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Yves-Gérard Le Dantec (Éditeur scientifique)Jacques Borel (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070105793
1547 pages
Gallimard (01/07/1938)
4.44/5   148 notes
Résumé :
Premiers vers - Poèmes saturniens - Fêtes galantes - Poèmes contemporains des «Poèmes saturniens» et des «Fêtes galantes» - La Bonne chanson - Contribution à l'«Album zutique» - Romances sans paroles - Poèmes contemporains de «La bonne chanson» et des «Romances sans paroles» - Sagesse - Reliquat de «Cellulairement» et poèmes contemporains de «Sagesse» - Jadis et naguère - Amour - Parallèlement - Poèmes contemporains de «Parallèlement» - Dédicaces - Bonheur - Chanson... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Immense, époustouflant, musical, enthousiasmant, l'incomparable Verlaine sans oublier son frère d'écriture Charles Vildrac ! livres de chevet, de lampe, de lune, de soleil
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Comme beaucoup de personnages publics, Verlaine fait partie de ces artistes complexes dont on ne peut séparer « l'homme » et « l'oeuvre », même si certains aspects de leur personnalité sont fortement choquants, vis-à-vis de la morale ou de la loi. Les exemples ne manquent pas au cours des siècles. Et s'il fallait mettre au rencart les oeuvres de tous ceux qui ont à un moment ou un autre offensé leurs contemporains par des actes répréhensibles, le patrimoine littéraire et artistique risquerait d'être fortement amputé. le problème est ancien, mais il se fait de plus en plus sensible, en fonction d'une part de l'évolution des moeurs, d'autre part de celle des réseaux sociaux qui permettent de dire tout et son contraire, « sans filtre » et donc de construire ou détruire des personnalités. Ce qu'on appelait autrefois « la rumeur » est devenue une arme de destruction massive. Mais on ne va pas refaire le monde, ni vous ni moi. Faute de pouvoir trancher, soyons objectifs, et tâchons d'être raisonnables, sans être emportés par une passion partisane.
Exemple parfait : Paul Verlaine (1844-1896). Sublime poète, et homme exécrable : alcoolique et violent, il battait sa femme enceinte et son enfant, et même sa mère (qu'il adorait). Puis il abandonne sa famille pour vivre avec Rimbaud une passion « infernale » qui finit par une tentative de meurtre par balle sur son jeune amant. de prisons en hôpitaux il tombe dans une misère noire dont il ne ressortira pas. Et pourtant, il nous laisse une poésie d'une beauté extraordinaire, pure et limpide, semblable à une musique berçante ou enchanteresse, ou encore d'une élégiaque authenticité…
Pour comprendre sa poésie, il faut comprendre son caractère. Verlaine est un être plein de contrastes : voluptueux, il ne sait pas résister à l'appel des plaisirs (tous les plaisirs, y compris les plus répréhensibles) et en même temps, il est un chercheur d'absolu, lucide sur ses faiblesses et avide de rédemption. Il est en quête d'un bonheur qu'il sait impossible à atteindre, d'une innocence qu'il sait à jamais perdue. Sa poésie se ressent de ces contradictions.
Littérairement parlant, il est à la fois un héritier et un précurseur : il connaît ses classiques depuis Villon jusqu'à Baudelaire, en passant par Nerval (ces trois poètes sont des étapes majeures dans la façon d'écrire la poésie), sans oublier bien sûr les romantiques avec Hugo, les Parnassiens avec Gautier et Leconte de Lisle, ou toute la mouvance impressionniste. Attaché à montrer les mystères de l'âme humaine et celle des choses, il pratique un art poétique d'une grande musicalité, basé sur une simplicité lexicale, familière et consensuelle, comme une confidence avec le lecteur. Il multiplie les expériences poétiques (cf son poème « Art poétique », dans « Jadis et naguère ») :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
L'un des grands mérites de Verlaine, c'est d'avoir remis au goût du jour une poésie cadencée comme un chant (toujours ce rapport à la musique), qui était celui de du Bellay, De Lamartine, de Nerval, de Hugo, et qui après lui sera amplifié par Apollinaire, Eluard et Aragon.
Et le Verlaine poétique qui restera, c'est bien celui de ce chant profond, mêlant nature et vie intérieure, l'âme partagée entre l'ange et le démon, proche de la vie des pauvres gens, d'une simplicité et d'une humilité exemplaires, et pour nous lecteurs, rempli d'accents à la fois émouvants et déchirants, ce chant profond, c'est celui du Pauvre Lélian..
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Cette immense oeuvre poétique qui lui a valu sa gloire, Verlaine nous laisse, seul, avec ses vers qui reflètent, dans toute leur splendeur, la grande complexité de l'homme. Bien qu'il se soit plu souvent à brouiller les pistes en mêlant les poèmes de « jadis » à ceux de « naguère ».

