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Jean-Luc Steinmetz (Éditeur scientifique)
EAN : 9782859408275
320 pages
Phébus (12/05/2002)
3.72/5   30 notes
Résumé :

Sept histoires de violence et de passion qui ne reculent devant aucun bel excès. Borel dresse pour nous un théâtre de sang qui anticipe moins sur la frénésie surréaliste que sur la poétique de la Cruauté chère à Artaud. Qu'il en profite au passage pour dénoncer sans la moindre précaution la sottise et l'injustice de son temps devrait « dater » son oeuvre, songe-ton avant d'y aller voir.... >Voir plus
Que lire après Champavert : Contes immorauxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Joseph-Pierre Borel d'Hauterive, dit le Lycanthrope (1809-1859), est un auteur considéré comme mineur aujourd'hui alors qu'il a occupé une place importante à son époque. En effet, son style provoqua une vraie révolution. En perpétuelle rébellion contre les écoles, les tendances ou les courants, il mit un point d'honneur à se marginaliser des premiers romantiques.

On retrouve dans ce recueil cette volonté. N'attendez rien de grivois dans ces textes. La perversion se cache dans la violence, dans la noirceur, dans la représentation de la mort planant à chaque page. Il n'y a que sept contes. Mais la puissance qui en découle est remarquable. le narrateur ne se gêne pas pour intervenir quand bon lui semble. Et pour cause... le dernier conte, intitulé Champavert le lycanthrope, nous indique qu'il s'agit bel et bien de l'auteur. Quand noirceur rime avec horreur, quand l'écriture révèle le moi profond de l'écrivain, on ne peut que frissonner.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Petrus Borel, surnommé le Lycanthrope, n'occupe qu'une place secondaire dans les histoires de la littérature du XIXe siècle. Pourtant il a été admiré par Gautier, de Nerval, Baudelaire, Flaubert, Verlaine et les surréalistes, ce qui lui permet de continuer à être cité, voire parfois lu et étudié, même si souvent avec l'étiquette de « romantique mineur ».

Champavert ou Contes immoraux est un recueil de 7 récits, publiés en 1833. La notice censée présenter l'oeuvre brouille les cartes : le livre aurait été écrit par le Champavert du titre, dont on nous fait une présentation. La forte sympathie pour l'auteur de papier, ainsi que certains éléments de cette préface laissent penser que Borel se créer une sorte de double de papier, qui n'est pas sans évoquer la démarche de la création des hétéronymes de Pessoa. Par ailleurs Champavert est aussi le personnage d'un des récits du recueil, introduisant une confusion encore plus grande entre l'auteur (ou les auteurs) et les personnages. Une forme de distanciation aussi : qu'est ce que le lecteur doit croire en fin de compte dans les récits, dans leur narration, dans les personnages ? Que doit-il plutôt déchiffrer, décrypter ? Est-ce juste une pose de la part de Borel, ou une interrogation sur les identités, sur la frontière entre la fiction et la vie de l'auteur ? D'autant plus que les romantiques mêlaient fortement la vie de l'auteur et l'oeuvre. Chaque lecteur peut y répondre à sa manière.

Une autre provocation est le choix du titre Contes immoraux. La morale était une question sérieuse et centrale au XIXe : parler de Contes immoraux est forcément provocateur et éveille une attente de la part du lecteur d'une lecture scandaleuse, croustillante. Et Borel tient en partie les promesses du titre : dès la première nouvelle, nous assistons à quelque chose de proche d'un viol, à un infanticide, à une exécution. Mais ce que l'auteur met en cause, ce seront bien plus les règles morales en vigueur, les coupables respectables car puissants, que personnes ne songe à condamner. L'institution judiciaire se révèle au service d'un ordre social et non pas à celui de la justice. L'immoralité est donc inhérente au fonctionnement social, il s'agit de justifier par un discours qui « stigmatise le vice », une certaine vision du monde, qui profite à certains, et leur permet la satisfaction de leurs pulsions les plus condamnables et rejette dans l'ombre, dans la réprobation morale à priori, de ceux qui ne détiennent pas le pouvoir.

