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C'est une histoire bien étrange que nous sert Ioanna Bourazopoulou. Bizarrissime, même, pour reprendre une expression de la quatrième de couverture. Dans un futur pas trop lointain, un cataclysme a complètement transformé le visage de la terre, la Méditerranée s'est agrandie, faisant de Paris un port de mer. Vous l'avez compris, une partie de l'Europe a été engloutie, ainsi que des pans de l'Afrique et de l'Asie. Décor assez apocalyptique ! La cause de ce cataclysme ? On ne sait pas. Peut-être une punition de Dieu ? En tous cas ça ferait un lien avec le titre. On se rappelle que, selon le récit biblique, Loth et sa femme ont fui Sodome et Gomorrhe, qui allait être détruit par Dieu. Malheureusement, la femme de Loth a contrevenu aux ordres et elle s'est retournée pour regarder. Qu'a-t-elle vu ? Dieu ? Quoiqu'il en soit, elle fut transformée en sel.

À l'autre extrémité, là où se trouvaient les limites de l'Asie Centrale, le conglomérat des Soixante-Quinze a établi une sorte de colonie où on extrait un sel mauve, produit très puissant que tout le monde s'arrache. Encore ce sel, qui rattache à la légende biblique… Quand le gouverneur est tué, les soupçons se portent sur six autres individus haut placé (la femme du gouverneur, le président du tribunal, le commandant, le prêtre, le secrétaire et le médecin) puis on scrute à la loupe leurs déclarations. Les Soixante-Quinze, basé à Paris, retiennent les services de Philéas Brook, l'inventeur des Lettres croisées, pour démêler tout cela. Plutôt décrypter !

Ainsi, en lisant les déclarations des six suspects du meurtre du commandant, le lecteur peut essayer de résoudre l'énigme. Mais les lettres parfois se contredisent, la femme du gouverneur laissant paraître ses doutes sur le commandant, le médecin sur le prêtre, etc. On découvre que ces six individus se trouvent dans la colonie sous une fausse identité, chacun ayant un passé pas très net. On peut même douter de leur raison. Aussi, des événements étranges se produisent, certains affirment avoir vu un navire approcher de la colonie mais il n'en reste aucune trace. Bref, le bizarre fait une entrée par la grande porte dans ce bouquin de plus de quatre cents pages.

Il est extrêment difficile de résumer succinctement «Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ? » Ce que j'ai écrit plus haut ne rend pas justice à l'oeuvre. On y retrouve beaucoup de thèmes communs à la science-fiction mais également quelques uns ayant une portée plus grande, comme la hiérarchie, l'obéissance, les libertés personnelles, la rédemption, etc. le fait que je n'aie pas accroché à l'intrigue – j'en suis presque déçu – n'enlève aucune des qualités au roman. Bourazopoulou semble avoir beaucoup d'imagination pour créer et expliquer le monde, l'univers qu'elle a créé.