Le premier recueil qu'il a publié, s'intitule les « Poèmes saturniens » (1866). Les tableaux poétiques qui y sont évoqués ont un fort goût parnassien. Son adhésion à l'esthétique (impersonnelle) du Parnasse, une adhésion qui tend d'ailleurs au pastiche, n'empêche pas le poète de faire l'aveu d'une expérience psychologique originale, en évoquant, avec toute sa sensualité, sa mélancolie (« Nevermore »), ses tourments moraux (« Soleil couchant ») ou encore la femme idéale (dans, « Mon rêve familier »).

Et le rêve devient prédominant dans les « Fêtes galantes » (1869) et « la Bonne Chanson » (1870). Si le premier livre apporte l'évasion dans un XVIIIe siècle un peu factice, avec une mélancolie insidieuse qui s'infiltre dans la joie revendiquée.
Le second livre est marqué par la fadeur qui s'instaure comme tonalité spécifiquement verlainienne. Ici, l'être est en proie à des tournoiements d'où s'effacent le temps et le moi.
Il se dégage, en outre, un fort lyrisme « impersonnel » qui masque, en réalité, une grande revendication de « l'individualité » de sa part. Et cette dualité là, est la source de l'originalité de ce recueil !

Chez Verlaine, l'influence de Rimbaud est indéniable et a été déterminante dans l'élaboration de « Romances sans paroles » (1874). Ce dernier a poussé Verlaine, ce rêveur sensuel et mélancolique, à chercher dans le rêve un nouveau mode d'expression qui permettant de traduire, immédiatement et musicalement, le ressenti des choses.
Pour ma part, je dirai que l'impressionnisme de Verlaine a atteint son point de perfection dans ce recueil ! Chaque sensation est signifiante et la conscience individuelle s'est trouvée d'elle-même (et non plus recherchée, comme nous l'avons dit plus haut).

L'harmonie et l'ordre chez Verlaine (alors que sa vie de jadis n'était que violences et ivresses, ivrognerie et brutalité), se trouve peut-être dans « Sagesse » (1881). L'intention apologétique y est manifeste. C'est le livre où reparaît le vie humble, où les faux beaux jours, la beauté des femmes, et même l'espoir (« qui luit comme un brin de paille dans l'étable ») sont des réalités rugueuses et parfois mal contrôlées (comme le vers) mais désormais susceptibles d'être interprétées par le poète.

C'est dans le même esprit de construction de soi au sein du monde que Verlaine compose « Jadis et naguère » (1884). Ce recueil voudrait intégrer le passé de l'homme et du poète dans une nouvelle perspective, qui sous-tend une option morale et religieuse.


