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Claire Hauchard (Traducteur)
EAN : 9782268051024
211 pages
Les Editions du Rocher (01/04/2004)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Le Tchékov d'Ivan Bounine constitue l'hommage d'un écrivain à un autre écrivain, qu'il admire parmi tous les autres et qui fut, en outre, l'un de ses meilleurs amis. Intime de Tchékhov de 1895 à sa mort en 1904, Ivan Bounine donne dans cet ouvrage un texte tout à fait original qui tient de la biographie, mais également de l'essai littéraire.
On y découvre un Tchékhov méconnu par le public français, aussi bien du point de vue personnel que de celui de la créat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« Certes, il m'est arrivé de rencontrer des gens aussi sincères que Tchékhov mais je peux affirmer, sans crainte de me tromper, que je n'ai jamais rencontré un être aussi simple, aussi dénué de toute affectation. »

C'est en ces termes que s'exprime Ivan Alexeievitch Bounine au sujet d'Anton Pavlovitch Tchékov. Vous ne lirez pas une classique biographie sur Tchékhov. Non, Bounine se rappelle, partage avec nous ses souvenirs, son admiration pour Tchékov. Les digressions créent un climat intimiste et ce livre s'apparente plutôt à une « causerie au coin du feu » avec l'auteur.

Bounine nous parle de son ami Tchékhov, de cette amitié privilégiée qu'ils ont ainsi partagée de 1895 à 1904. Cette proximité est troublante, émouvante, deux monstres sacrés, deux frères en littérature malgré la différence d'âge, prennent vie sous nos yeux et nous font entrer de plain pied dans leurs confidences. C'est un hommage à l'amitié, à l'ami, avec pudeur et admiration. Au fil des pages, Bounine nous conte des petites histoires, des anecdotes, des conversations, des extraits de lettre où la tendresse amicale exhale entre ces deux hommes, des échanges sur leurs écrits. Cette façon de communiquer avec nous, cette discussion à bâtons rompus, elle est propice aux révélations. Elle crée un climat bienveillant et nous permet de nous approcher au plus près de la personnalité de Tchékhov. C'est ainsi que j'ai pu découvrir qu'Anton est un homme timide qui n'aime pas les honneurs, chaleureux, humain, sincère, solitaire, pessimiste, possédant un idéal artistique :

« La littérature authentique peint la vie telle qu'elle est. Elle a pour mission la vérité absolue, sans fard ».

Dès ses débuts, le jeune Bounine vénère Tchékhov. Il entre en contact avec ce dernier pour lui demander conseil sur ses premières nouvelles.

« Vous êtes l'écrivain contemporain que je préfère et comme j'ai entendu dire par des gens qui vous connaissent que vous étiez un homme simple et gentil, j'ai jeté mon dévolu sur vous. J'ai décidé de vous adresser le souhait suivant ; si vous avez le temps de jeter un coup d'oeil sur les oeuvres d'un individu comme moi – faites-le je vous en prie. »

Plus tard, les deux écrivains vont échanger sur leurs expériences réciproques, toujours avec cette admiration qu'Ivan Alexeievitch voue à Anton Pavlovitch.

Emporté par la maladie en 1904, Anton ne saura jamais que ce jeune et talentueux Ivan qui lui demande conseil et qui l'admire, deviendra le premier prix Nobel russe en 1933, l'un des plus grands prosateurs russes du XXème siècle et qui nous offrira, à nous lectrices et lecteurs, le merveilleux « La Vie d'Arseniev », écrit dans les années 20 en exil.

Et puis il y a l'Amour comme seuls les russes savent en parler, le décrire, avec ce côté romanesque qui leur appartient et les circonstances insurmontables qui créent tant d'obstacles à sa réalisation. Lidia Alexeievna Avilova, écrivaine, dans ses mémoires, « L'histoire d'amour de ma vie », évoque sa relation amoureuse purement platonique avec Tchékhov. Les extraits de lettres publiés dans ce livre, échangées entre Avilova et Tchékhov, sont d'une beauté émouvante. J'aimerais bien trouver ces mémoires en français rien que pour mon plaisir de lectrice. Les chercheurs actuels doutent de cette relation tandis que Bounine croit en la sincérité de Lidia. le mystère reste entier mais le récit qu'en fait Lidia est sublime.