Normalement, j'aime bien les romans policiers, je raffole des énigmes mais celle-ci était trop difficile pour moi. Les indices vont dans tous les centres, on ne peut se fier aux déclarations de chacun et l'intrigue prend des proportions gigantesques, allant bien au-delà du simple meurtre du gouverneur. Il est question de pirates, de trafic de sel, d'intérêts étrangers (les Mamlouks de Suez ?). J'ai fini par me sentir tout mélangé et, conséquemment, à ne pas apprécier ce moment de détente que constitue habituellement la lecture. Pourtant, je suis aussi capable de m'intéresser à un petit défi intellectuel mais, dans ce cas-ci, niet. Quand j'ai pris connaissance de la solution aux Lettres croisées, à la fin, je me suis dit qu'il aurait impossible que je le trouve par moi-même. Bref, «Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ? » est un rendez-vous manqué avec l'auteure grecque.
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"Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ?" est le troisième roman de la grecque Ioanna Bourazopoulou. Je suis tombé dessus par le plus grand des hasards. Quel dommage si ce n'était pas arrivé !
Le gouverneur de la Colonie vient de mourir. Qui l'a tué ? Comment ? Que faire maintenant ? Ce qui commence comme un passionnant Cluédo se poursuit, dans une folie irrésistible, comme critique sociale.
Car quand sommes-nous ? Où ? Dans quel monde ? J'y viens.
Dans un futur proche, la Mer Morte a débordé. Tellement débordé que les eaux ont submergé la moitié de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie mineure. . Des millions sont morts et les réfugiés ont afflué dans les zones restées sèches. Pourquoi ce cataclysme ? Nul ne le sait ; ce n'est pas la question. Là où se trouvait l'ancienne Mer Morte, on a découvert un sel mauve plus puissant que les plus puissantes drogues. Ce sel, exploité exclusivement par la firme géante des Soixante-Quinze, se vend à prix d'or. Pour l'extraire et le vendre, la firme a racheté aux Etats voisins toutes les terres adjacentes au filon puis y a créé une « colonie », peuplée de milliers de salariés sans autre Droit que l'extensif règlement de la Colonie. Dans ce lieu, qu'une particularité géophysique empêche de rejoindre en moins de trois semaines, aucun système électrique ne fonctionne, la technologie y est donc celle du XIXème siècle (avec quelques inventions originales comme les berlines tirées par des équipages de cyclistes). Autour de ce lieu, le désert, plein de menaces et inaccessible. Cette enclave libérale, coupée du monde, est dirigée par un gouverneur, aux ordres toujours oraux, et recevant lui-même des instructions du siège, par coffre scellé, une fois par semaine. Il est « assisté » par une coterie de six notables comprador. La hiérarchie est impitoyable, la ségrégation sociale absolue. La seule égalité est celle de l'origine. Ici échouent les réfugiés apatrides et les désespérés fuyant leur passé, la plupart, sans doute les moins corruptibles, dans des positions subalternes et exploitées. La mort inattendue du gouverneur, non prévue par l'omniscient règlement de la compagnie, ouvre une boite de Pandore dont vont surgir folie et déraison.
"Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ?" est constitué de deux parties entrelacées. D'une part, nous lisons les six rapports des six protagonistes faisant les récits, partiels et partiaux, des jours qui ont suivi la mort du gouverneur, d'autre part nous voyons un spécialiste du « décryptage épistolaire », au siège, tenter de comprendre, à partir de ces récits, ce qui s'est réellement passé. Seule la fin offrira au lecteur le fin mot de l'histoire. Et il court vers la fin, le lecteur. Fou de curiosité, happé par des situations qui rappellent la folie des auteurs russes, l'imagination sans limite de Boris Vian, le nonsense des Monty Python, il ne lâche plus le roman, tournant les pages à toute vitesse, comme saisi de folie lui-même. Mais ce n'est pas tout. L'auteur a mis dans son livre un peu de Désert des Tartares, un trait de Colonie Pénitentiaire, un zeste de Caverne des Idées. C'est bizarre (la 4ème de couv dit : « bizarrissime »), brillant, fascinant. Original et mené de main de maître, "Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ?" est le roman qui m'a le plus excité depuis longtemps.

Note : Je ne cite jamais d'extraits d'habitude mais ici j'ai envie de la faire pour que chacun puisse voir de quoi il retourne et décider (c'est un ordre) de lire "Qu'a-t-elle vu, la femme de Loth ?". Nous sommes dans le bureau du gouverneur mort et les notables veulent ouvrir le coffre scellé pour savoir q'il y a des instructions secrètes. Ils craignent que le coffre soit piégé. "Nous décidâmes de prendre nos précautions.Les rideaux furent découpés en bandelettes qu'on s'enroula autour de la bouche et du nez, les chaises dont on brisa les pieds furent disposées autour de la table, formant un petit mur de protection face à la serrure du coffre, et l'on se cacha derrière. D'un commun accord nous confiâmes l'ouverture au docteur Fabrizio, habile chirurgien doté d'instruments adéquats. On enveloppa dans le tissu des rideaux ses poignets et ses avants-bras, on protégea sa tête, ses épaules et son ventre avec des oreillers et des couvercles de casserole."

Note : Ce roman a été écrit en 2007, il ne faut donc pas y voir la critique de la sphère financière après la crise, de l'impuissance des gouvernements, ou je ne sais pas quoi d'autre.
Lien : http://quoideneufsurmapile.b..
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Ce livre a été lu dans le cadre d'un partenariat et j'en remercie le site Babelio et les éditions Ginkgo

Lecture

Paris est un port, un port au bord de cette Méditerranée qui a englouti le sud de l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Lors de cette catastrophe , un furoncle a surgi à l'emplacement supposé de l'antique Sodome biblique. Cet abcès a rejeté du sel mauve. Une société, la Compagnie, a pris le contrôle intégral de la production de ce produit miraculeux mais fragile. les "Soixante-Quinze" dirigent cette entité qui a fondé la Colonie. La Colonie, inaccessible, mystérieuse, barricadée, est le seul site d'extraction. Elle vit comme au moyen-âge technologique, toute agression dénaturant le précieux sel, mais aussi dans un moyen-âge social d'une civilisation fermée, féodale et enkystée.

Avis

Roman surprenant. le contexte est vraiment particulier dans ce monde frappé d'un cataclysme que rien n'annonçait. Cette épreuve sans précédent a amené chacun à se poser la question du pourquoi de sa survie tandis que tant d'autres ont été engloutis. Elle a marqué les existences au fer de la vacuité et du découragement.