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J'ai pris le temps de me plonger dans la poésie de Verlaine en lisant un recueil, par-ci par-là, pendant plusieurs mois, de cette intégrale qui traînait dans ma bibliothèque depuis des années. J'ai pris plaisir à en relire certains, comme Poèmes saturniens et Romances sans paroles, pour moi des chefs d'oeuvre de modernité, autant par leurs paradoxales harmonies musicales discordantes et détonantes dans le climat littéraire de l'époque – « Et pour cela préfère l'Impair » – que par leur description d'univers tout aussi modernes et paradoxaux, de Paris à Londres, en passant par la Belgique. J'ai pris plaisir également à en découvrir d'autres plus tardifs, comme Jadis et Naguère, dont je ne connaissais que l' »Art Poétique », et qui m'a permis de prendre conscience de l'importance qu'a pu avoir le poète pour les décadents à la fin du siècle, ou encore de Parallèlement.

Mais ces recueils, plus tardifs dans leur publication, reprennent à majorité des poèmes écrits bien antérieurement, laissant penser qu'après Romances sans paroles, la poésie de Verlaine s'est comme assagie, voire affadie, ne laissant que peu de place à la fantaisie première, surtout de forme, mais aussi de fond. A partir de l'incident londonien, coupant court à sa relation avec Rimbaud, et l'emprisonnement qui en a suivi, en effet, celui qui avait fait le choix de la bohème avec son jeune amant, prend le chemin de l'expiation dans la religion, Sagesse en étant la parfaite illustration. La modernité poétique qui précédait laisse place à une poésie classique, dans la tradition d'une poésie religieuse avec laquelle j'ai beaucoup de mal, assez déconcertante lorsque l'on ne connaît que les premiers recueils. Puis, jusqu'à la fin de sa vie, Verlaine retombera dans ce qu'il considère comme ses travers, pour mieux les expier ensuite, chaque nouveau recueil renvoyant à l'une des deux facettes désormais présentes en alternance dans son oeuvre. Malgré tout, j'ai trouvé le parcours de cet homme, encore plus que de ce poète, touchant, dans toutes ses difficultés à se trouver, tout au long de sa vie, au point de finir par mourir misérablement ; parcours qui se ressent, justement, assez magistralement, dans son oeuvre même.

Cette intégrale a donc été une lecture en demi-teinte mais nécessaire : ou comment une oeuvre peut prendre une bien autre résonance quand on prend le temps de la parcourir dans son ensemble.
Lien : https://lartetletreblog.word..
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L'oeuvre poétique de Verlaine est, comme celle de Hugo, inégale. Certains recueils sont des chefs d'oeuvre où tout est parfait: Romances sans paroles, où l'influence de Rimbaud est forte, et qui contient des poèmes absolument novateurs comme Charleroi, ou Beams, Fêtes Galantes, un joyau d'une unité de ton incroyable, d'autres recueils où presque tout est magnifique: Poèmes saturniens, Sagesse, ou encore contenant des poèmes prodigieux comme Crimen Amoris dans Jadis et Naguère. Et puis, dans la suite de sa production, c'est mon opinion que peut-être d'autres ne partageront pas, la veine créatrice se perd, beaucoup de poèmes sont plutot fades, voire de la prose rimée, je pense aux poèmes de Dédicaces, Invectives, Épigrammes, notamment, mais il y a cependant, des perles rares, comme ceux évoquant Lucien Letinois, avec le magnifique poème: "il patinait merveilleusement...." , jusqu'à cet extraordinaire dernier et prémonitoire poème : Mort, où Verlaine, une dernière fois, et de façon bouleversante, évoque son combat personnel contre sa lâcheté, sa fuite dans le rêve, dont la Mort le rendra victorieux.
Mais, je ne me lasserai jamais de lire et d'apprendre par coeur les poèmes de Fêtes Galantes et Romnces sans Paroles.
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Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
SUR LA MANIE
QU'ONT LES FEMMES ACTUELLES
( de relever leurs robes )

Car l'ampleur de la robe et son envol et tout le
Reste grâce au vent
Font penser l'homme, non intime, mais en foule
A ce qu'il a devant...

