Quelle belle écriture ! Toute en métaphores, pleine d'émotions et teintée de musique, de poésie et d'humour !
Le roman se présente comme le journal d'une jeune femme québécoise qui se réfugie dans un chalet au bord d'un lac pour tourner la page et commencer un nouveau chapitre de sa vie.
Ni les whiskys pris au bar du village, ni les paraboles qu'elle a tenté de lire en ouvrant la bible ne sont cependant d'aucun secours pour lui permettre de faire face au lourd secret de son passé. Malgré la beauté du paysage, l'amitié de son voisin musicien, le piano de son ami amérindien ou le violon chargé de traditions d'André, Élie traîne son mal de vivre. L'arrivée d'une petite voisine de huit ans, une enfant maltraitée, en grand besoin d'amour, l'obligera-t-elle à rompre sa solitude ?
Une écriture poétique, qui joue des métaphores, mais aussi d'étonnantes ellipses, sous forme de phrases qui se terminent brusquement. Il faut imaginer la suite de. Et peut-être que.
Une bien agréable lecture qui réussit avec brio à marier les profondeurs de l'âme humaine avec le merveilleux de l'imaginaire des contes.
Merci à la Babéliote Canel, dont le commentaire à permis d'ajouter ce livre sur ma PAL.
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J'ai éprouvé du plaisir à lire ce livre malgré quelques irritants. D'abord, du bon coté des choses, le mystère entretenu sur ce qui a causé la fuite effrénée d'Élie vers une nouvelle vie, vers la recherche d'un refuge; quel crime a-t-elle commis, quel drame en est à l'origine? Deuxio, le personnage de Richard, le musicien voisin qui la confrontera dans ses échappatoires, elle qui lui rendra bien par ailleurs. Ensuite la galerie de personnages secondaires, dont l'apport ne le sera pas, au contraire, puisqu'il encadre et exacerbe à la fois les tourments des deux premiers. Sans oublier l'audace de l'écrivaine qui ose insérer le fantastique avec ses sylphides et autres allégories ambiguës à souhait. Finalement la progression de la tumultueuse et touchante relation entre Élie et Amorosa, deux écorchées qui s'apprivoisent à la dure.
Par contre, certains dialogues de la part d'une petite fille de huit ans, aussi allumée puisse-t-elle être, sont peu crédibles. Les bondieuseries à répétition m'ont agacé, de même que les salmigondis de Manu où les répugnants tarifs de taxi, les tirades sur son peuple, la supposée sagesse ancestrale et les élans musicaux cohabitent difficilement. Reste que ces passages ont leur place dans le récit et n'altèrent pas significativement la belle découverte de cette facette de l'écrivaine que je ne connaissais que pour sa trilogie Morales, d'un tout autre ordre. Au final, une très belle trouvaille.
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- Pépite !
D'abord Manu, un Amérindien pianiste qui n'est à sa place nulle part : ni dans sa "réserve", ni dans le monde occidental. Et puis Richard, le "gros, grand, gras, pas propre et mal rasé" voisin musicien qui conserve soigneusement les lettres d'amour de ses admiratrices sans les ouvrir : "Quand on ouvre une lettre d'amour, quand on la lit, on est interpellé pis c'est difficile, après, de pas se sentir concerné, de faire comme si ça existait pas, de porter le poids de cet amour-là sans y répondre. Lire une lettre d'amour, c'est s'engager à quelque chose." (p. 46-47). Ensuite André et Chloé, somptueux couple de musiciens qui traîne dans son sillage de jolies sylphides sous le charme. Et enfin Agnès, alias Amorosa, petite fille de huit ans maltraitée par une mère célibataire trop jeune et alcoolique... Tous ces personnages meurtris gravitent autour d'Elie, une jeune femme qui a décidé de "changer de chapitre" suite à un chagrin d'amour, et est venue se perdre/se retrouver dans ce coin isolé...
Une magnifique histoire d'amitiés profondes, sincères, entre tous ces adultes, et d'amour entre la petite Amorosa et Elie qui va devoir s'improviser "grande soeur", elle qui a déjà bien du mal avec sa propre existence. Une écriture à la fois directe et chargée de douceur, sans complaisance, sans mièvrerie mais pleine de bouffées de tendresse. L'auteur a une plume époustouflante : un style vif, puissamment évocateur. On rayonne en lisant les sourires ("Chloé lui a ouvert un sourire dans lequel il est entré" p.69), on reçoit les regards (des yeux de terre, des yeux d'eau)... On ressent les petits bonheurs (se faire jolies pour la rentrée scolaire, une bataille de boules de neige qui laisse "mal aux joues" tellement on a ri), les déconvenues cruelles (l'irruption de la mère ivre au milieu du premier Noël d'enfant d'Amorosa), on s'imprègne des réflexions échangées entre amis, pleines de sagesse et parfois jubilatoires, du réconfort de ces proches quand tout part en vrille, quand l'un doute...
Bref, c'est magnifique !
Seule petite remarque : je n'ai pas toujours su distinguer dans le style de Roxanne Bouchard ce qui était propre à la langue canadienne, de ce qui était caractéristique de l'écriture de l'auteur. Mais cela n'a rien enlevé au plaisir de lecture !
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J'ai toujours cru que, quand une femme accouchait, le facteur livrait un mode d'emploi secret destiné uniquement aux nouveaux parents qui entraient ainsi dans une sorte de secte de connaisseurs, de bâtisseurs, de spécialistes. Les mauvais parents m'apparaissaient comme autant d'analphabètes de la vie. Je n'ai pas eu d'enfant de huit ans, Amorosa, et je n'ai jamais reçu de mode d'emploi, ni quand tu es venue ici pour la première fois ni quand tu es revenue pour vrai avec ton sac et tes yeux grands comme la terre. Au début, je voulais juste t'apporter du réconfort, de l'aide, de l'amitié. Je voulais juste être là. Et puis, de fil en sourire, tu m'as eue. Tu m'as gagnée et mon chalet sans toi, ce n'est pas un chalet, c'est l'hiver. (p. 110-111)
Être fidèle à soi-même, c’est écouter dans le hurlement du monde, son propre murmure pis en suivre la direction.
(p. 94)
Quand on ouvre une lettre d'amour, quand on la lit, on est interpellé pis c'est difficile, après, de pas se sentir concerné, de faire comme si ça existait pas, de porter le poids de cet amour-là sans y répondre. Lire une lettre d'amour, c'est s'engager à quelque chose. (p. 46-47)
Je n’ai rien demandé parce que ça ne me regardait pas et qu’on est mieux, souvent, de ne pas formuler de questions; c’est la meilleure façon d’avoir des réponses.
Quand le livre brûle, où va le poème?
(p. 120)