Néanmoins, Bounine et son épouse Véra, amis de Lidia Alexeievna, ont beaucoup correspondu au cours de leur exil avec celle-ci. Les extraits des lettres montrent combien il est difficile parfois de traverser l'Histoire et quel courage il a fallu à tous ces exilés pour ne pas succomber. A la lecture des lettres d'Avilova, j'ai eu l'impression de relire « Docteur Jivago »!

Ce qui est le plus émouvant c'est qu'à travers le récit de la lutte de Tchékhov contre sa maladie, la tuberculose, Bounine devait se regarder. Il ne peut plus écrire les dernières pages qu'il dicte à son épouse, Véra. IL décède à Paris en 1953. Cette biographie restera inachevée.

« Il n'y a jamais eu d'écrivain de la trempe de Tchékhov ! On a du mal à imaginer tout ce qu'il a pu entreprendre en sept ans alors qu'il était rongé par une maladie à l'issue fatale : le voyage à Sakhaline, la rédaction du compte-rendu à son retour, l'organisation des secours pendant la famine et pendant l'épidémie de choléra, l'exercice quotidien de son métier de médecin, la construction d'écoles, l'aménagement de la bibliothèque de Taganrog, les démarches dans sa ville natale pour élever un monument à Pierre le Grand ». – Page 131


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Bounine écrit "Sur Tchékov", deux trés grands écrivains de la Littérature russe, deux amis,des souvenirs, des lettres,des témoignages de première main....
La relation entre les deux débute avec une correspondance en 1891, mais ils ne se rencontrent pour la première fois qu'en décembre 1895. C'est Bounine, écrivain en herbe(de dix ans son cadet) qui fut le premier à contacter Tchekov, lui demandant de bien vouloir lire quelques uns de ses écrits et nouvelles non encore publiés et lui donner son avis. Leur vraie amitié s'entama qu'aprés leur deuxième rencontre en avril 1899 à Yalta, une amitié intense qui dura jusqu'à la mort de Tchékov en 1904.
Un livre passionnant , où on découvre un homme seul (même le cachet dont il scellait ses lettres portait la devise"L'homme seul voit le désert où qu'il aille") ,malade, ayant peu connu les joies de l'Amour (magnifiques extraits des souvenirs d'Avilova,une écrivaine,son grand amour(?),amour non consumé,celle-ci étant mariée et mère de trois enfants), trés lié à sa famille (il vivra toute sa vie avec sa mère et sa soeur,méme aprés son mariage ). On y apprend aussi plusieurs épisodes de sa vie qui lui inspira certaines de ses nouvelles et beaucoup d'autres détails sur l'homme et l'écrivain qu'il était.
Un livre pas trés facile à lire ,n'étant pas écrit chronologiquement et avec beaucoup de notes en bas de page(excellentes et complémentaires-dans la traduction anglaise-),mais à ne pas manquer pour qui aime l'oeuvre de Tchékov.
Ce livre me rappelle le livre passionnant que James Knowlson a écrit sur son ami Beckett.Il y a la méme tendresse ,la méme admiration,envers un homme simple,lucide et sincère mais exceptionnel. Tchekhov était un aristocrate dans l'âme.
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La biographie n'est pas un genre que j'apprécie énormément, parce qu'il est rare pour moi de trouver une biographie qui soit aussi dotée de qualités littéraires. Parmi les exceptions, je compte Marie-Antoinette de Stefan Zweig - et pour le remarquable travail de recherche aussi. Je ne compte plus les déceptions, je n'ai même pas envie d'en dresser la liste.
Ce livre est une exception, un livre rare, un livre écrit par un très grand écrivain pour rendre hommage à un écrivain qu'il admire profondément, qu'il a eu la chance de connaître, pour lequel il veut aussi rendre justice, parce que beaucoup ne la lui rendent pas, donnent une image fausse de cet homme qui a vécu plusieurs vies, qui n'a pas assez pris soin de la sienne, qui a écrit des pièces de théâtre et des nouvelles, pas assez connues en France. Il faut bien le dire : ce genre littéraire est malheureusement très déprécié en France.
Plus qu'une biographie, il s'agit de partage : se rappeler tous ces moments privilégiés passés avec Tchékhov, fils et frère aimant, mari souffrant (sa femme avait aussi de lourds soucis de santé), écrivain qui ne pensait pas que son oeuvre lui survivrait longtemps. Ecrivain russe, il souffrait de l'état de la littérature de son pays, il était inquiet quand il voyait les différents courants littéraires qui émergeaient et ne lui annonçaient rien de bon, sans doute aussi parce qu'ils étaient le reflet de la société russe.
Ivan Bounine parle des liens qu'il avait tissé avec l'auteur, de leurs correspondances. Il parle aussi de la famille d'Anton Tchékhov, famille dont l'auteur était très proche.
Une oeuvre émouvante.
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Belle découverte sur cette relation entre les deux écrivains, meme si l'écriture est décousue sur la deuxième partie
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Un autre jour, comme nous prenions le thé sur la terrasse, il observa :