Tandis que cette sorte absolument hideuse
De montrer des mollets
Insuffisants parfois serait la source affreuse
De combien de voeux laids !

Vous accentuez trop, Mesdames, vos " tournures ",
Et j'en reste effrayé,
Car elles sont, hélas ! d'amples caricatures
De ce dont on s'assié...

Ou plutôt continuez, mais plus d'un infâme
Retroussement moqueur :
Retroussez, retroussez, retroussez jusqu'à l'âme,
Retroussez jusqu'au coeur !
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Que ton âme soit blanche ou noire (Chansons pour elle)

Que ton âme soit blanche ou noire,
Que fait ? Ta peau de jeune ivoire
Est rose et blanche et jaune un peu.
Elle sent bon, ta chair, perverse
Ou non, que fait ? puisqu'elle berce
La mienne de chair, nom de Dieu !

Elle la berce, ma chair folle,
Ta folle de chair, ma parole
La plus sacrée ! - et que donc bien !
Et la mienne, grâce à la tienne,
Quelque réserve qui la tienne,
Elle s'en donne, nom d'un chien !

Quant à nos âmes, dis, Madame,
Tu sais, mon âme et puis ton âme,
Nous en moquons-nous ? Que non pas !
Seulement nous sommes au monde.
Ici-bas, sur la terre ronde,
Et non au ciel, mais ici-bas.

Or, ici-bas, faut qu'on profite
Du plaisir qui passe si vite
Et du bonheur de se pâmer.
Aimons, ma petite méchante,
Telle l'eau va, tel l'oiseau chante,
Et tels, nous ne devons qu'aimer.
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KALÉDOSCOPE

À Germain Nouveau


Dans une rue, au cœur d’une ville de rêve,
Ce sera comme quand on a déjà vécu :
Un instant à la fois très vague et très aigu...
Ô ce soleil parmi la brume qui se lève !

Ô ce cri sur la mer, cette voix dans les bois !
Ce sera comme quand on ignore des causes :
Un lent réveil après bien des métempsycoses :
Les choses seront plus les mêmes qu’autrefois

Dans cette rue, au cœur de la ville magique
Où des orgues moudront des gigues dans les soirs,
Où les cafés auront des chats sur les dressoirs,
Et que traverseront des bandes de musique.

Ce sera si fatal qu’on en croira mourir :
Des larmes ruisselant douces le long des joues,
Des rires sanglotés dans le fracas des roues,
Des invocations à la mort de venir,

Des mots anciens comme un bouquet de fleurs fanées !
Les bruits aigres des bals publics arriveront,
Et des veuves avec du cuivre après leur front,
Paysannes, fendront la foule des traînées

Qui flânent là, causant avec d’affreux moutards
Et des vieux sans sourcils que la dartre enfarine,
Cependant qu’à deux pas, dans des senteurs d’urine,
Quelque fête publique enverra des pétards.

Ce sera comme quand on rêve et qu’on s’éveille !
Et que l’on se rendort et que l’on rêve encor
De la même féerie et du même décor,
L’été, dans l’herbe, au bruit moiré d’un vol d’abeille.

p.146-147
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TU CROIS AU MARC DE CAFÉ

Tu crois au marc de café,
Aux présages, aux grands jeux :
Moi je ne crois qu'en tes grands yeux.

Tu crois aux contes de fées,
Aux jours néfastes, aux songes.
Moi je ne crois qu'en tes mensonges.

Tu crois en un vague Dieu,
En quelque saint spécial,
En tel Ave contre tel mal.

Je ne crois qu'aux heures bleues
Et roses que tu m'épanches
Dans la volupté des nuits blanches !

Et si profonde est ma foi
Envers tout ce que je crois
Que je ne vis plus que pour toi.
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Vendanges

Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Écoutez ! c’est notre sang qui chante…
Ô musique lointaine et discrète !

Écoutez ! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.

Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
Ô vin, ô sang, c’est l’apothéose !

Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres.
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