Le narcissisme
On peut dire en forme de boutade que
Gérard Bonnet sait de quoi il parle dans la mesure où il renvoie régulièrement le lecteur à ses propres ouvrages par le biais des notes en bas de page. Mais son discours le dédouane en quelque sorte puisque il tend à prouver que
le narcissisme est une nécessité vitale qui conduit de l'amour de soi à l'amour de l'autre (contrairement à la morale chrétienne qui prône l'inverse).
Avec un plan diabolique en début d'ouvrage,
Gérard Bonnet nous ouvre la voie et d'abord celle du narcissisme originaire qui nait dans l'amour projeté par le regard de la mère. Cette reconnaissance impérieuse qui éclaire par sa lumière mystérieuse est le fondement de notre inconscient qui se matérialise en écran, formes et objets.
Un développement littéraire clair et patient permet de déambuler calmement dans les arcanes de nous souvenirs partiellement effacés et nous conduit à la phase du narcissisme secondaire, celui qui consiste à réfuter l'origine pour mieux favoriser l'éclosion de l'être (j'évite à dessein le jargon psychanalytique, moi, je , soi, tu… etc. dont G Bonnet n'abuse d'ailleurs pas) et la capacité créatrice comme meilleur moyen de s'épanouir.
L'analyse de trois oeuvres picturales sur le thème du narcissisme permettent de disserter et d'expliquer : les narcisses de Caravage, Poussin et
Dali qui chacun à leur manière viennent éclairer le propos. Un petit hommage à Merleau Ponti pour lier l'oeil et l'esprit. Une manière du regard qu'on retrouve dans celui de Vinci qui compense ses manques originaux par une production monumentale et une générosité royale.
Évidemment on est là dans l'éducation et le savoir avec les limites que ce type de savoir s'impose à lui-même notamment dans ses connexions avec le réel, bien délicates à établir. Mais on y est bien et
Gérard Bonnet ne nous abandonne pas quand bien même il s'accroche à la rampe freudienne d'une manière un peu trop soutenue. Encore reconnait-il que
Freud a sans doute été meilleur grand père que père et qu'il a, lui aussi, vécu les terreurs et les joies de sa propre naissance au monde.
Yvette, jolie femme de quarante ans (sic) et première intervenante dans le livre de
Gérard Bonnet thérapeute questionne «Pensez-vous, Docteur, que je sois narcissique ? »…
La collection des éditions « in press » (que je remercie pour cet envoi « masse critique »accompagné d'un carton manuscrit de l'éditrice) s'appelle « Psy pour tous ». Il y a de quoi méditer car la belle Yvette ne fait pas vraiment partie de ces « tous ». Sa démarche est volontaire comme celle qui conduit à s'intéresser à ce type de lecture, à ce type de milieu. N'est-ce pas là la limite de cette littérature tellement nécessaire et, tellement élitiste ?
Quant au narcissisme pervers dont nous voyons les effets chaque jour sur nos tribuns et sur lesquels on pourrait trouver matière à populisme mieux vaut ne pas trop s'appesantir. Ce que
Gérard Bonnet ramasse en dix pages.
Une réussite.
Très content d'avoir partagé cette lecture .