- On me reproche souvent (Tolstoï le premier) de m'attacher à des banalités, de ne pas concevoir des héros positifs, des révolutionnaires, des Alexandre de Macédoine ou à la rigueur des "hommes justes" comme chez Leskov ... Mais où voulez-vous que je les prenne ?
- Notre vie est provinciale, nos villes n'ont pas de rues pavées, les campagnes sont pauvres, le peuple est usé ... Dans notre jeunesse, nous gazouillons follement et puis vers la quarantaine, nous devenons de véritables vieillards obnubilés par la mort ... Vous parlez de héros !
- Vous dites que mes pièces vous font pleurer ... Et vous n'êtes pas le seul ... Pourtant ce n'est pas dans cet esprit que je les ai écrites, c'est la mise en scène d'Alexeiev qui les rend si tristes. Je voulais seulement être honnête avec les gens, leur dire : "Regardez-vous, regardez comme vous vivez mal, comme votre existence est ennuyeuse!" Il faut qu'ils le comprennent, et quand ils l'auront compris, ils changeront de vie, ils construiront forcément une vie meilleure... Je ne la verrai pas mais je sais qu'elle différera totalement de notre vie actuelle...
Tant que rien ne changera, je continuerai à répéter : "Regardez comme vous vivez mal et comme votre vie est ennuyeuse!". Il n'y a pas de quoi pleurer.

Se levant de sa chaise, il dit simplement : "Allons nous coucher...Il va y avoir de l'orage..."
Pendant l'orage, il cracha du sang.

Pages 83/84 - Année 1902
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Un autre jour, comme nous prenions le thé sur la terrasse, il observa :

- On me reproche souvent (Tolstoï le premier) de m'attacher à des banalités, de ne pas concevoir des héros positifs, des révolutionnaires, des Alexandre de Macédoine ou à la rigueur des "hommes justes" comme chez Leskov... Mais où voulez-vous que je les prenne ?

- Notre vie est provinciale, nos villes n'ont pas de rues pavées, les campagnes sont pauvres, le peuple est usé... Dans notre jeunesse, nous gazouillons follement, et puis vers la quarantaine nous devenons de véritables vieillards obnubilés par la mort... Vous parlez de héros !

- Vous dites que mes pièces vous font pleurer... Et vous n'êtes pas le seul... Pourtant ce n'est pas dans cet esprit que je les ai écrites, c'est la mise en scène d'Alexeiev qui les rend si tristes. Je voulais seulement être honnête avec les gens, leur dire : "Regardez-vous, regardez comme vous vivez mal, comme votre existence est ennuyeuse !" Il faut qu'ils le comprennent, et quand ils auront compris, ils changeront de vie, ils construiront forcément une vie meilleure... Je ne la verrai pas, mais je sais qu'elle différera totalement de notre vie actuelle. Tant que rien ne changera, je continuerai à répéter : "Regardez comme vous vivez mal et comme votre vie est ennuyeuse !" Il n'y a pas de quoi pleurer.

Se levant de sa chaise, il dit simplement : "Allons nous coucher... Il va y avoir de l'orage..."
Pendant l'orage, il cracha du sang.
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He(Tchekhov )wrote to Bykov in 1892"Will you be so kind as to point out to the people in your office(of your journal)that the advertisement in which I am described as "highly talented" and in which the title of my story is printed in poster-size letters has made a most unpleasant impression on me.It looks like an advertisement of a dentist or a masseur;and besides it is in bad taste.I know the value of advertisements and I am not against them,but I consider modesty and standards....to be the best and most effective advertisement for a literary person."p.18Editor's introduction.
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"One does not need plots(for stories),for in reality,such things does not exist.Everything is mixt up in life ,the profound and the trifling,the great and the insignificant ,the tragic and the comic.You,ladies and gentlemen,are simply robots and slaves to routines from which you cannot part"p.126
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"I have a malady called autobiographophobia"Chekhov wrote to Grigory Rossolino in 1899."It is a genuine torture for me to read any details whatsoever about myself,to say nothing of writing them to the press."p.27 Editor's introduction.
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