colonisation, répond à cette exigence. L'auteur y a mis toute sa conscience et tout son coeur, témoignant de cette ojectivité rare qui consiste, lorsqu'il s'agit de hommes, à se mettre sincèrement à l'écoute.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Nazi Boni, né en 1909 en Haute-Volta (Burkina Faso) et mort en 1969 exprimait l'urgence de recueillir ce qui subsistait dans la mémoire des anciens du passé de l'Afrique noire; Tel était son souci face au drame des civilisations à tradition orale que la parole vivante mais mortelle maintient dans l'être.

Son livre “ Crépuscule des temps anciens ”, plus chronique que roman, couvre trois siècles de l'histoire du Bwamu, ce peuple du sud du Burkina Faso, jusqu'aux débuts de la colonisation. Avec soin et grande sincérité, Nazi Boni restitue ce que fut l'histoire au quotidien de ce peuple aux traditions encore très vivantes aujourd'hui.

“ Il y a de cela environ trois cents ans moins vingt.. ”, ainsi s'exprime l' ”Ancêtre du village ”, le conservateur des traditions du Bwamu, pays des Bwawa, improprement désignés parfois sous le nom de “ Bobos-Oulé ” ou de “ Niéniégués ”.

Le livre ayant été rédigé en 1962, cela nous ramène au 18ème siècle. En ces temps anciens, est mort un jour le Chef de Terre, intermédiaire entre l'Homme et la Terre, chef plus religieux que politique. Grand émoi au village, il faut organiser la veillée funèbre et la grande cérémonie du Yumu en son honneur. L'Ancêtre Gnassan, son successeur, Chef de Terre, nonagénaire de deux mètres de haut, est le maître de la brousse,de la forêt et des eaux, partenaire incontesté de Gni'lé, le Dieu de la Nature.

Pour honorer le défunt, jeunes et plus âgés rivalisent d'ardeur et de courage. Mais gare à qui sera trop désinvolte: au jeunot qui lâche avec dédain que la réunion sera une affaire de vieux, on rétorque par la menace pour lui de crever un jour ”les mâchoires crispées et les yeux exorbités, car les Mânes n'acceptent pas une telle irrévérence ”. On voit alors le jeune béro ou guerrier fauve nommé Térhé tuer le lion à mains nues pour impressionner guerriers et femmes. Devant cet acte de bravoure, le sénior Kya, béro lui aussi, ne peut qu'essayer de faire mieux: il tranche la tête d'un homme de son woro, sorte de coupe-coupe, et la rapporte avec un avant-bras de sa victime et on expose les trophées qui serviront de cibles aux enfants munis de leurs petits arcs.
Pendant ce temps, les femmes rient, se taquinent et leurs conversations sont parfois salées! Mais la guéguerre reprend entre les classes d'initiation, juniors pas encore initiés contre séniors de la promotion précédente, beaucoup plus âgés, sous le regard critique mais juste des vérérans, les plus anciens initiés. C'est ainsi que les jeunes défient les séniors pour aligner des “ billons ” (sillons mais buttés en relief) du matin au coucher du soleil. Les plus âgés, vexés, s'inclinent tandis que leurs cadets friment et pérorent, dansent jusqu'à minuit et trouvent encore la force d'honorer leurs fiancées. Nombre de mariages seront décidés ce soir-là!
Si les filles ricanent entre elles au sujet des garçons, ces derniers ne sont pas en reste pour évaluer les charmes de l'une ou de l'autre et on rabroue l'idiot qui se moque d'une laide, sans avoir su apprécier ses rondeurs appétissantes et sa silhouette de rêve! Ainsi s'instruisent et se forment à l'amour les jeunes de même âge.
Et l'on prépare la fête des épousailles entre le béro Térhé et sa superbe fiancée Hadonfi que ses co-épouses regardent d'un sale oeil tant elle danse bien le bâka cette danse où la jeune fille danse au milieu du cercle des autres femmes puis se jette dans le vide, accueillie par leurs bras bienveillants. Il faut faire confiance et ne pas craindre une main malhabile ou malveillante qui vous laisserait tomber! Et l'auteur fait retentir pour nous le chant des griots dont les pieds s'ornent de grelots, la musique des balafonistes dont les “ gourdes sont garnies des toiles d'araignées nécessaires ” (ils ferment les calebasses destinées à amplifier le son par des toiles d'araignées aussi solides et résistantes qu'une fine peau). Instruments à cordes, balafons , sonnailles et grelots sont accompagnés du rythme obsédant et accéléré jusqu'à la transe des tam-tams traditionnels.
Mias il ne suffit pas de danser, il faut nourrir le corps et les femmes ont ”touillé ” le tô ” (boule de mil, de maïs ou de n'importe quelle céréale) dans le canari (potiche). Les costumes sont superbes, panaches blancs tremblotant sur les têtes des hommes,, sabres et poignards luisant sous la lune, plumes de calao dans la coiffure, quels efforts d'élégance! Enivré de musique et salué par les compliments hyperboliques des griots, le jeune marié danse merveilleusement, roi de la brousse et de la forêt, le lion et la panthère, l'éléphant et l'hippopotame s'enfuient devant lui!
La fête va durer ainsi trois jours.

