En vérité, l’histoire du Comité de salut public se confond avec celle de la Révolution tout entière et de ceux qui ont fait sa tragique grandeur. Nous n'y insisterons pas, bornant notre effort à l’institution même et à la mise en place des moyens matériels qui lui conférèrent son efficacité. Il serait naïf de croire que nous en possédons tous les éléments. Les actes officiels sont muets sur les délibérations qui les provoquèrent. Absorbés dans leur tâche, les membres du Comité écrivirent peu de lettres privées. Au surplus leurs destinataires et la Commission Courtois en firent disparaître une bonne part. Les rapports des espions royalistes, les bulletins des « Dropmore Papers » appellent aussi bien des réserves. Sans renouveler entièrement les notions acquises, le dépouillement systématique des séries des Archives nationales et de la Guerre qui conservent les papiers du Comité et des missions permet d'y ajouter des compléments non négligeables.
2771 – [Que sais-je ? n° 1014, p. 6]
L'instruction, apanage des gens aisés, devait se propager dans le peuple pour aider à sa libération. « Que nos enfants plus heureux que nous apprennent à lire les noms sacrés de Patrie et de citoyen... » De plus, l'universalité de la langue constituait, comme le système métrique, un élément d'unité politique. Dans la mise en place des institutions révolutionnaires, il fallait tenir compte qu’une partie du pays : la Bretagne, les régions frontières de l'Est, des Pyrénées et la Corse, ne s'exprimaient pas dans la langue nationale. Le 8 pluviose, Barère fit le procès des idiomes et obtint la création, d’instituteurs de français, présentés par les sociétés populaires et nommés par les représentants. Une telle mesure ne pouvait produire d’effets immédiats, non plus que la création de bibliothèques publiques et la modification des inscriptions sur les monuments, autre livre « des actions héroïques ». En dépit des besoins, l'enseignement primaire fut abandonné aux initiatives privées, la formation des cadres demeura insuffisante.
2806 – [Que sais-je ? n° 1014, p. 59]
Membre du Comité de Salut public – ... Claude Prieur-Duvernois, dit de la Côte-d'Or – du nom du département qui le députa à la Législative et à la Convention – était né en 1763, d'un receveur des finances du batillage de Dôle. Capitaine du Génie, il effectua, à partir d’août 1792, de nombreuses missions à l’armée du Rhin, aux frontières du Jura, dans les ports de la Manche. Détenu, avec Romme, par les fédéralistes normands, il recouvra sa liberté fin juillet 1793. Travailleur modeste et consciencieux, comme Robert Lindet qu'il estimait, il poursuivit une tache obscure mais efficace.
2801 – [Que sais-je ? n° 1014, p. 34/35]
Sans doute, l'accord entre eux (les membres du Comité) ne régna pas toujours. Leurs tempéraments différaient et les heurts personnels, qu'engendraient des amours propres exacerbés, et le surmenage, furent fréquents. De plus, tandis que Billaud-Varenne et Collot d'Herbois inclinaient vers les sans-culottes, Prieur (de la Côte-d'Or), Lindet et Carnot demeuraient profondément conservateurs et refusèrent de s’inscrire aux Jacobins. Ainsi est-on tenté de reconnaître, selon l'actuelle terminologie, entre cette extrême gauche et cette droite, une gauche qui groupait Robespierre, Prieur (de la Marne), Jean Bon Saint-André, et un centre avec Barère et Hérault de Séchelles. Mais ces divergences d'opinions, qui étaient réelles, s’effaçaient devant le « salut du peuple » qui fut, pour Carnot et pour tous ses collègues, « la loi suprême ».
2802 – [Que sais-je ? n° 1014, p. 38]
La victoire « supposait le talent et le pouvoir », elle réclamait la coordination de l'action des armées. On n'envisageait pas de créer un état-major général, encore moins de nommer un généralissime, qui auraient été indépendant de la Convention et du gouvernement. Il fallait donc faire entrer au Comité « un technicien patriote » ; ce fut Lazare Carnot.
Le 12 juillet 1793, il avait soumis à la section de la Guerre un projet de campagne qui se limitait à l'armée du Nord, mais contrecarrait les plans de Custine. Proposé sans doute par Barère et soutenu par Prieur, le Comité l'appela le 6 août à Paris et, le lendemain, il signa pour la première fois au registre. Son élection régularisée le 14, il s’attela aussitôt à une tache inhumaine, y « jouant sa réputation, sa carrière et sa vie. Il y devint le Grand Carnot (M. Reinhard).
2807 – [Que sais-je ? n° 1014, p. 65]