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EAN : 9782718608303
41 pages
Galilée (09/09/2010)
4.5/5   4 notes
Résumé :
Si je n’avais pas adopté ce parti prosodique, quatorze vers distribués en deux quatrains et deux tercets, ces poèmes n’auraient pas existé, ce qui ne serait peut-être pas bien grave, mais je n’aurai pas su ce que quelqu’un en moi avait à me dire. Les mots, les mots comme tels, autorisés par ce primat de la forme à ce qu’ils ont de réalité sonore propre, ont établi entre eux des rapports que je ne soupçonnais pas. Le besoin d’éviter dans ce lieu étroit la répétition,... >Voir plus
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
L'enfant du second jour


Le dieu qui errait là, au premier matin,
Qu’aurait-il espéré de la parole ?
Il ne fit rien que rassembler des pierres,
Ce sont ces tas qu’on voit, à des carrefours.

Mais vint un second jour. Et parut cet enfant
Qui ramasse, hésitant, une brindille
Pour l’offrir, infinie en sa main tendue,
À d’autres qui, surpris dans leur jeu, se taisent.

Ils le regardent qui avance, ils se détournent,
Le ciel à grand fracas traverse les arbres,
Son feu s’abat, où j’entendais ces rires.

Au soir du second jour le monde cesse,
Ce qui aurait pu être ne sera pas,
Toute la nuit il pleut jusqu’au fond de l’herbe.

p.26

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Un souvenir


Il semblait très âgé, presque un enfant,
Il allait lentement, la main crispée
Sur un lambeau d’étoffe trempée de boue.
Ses yeux fermés, pourtant. Ah, n’est-ce pas

Que croire se souvenir est le pire leurre,
La main qui prend la nôtre pour nous perdre ?
Il me parut pourtant qu’il souriait
Lorsque bientôt l’enveloppa la nuit.

Il me parut ? Non, certes, je me trompe,
Le souvenir est une voix brisée,
On l’entend mal, même si on se penche.

Et pourtant on écoute, et si longtemps
Que parfois la vie passe. Et que la mort
Déjà dit non à toute métaphore.

p.15
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Encore une photographie

Qui est-il, qui s'étonne, qui se demande
S'il doit se reconnaître dans cette image ?
C'est l'été, vraisemblablement, et un jardin
Où cinq ou six personnes sont réunies.

Et c'était quand, et où, et après quoi ?
Ces gens, qui furent-ils, les uns pour les autres ?
Même, s'en souciaient-ils ? Indifférents
Comme déjà leur mort leur demandait d'être.

Toutefois celui-ci, qui regarde cet autre,
Intimidé pourtant ! Étrange fleur
Que ce débris d'une photographie !

L'être pousse au hasard des rues. Une herbe pauvre
À lutter entre les façades et le trottoir.
Et ces quelques passants, déjà des ombres.
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Afin que si mon nom…


Je te donne ces vers, non parce que ton nom
Pourra jamais fleurir, dans ce sol pauvre,
Mais parce que tenter de se souvenir,
Ce sont des fleurs coupées, ce qui a du sens.

D’aucuns disent, perdus dans leur rêve,
   « une fleur »,
Mais c’est ne pas savoir que les mots tranchent,
S’ils croient le désigner, dans ce qu’ils nomment,
Transmutant toute fleur en idée de fleur.

Cisaillée la vraie fleur se fait métaphore,
Cette sève qui coule, c’est le temps
Qui achève de se déprendre de son rêve.

Qui veut avoir, parfois, la visite, se doit
D’aimer dans un bouquet qu’il n’ait qu’une heure.
La beauté n’est offrande qu’à ce prix.

p.16
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Une photographie


Quelle misère, cette photographie !
Une couleur grossière défigure
Cette bouche, ces yeux. Moquer la vie
Par la couleur, c’était alors l’usage.

Mais j’ai connu celui dont on a pris
Dans ces rets le visage. Je crois le voir
Descendre dans la barque. Avec déjà
L’obole dans sa main, comme quand on meurt.

Qu’un vent se lève dans l’image, que sa pluie
La détrempe, l’efface ! Que se découvrent
Sous la couleur les marches ruisselantes !

Qui fut-il ? Qu’aura-t-il espéré ? Je n’entends
Que son pas qui se risque dans la nuit,
Gauchement, vers en bas, sans main qui aide.

p.13
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Vidéo de Yves Bonnefoy
Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. « Lègue-nous de ne pas mourir désespéré », lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un « livre de famille » testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : « Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole… » La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier.
« Le souvenir est une voix brisée, On l'entend mal, même si on se penche. Et pourtant on écoute, et si longtemps Que parfois la vie passe. Et que la mort Déjà dit non à toute métaphore. » L'heure présente, Yves Bonnefoy
À lire – Yves Bonnefoy, Oeuvres poétiques – Coll. La Pléiade, Gallimard 13 avril 2023.
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