“ La mouche qui tombe dans l'eau n'empêche pas la consommation ”, se disait Hadonfi devant les méchancetés de ses trois co-épouses, jalouses de la favorite. Il suffit d'enlever le vilain insecte (les ffemmes) et l'eau ( le mari) sera encore très bonne.

Alors, sagement, la nouvelle épousée recherche l'amitié d'Hakanni, la maîtresse adorée de son époux, celle qu'il épouserait si la coutume ne le lui interdisait au nom d'un très lointain cousinage. Si l'autorisation n'est pas donnée, ils seront accusés d'être hors-coutume, quasiment incestueux et perdront alors tout ce qui touche au sacré: fétiches, rituels et protection des Mânes des Ancêtres et des génies. On ne peut prendre ce risque. Or, celui qui peut lever l'interdit n'est autre que Lowan, l'oncle d'Hakanni et...cousin de Kya, l'ennemi juré de Téhré!
“ Tu es pour moi la quintessence de l'amour ” dit Térhé, “ Mon tout ”, lui chuchote Hakanni. Mais son angoisse a des motifs: si elle ne se marie pas, l'enfant qu'elle porte, fils de Térhé, reviendra à sa famille où il occupera un rang de second plan, donné à l'oncle Lowan. Que Dombéni le dieu leur vienne en aide!
C'est une histoire romantique, où les amants poursuivis par le destin décident de mourir ensemble et de rejoindre ensemble le Nihamboloho , la cité des fantômes. Pour cela, il faudra incorporer un peu du sang de Hakanni dans les veines de son amant. Ce qu'ils font en secret.

L'auteur promène ses héros amoureux dans un pays africain en proie aux violences tribales, aux actes de bravoure des guerriers. Nous suivons les plus jeunes dans leurs provocations insolentes à l'égard des aînés qui détiennent “ la Force ”, le savoir magique, et finissent, toute honte bue, par recevoir l'initiation de ces redoutables Yenissa. Ils veulent eux aussi, honorer le Dô, le grand fétiche. Enfin, ils sont soumis aux rites d'une violence inouïe, proches de la torture physique et morale, à ce point que l'un d'entre eux rendra son âme avant la fin du passage rituel. Qu'importe! Malgré le chagrin, les voilà devenus yenissa à leur tour, chargés des responsabilités et de la défense du pays, ce qui justifie toutes ces épreuves. Il y a une certaine connivence et, au final, de la bienveillance de la part des aînés qui se déchargent enfin de leur rôle. La hiérarchie est forte, basée sur les différents niveaux d'initiation. Mais chacun a sa place, ce qui garantit une certaine tranquillité.

Soudain les nouvelles volent de village en village: les Blancs sont arrivés, on cite d'abord un gigantesque homme aux cheveux rouges qui semble n'avoir peur de rien: il s'agit de l'explorateur français Binger qui a découvert cette zone de l'Afrique centrale vers 1888. Puis arrivent les Blancs, fortement armés, qui profitent de la désorganisation des Bwawa pour les soumettre, au prix d'une résistance acharnée et de massacres invraisemblables. le courage ne suffit pas face aux armes modernes (canons et fusils Loebel).

Indifférent au drame historique, l'oncle Lowan se meut en magicien puis en sorcier en usant de magie noire contre Térhé, sans succès immédiat mais au prix fort car un sorcier doit offrir un membre de sa famille aux esprits du mal, il pensait voir sacrifier sa nièce, l'amante de Térhé, c'est son propre fils qui finit capturé par des ennemis et emmuré vivant! La rage au coeur, de sorcier il devient assassin sordide en jetant un poison dans une décoction bue par le jeune héros. Une mort douloureuse et insupportable pour tous les Bwawa s'ensuit pour le jeune amant, vite rejoint par sa jeune maîtresse. le fossoyeur retrouvera le corps de celle-ci sur la tombe du héros et quand il les réunira dans le tombeau, il verra les corps frémir au premier contact!

Au-delà du récit romantique et épique à la fois, il faut voir dans ce livre un essai - réussi on espère - de préserver de l'oubli tout une culture et on se laisse volontiers immerger dans un monde étonnant, riche et fort, sécurisant malgré les apparences car tout y est prévu, organisé, apaisé finalement.