C'est plutôt bien écrit, pas mal construit, plaisant à lire, même si un peu démonstratif et prévisible. Mais à découvrir assurément.
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A ma lecture, j'ai plusieurs fois pensées aux pièces du recueil le Théâtre de Clara Gazul de Mérimée. Certes, ce n'est pas le même genre d'écriture, « contes immoraux » d'un côté, pièces de théâtre de l'autre. Mais l'écriture de Champavert – ou plutôt de Petrus Borel, qui est un personnage de fiction tout comme Clara Gazul, empreinte les codes de la dramaturgie : quelques phrases d'introduction qui situent rapidement l'action dans un cadre et une époque, tels les didascalies commençant une pièce qui décrivent le décor, de nombreux dialogues rythmés qui s'enchaînent, des chapitres qui sont comme différentes scènes ou différents actes, avec un changement de lieu ou de personnages. de même, les différents contes peuvent se passer dans des lieux éloignés de la réalité contemporaine des lecteurs pour apporter une touche de dépaysement et d'exotisme : le Paris révolutionnaire, une plantation en Jamaïque, l'Espagne médiévale...
Et surtout, surtout, les situations évoquent le théâtre romantique, le drame, et plus précisément le mélodrame : chaque histoire repose sur un adultère, une trahison, finit par un meurtre, un viol, un suicide... Les sentiments sont intenses, violents, et les personnages caractérisés par un simple trait, de façon très manichéenne – la jalousie du vieux barbon, l'orgueil, l'amour pur... ; ils sont des types – le mari trompé, la jeune fille innocente, le père en colère... Les femmes sont fourbes, mais les hommes sont violents.
Cette oeuvre ne se lit donc pas pour sa subtilité, mais, au contraire, pour ses excès.
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Peu de choses à ajouter sur ce qui a déjà été dit...
Si ce n'est ceci : ces nouvelles provoquent le sentiment un peu étrange du soufflé. Je m'explique : l'auteur se veut effrayant, horrible mais à un moment ou un autre, l'édifice s'effondre et l'on retombe... pas tout à fait dans le ridicule, le style est suffisamment habile pour l'éviter, mais dans ce que l'on croise aussi dans la littérature du sud des Etats-Unis, ce que j'appellerais, comme Sherwood Anderson, le grotesque.
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Il s'agit d'un recueil de nouvelles diantrement intéressant par son inventivité. Tout commence par une mystification, l'ouvrage étant présenté comme celui d'un suicidé, un certain Champavert. Je le prends en grande partie comme une moquerie contre le romantisme ; le tragique y tourne bien souvent à la farce, bien qu'il ne soit pas dépourvu d'une certaine puissance, notamment par sa sauvagerie. Cette histoire de faux-suicide, qui peut paraître de mauvais goût, s'inscrit à mon sens dans une démarche teintée d'une profonde ironie. L'écrivain, qui avait la réputation d'être misanthrope, se faisait appeler le "lycanthrope", c'est-à -dire le loup-garou. Il semble également très inspiré par la littérature et les arts de la décadence espagnole, avec ses penchants très macabres, comme en témoignent les nombreuses citations dans la langue de Cervantès. Amateurs de tournures rares et de fantaisies orthographiques, vous serez servis. Par ailleurs, l'écrivain est un proche de Nerval, qui a rédigé pour ce recueil un poème signé Gérard, aux accents très Baudelairiens. Enfin, dans l'une des nouvelles on retrouve le procédé littéraire consistant à proposer une loi absurde, envisagée avec sérieux, procédé que l'on retrouve chez Villiers de l'Isle Adam, dans "Chez les Passants" ou plus récemment, dans le Passe-Muraille de Marcel Aymé. Ne serions-nous pas là devant un précurseur de l'absurde ?
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Monde atroce ! il faut donc qu’une fille tue son fils, sinon elle perd son honneur !… Flava ! tu es une fille d’honneur, tu as massacré le tien !… tu es une vierge, Flava ! Horreur !… Ôte-toi de dessus de cette fosse, que je creuse la terre de mes ongles ; je veux revoir mon fils, je veux le revoir à mon heure dernière !
— Ne troublez pas sa tombe sacrée…
— Sacrée !… Je te dis que je veux revoir mon fils à mon heure dernière ! laisse-moi fouiller cette fosse !
