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Critique de MicheleP


Il se trouve que j'ai lu en même temps « La maladie et la Foi au Moyen Age», de Lydia Bonnaventure et «La légende de la mort » (en Bretagne) d'Antoine le Braz (sur la recommandation de Couperine sur Babélio) et j'ai été frappée par les similitudes entre les deux ouvrages : même misère impuissante devant la maladie et la mort, même ignorance, même foi, seule l'intervention de forces surnaturelles pouvant sauver le malade. C'est peut-être l'évocation de ce monde de condamnés qui m'a le plus émue. Monde que l'on retrouve dans « La princesse de Clèves » où tout le monde meurt en pleine jeunesse, plus près de nous, dans « Les Thibault » de Roger Martin du Gard où Antoine Thibault est démuni devant ses malades à l'agonie, toute une souffrance qui modelait les hommes d'une façon dont l'Occident européen du XXI° siècle n'a plus idée.
C'est que « La maladie et la Foi » se situe au Moyen Age, au début du XIIIème siècle et dans une perspective hagiographique, celle des « Miracles de Notre Dame » du poète Gautier de Coinci, un moine qui finira sa vie comme Grand Prieur de Saint-Médard de Soissons. Or les « Miracles » font une très large part à la maladie, les guérisons spontanées étant toujours considérées comme miraculeuses.
Lydia Bonnaventure distingue deux types de maladies, celles survenant au cours d'une épidémie, et qui sont une épreuve pour les croyants sincères et celles envoyées comme punition divine. Les deux maladies reconnaissables dans les « Miracles … » sont la lèpre et le « mal des ardents », dû à une moisissure de l'ergot de seigle et dont les formes hallucinatoires ont été connues à Salem (le mal des fameuses sorcières) et plus près de nous, il y a une cinquantaine d'années dans le petit village de Pont-Saint-Esprit. En fait, les maladies décrites se ressemblent beaucoup, l'ergotisme apparaissant souvent ici sous sa forme gangréneuse. Les descriptions de quelques vers en sont toujours frappantes : « Une partie de son visage était si vide à cause du feu d'enfer, de sa grande violence, qu'elle n'avait point de visage, ni nez, ni bouche » (p. 30), «Son corps souffrait le martyre. Sa jambe et son pied avaient pourri … il puait tant que sa puanteur tuait les gens » (p. 60) L'ergotisme convulsif peut, d'autre part, se confondre avec certaines formes d'épilepsie. En fait, la classification des maladies, pour un homme du XIIIème siècle, est aussi floue qu'ignorés les moyens de sa guérison. Dans un appendice, L.B. évoque d'autres maladies de l'époque, comme la peste et les écrouelles, qui, dit-elle, n'apparaissent pas chez Gauthier.
La maladie atteint toutes les classes sociales, tous les âges, les deux sexes, croyants et « impies » (le Moyen Age ne brillant pas par sa tolérance, les juifs ne seront pas guéris) et pour lutter contre elle, il n'y a qu'une seule arme, celle d'une foi sans faille, d'une confiance absolue dans la Vierge Marie, gage d'une guérison spectaculaire.
L'oeuvre se poursuit par une excellente partie plus stylistique, portant sur la description des maladies (complaisance et subjectivité) et revient ensuite à l'anthropologie par l'étude des types de guérisons, châtiments et rédemption.
Au total, un livre passionnant, issu d'une recherche universitaire, érudit, mais présenté avec tant de simplicité et de clarté qu'il peut s'adresser à un très large public intéressé par les religions, l'histoire de la maladie, le Moyen Age ou même par la découverte d'un grand poète, dont les nombreuses citations en ancien français, suivies traductions, montrent bien le talent d'écriture, par ces croquis qui font penser à Jérôme Bosch ou à Jacques Callot.
Ah ! si toutes les thèses étaient aussi intéressantes !
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