Des expressions croustillantes viennent nous surprendre et nous amuser, venues pour nous du fin fond de la littérature française comme “ peu m'en chaut ”, “ croquer le marmot ”(= attendre). D'autres plus “ français local ”: charlater (aller voir le charlatan ou devin). La langue, par ailleurs, ne manque pas d'un certain lyrisme comme en témoigne cette description de cette fin d'hivernage (hiver):
“ Les dieux de la pluie et de la verdure avaient abdiqué en faveur de ceux de la chaleur et du désert. [….] Des roniers, les panaches qui couronnaient les stipes altiers s'effilochaient tandis que les kapokiers effeuillés confiaient leurs bourres au courrier de l'harmattan. [...]L'air surchauffé se muait tantôt en mirages dansants, tantôt en innombrables geysers d'or diffusés dans l'atmosphère avec un tremblotement qui agaçait la vue. ”

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Dans le Bwamu, une génération d'anciens se perd mais la réaction tant espérée des plus jeunes se fait attendre. La nature n'est plus clémente, le pouvoir est exercé par un cercle restreint et la transmission prévue n'arrive pas.
Alors, la jeune génération amenée par le vaillant Térhé n'a plus d'autre choix que de recourir à l'affrontement.
Au même moment un conquérant d'un genre nouveau arrive à grands pas. On lui attribue déjà des victoires éclatantes et il ne serait guère impressionné par les cultes locaux...
Un superbe ouvrage qui fait écho au malaise des jeunes, qui partout dans le monde manifestent pour réclamer leur place.
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Crépuscule des temps anciens de Nazi Boni est un très beau témoignage sur le fonctionnement d'une société africaine juste avant la colonisation. Par son double statut d'enfant du pays et d'intellectuel qui est allé à l'école des Blancs, l'auteur peut se permettre de porter un regard à la fois distancié et impliqué sur la vie de ce village du Bwamu, et nous donne quelques clés pour accéder à la révélation de son monde. Il met en lumière les valeurs qui fondent les relations entre ses membres, et nous offre un tableau tragique, lucide et drôle des espoirs, des rivalités, des déceptions ; plein d'affection pour ces personnages qui pourraient être ses grands-parents, plein d'humour pour décrire leurs émotions, leurs sentiments, leurs peines et leurs joies. J'ai beaucoup aimé la description du premier Blanc et le constat étonné qu'il s'agissait bien d'un être humain ! La sensualité décrite sans fard y est joyeuse et naturelle. Publié en 1961, ce récit certes écrit par un homme -, fait tenir aux femmes un discours sur leur sexualité qui a dû bousculer la pudibonderie de la société européenne de l'époque, à condition que le lecteur européen se soit affranchi de son regard condescendant sur l'Afrique. A le lire aujourd'hui, je suis porté à penser que, par la liberté de son propos sur le sujet, ce roman est d'une grande modernité. Et sa fin poignante nous touche par sa dimension universelle.
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Simple et bon
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
“ Les dieux de la pluie et de la verdure avaient abdiqué en faveur de ceux de la chaleur et du désert. [….] Des roniers, les panaches qui couronnaient les stipes altiers s’effilochaient tandis que les capockiers effeuillés confiaient leurs bourres au courrier de l’harmattan. [...]L’air surchauffé se muait tantôt en mirages dansants, tantôt en innombrables geysers d’or diffusés dans l’atmosphère avec un tremblotement qui agaçait la vue. ”

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En attendant, la fête continue, la fièvre monte. Un brouhaha houleux, ample, terrifiant se dégage de cet inextricable tohu-bohu, parvient dans la brousse aux bêtes sauvages qu’il effraie. Lions, cobas, panthères, buffles, antilopes, etc, s’éloignent, se réfugient au plus profond des fourrés. Seuls, les singes rouges et les cynocéphales, poussés par la curiosité, se faufilent à la faveur de la douce clarté lunaire jusqu’aux abords de la ville. Timidement blottis dans le feuillage, la lèvre pendante, ils savourent à distance respectueuse la musique, cette étrange et enivrante invention des hommes.
N’était la crainte d’être décelés, ils se seraient mis, eux aussi, à danser sur les arbres.
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Si les ennemis viennent en rangs serrés,
En rangs clairsemés
Nous sortirons
Et nous les écraserons.
Il y en a qui ne sont braves
Qu'auprès des femmes.
Il y en a qui ne sont braves
Qu'auprès des belles femmes.
Finies les générations d'hommes vénérables…
etc.
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Ne hantait plus les esprits depuis deux mois, la lugubre vision du fulgurant ciel d’hivernage qui déchargeait coléreusement sur la terre effarée, son avalanche d’eau et d’orage, fier d’aréner les chétives demeures des hommes. Les dieux de la pluie et de la verdure avaient abdiqué en faveur de ceux de la chaleur et du désert. La sécheresse régnait d’autorité, imposait ses habitudes, ses lois. Aux êtres de s’adapter.
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L’Afrique ne serait pas l’Afrique,si elle avait honte d’un passé dont elle n’a qu’à se glorifier.
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