La pluie tombait à flots, le tonnerre mugissait, et quand les éclairs jetaient leurs nappes de flammes sur la plaine, on distinguait Flava, échevelée ; sa robe blanche semblait un linceul, elle était couchée sous les touffes du houx. Champavert, à deux genoux sur terre, de ses ongles et de son poignard fouillait le sable. Tout à coup, il se redressa tenant au poing un squelette chargé de lambeaux : — Flava ! Flava ! criait-il, tiens, tiens, regarde donc ton fils ; tiens, voilà ce qu’est l’éternité !… Regarde !
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Je ne crois pas qu'on puisse devenir riche à moins d'être féroce, un homme sensible n'amassera jamais.
Pour s'enrichir, il faut avoir une seule idée, une pensée fixe, dure, immuable, le désir de faire un gros tas d'or; et pour arriver à grossir ce tas d'or, il faut être usurier, escroc, inexorable extorqueur et meurtrier! maltraiter surtout les faibles et les petits ! Et, quand cette montagne d'or est faite, on peut monter dessus, et du haut du sommet, le sourire à la bouche, contempler la vallée de misérables qu'on a faits.
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Rien n'est plus démoralisant que l'injustice, rien ne jette plus d'amertume et plus de haine au coeur. (...) Il ne faut qu'un concours de circonstances pour faire du plus innocent un coupable. Ce n'est que sur du probable et de l'apparent que peuvent juger les hommes avec leurs courtes antennes. On pourrait comparer les crimes à des ballots bien clos : c'est par l'enveloppe que le juge estime le contenu, et quand, par sa sentence, il l'a déclaré taré et à l'index, et fait jeter à la mer, le ballot, dans sa chute, se brise et s'ouvre sur une roche ; tout ce qu'il recélait remonte à fleur d'eau et paraît en pleine lumière ; la balourdise du tribunal devient patente, la foule en ricane amèrement ; alors le juge se drape et se hausse, et s'écrie, avec son ton archiépiscopal risible : «Je suis infaillible !»
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Je ne m’abuse point assez sur moi-même, pour croire que
cette douce Apolline ait un amour vif pour moi : elle me chérit
comme son père; je suis pour elle un tuteur généreux, un ami
compatissant. Elle est d’autant plus attachée à moi, que jusque-là
elle n’avait rencontré que des êtres égoïstes et féroces. Elle est
bonne, sensible, bienveillante, sans folie, que pourrais-je
demander de plus? Tous les dons que j’ai voulu lui offrir, tous les
présents que je lui ai portés, noblement elle a tout refusé : il est
de son devoir, dit-elle, d’agir ainsi, et qu’une fille d’honneur ne
saurait rien accepter que de son époux. Aussi lui ai-je promis que
nous serions unis avant peu; cette pensée l’a remplie de joie. Je
lui avais donc demandé pour demain soir, à neuf heures, un
rendez-vous chez elle, pour nous entretenir des préparatifs de
notre mariage, et peut-être… Tu vois, je ne mens pas, voici sa
lettre en réponse.
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Une seule bougie placée sur une petite table éclairait faiblement
une salle vaste et haute; sans quelques chocs de verres et
d’argenterie, sans quelques rares éclats de voix, elle aurait semblé
la veilleuse d’un mort. En fouillant avec soin dans ce clair-obscur,
comme on fouille du regard dans les eaux-fortes de Rembrandt,
on déchiffrait la décoration d’une salle à manger, de l’époque
caractéristique de Louis XV, que les classiques inepto-romains
appellent malicieusement Roccoco. Il est vrai que la corniche
encadrant le plafond était nervée et profilée en bandeau et à
gorge, sans la moindre parenté avec l’entablement de l’Eresichtœum, du temple d’Antoninus et Faustina ou de l’arc de
Drusus; il est vrai qu’elle était sans saillie, larmier, coupe-lame et
mouchette chassant et rejetant la pluie qui ne pleut pas. Il est vrai
que les portes n’étaient point surmontées d’un couronnement,
dit attique, pour chasser les eaux de la pluie qui ne pleut pas. Il
est vrai que les arcades n’avaient point en hauteur leur largeur
deux fois et demie. Il est vrai qu’on n’avait eu aucun égard aux
spirituels modules de l’illustrissimo signor Jacopo Barrozio da
Vignola, et qu’on avait ri au nez des cinq-ordres.
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Videos de Pétrus Borel (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pétrus Borel
Émission « Une vie, une Œuvre » diffusée sur France Culture le 19 décembre 2004. Avec : Sylvain Goudemare, Jean-Pierre Saïdah, Jean-Luc Steinmetz et Jacques Simonelli.
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