La Colonie est un point perdu au milieu de ce que la Compagnie veut être un nulle-part. On ne peut s'empêcher en lisant sa description de penser à un enfer de Aligheri ceinturant le Château de Kafka. Les habitants ne sont pas victimes d'un régime totalitaire, pire ils sont employés volontaires d'une société mystérieuse , omniprésente et protéiforme, la Compagnie. Ce même nom qui était le surnom de la CIA dans les années 50-60 lorsque qu'elle cultivait la paranoïa comme une vertu. C'est une société commerciale qui a privatisé la Méditerranée, qui a monopolisé le Sel. Monstre froid nourri des cadavres des millions de noyés, elle se ceint de manipulations, de secrets, encore aggravés par le fait que les conditions extrêmes autour de la Colonie l'éloignent du monde vivant de plus de trois semaines.

Dans ce lieu soustrait du monde, certains ont des privilèges: le chef de la garde, le secrétaire général, le prêtre de la cathédrale, la femme du Gouverneur, le médecin en chef, le juge. Mais tous ne sont en fait que les valets du Gouverneur. le Gouverneur Bera, homonyme du dernier roi de Sodome, est le seul a recevoir ses consignes directement des Soixante-Quinze. Les mineurs, les cyclistes, moteurs humains des véhicules, les gardes, les dockers, tous sont liés à la Compagnie et respectent des règles strictes, rigides. Un carcan enserre la vie de la Colonie.
Le règlement prévaut, les intérêts de la Compagnie l'emportent sur toute autre considération, seul compte le précieux Sel.

Mais lorsque les rails ne sont plus là pour guider ce train, tout déraille. Les personnages, si rigides, si clairement typés, se révèlent alors cyniques, désabusés, malhonnêtes, égoïstes, mythomanes ou tout simplement fous.

Le roman est écrit en majeure partie sous forme épistolaire, des extraits de lettres écrites par ces six, entrecoupés de leurs échos dans le monde réel. La Colonie n'en fait pas vraiment partie. L'auteur ne change pas vraiment de style pour chaque écrivain, formatés qu'ils sont tous. Mais leurs idées et surtout leurs doutes et leurs folies leurs sont bien personnels. le style est parfait de complexité formelle mêlée d'irrationalité inventive, j'ai adoré. L'humour est peu présent, ce serait plutôt de l'ironie, mais bienvenue.

Ce livre est purement et simplement envoutant. Peut-on parler de science-fiction alors que tout se passe dans un univers qui pourrait être le nôtre, mais où une verrue médiévale et infernale s'accroche dans une mer de désolation? Oui parce que ce futur improbable n'est là que pour mieux exacerber les personnes, pour servir de catalyseur à une réflexion sur la ploutocratie économique, sur l'aliénation. On retrouve dans un autre contexte les thèmes chers à William Gibson, y compris le pouvoir de sédition de la liberté personnelle, mais dans une technologie rétrograde. L'auteur est une femme grecque, le livre date de 2007, mais le Journal Libération titrait début Juillet 2011 "Grèce, première dictature économique?"

Tout dans ce livre est fantasmagorique et en même temps affreusement réel. On sent les personnages s'engluer dans les manipulations, ne plus savoir où est leur propre volonté. Mais la folie semble être la seule réponse à l'absurdité politico-économique qui les enferme. Comme le héros du Procès, ils ne comprennent pas mais pour tenter de s'évader finissent par être eux-mêmes acteurs de cette pièce morbide, du moins jusqu'à que la structure gauchisse, et là, l'humanité reprend le dessus.

A toute cette histoire se rajoute une enquête, ou plutôt une quête, magistralement menée. On peut se laisser larguer par cette comédie sinistre; personnellement je me suis laissé emporter par la folie et la complexité des personnages, par la déliquescence de cette société et par l'intelligence du propos.

Ce livre aurait été un coup de coeur, si ce n'était la postface qui assène sans vergogne que "si ce livre est bien accueilli, on ne pourra plus dire que le public français est nul".
Puisque je suis obligé de faire de ce livre un coup de coeur, sous peine de nullité, je ne puis décemment pas m'y résoudre.

Conclusion:

Bizarre et envoûtant, un livre qui n'est pas de la pure SF. Un livre intelligent et absurde. Un vrai plaisir à dévorer consciencieusement.

Ma note : 16.5 /20

(17/20 sans la post face)
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Inattendu et inclassable de bout en bout

Premier roman paru en France de l'auteure grecque Ioànna Bourazopoùlou paru aux éditions Ginkgo en juin dernier, Qu'a-t-elle vu la femme de Loth ? est un roman post-apocalyptique qui nous fait le portrait d'un monde complètement défiguré. L'Europe du Sud et le Proche-Orient ont étés engloutis, et la ville de Paris est devenu un port méditerranéen…

Selon la Bible, la femme de Loth aurait désobéit au commandement de Dieu, qui lui aurait demandé de ne pas se retourner lors de la destruction de la ville de Sodome, mais cette dernière n'a pas pu résister à sa curiosité, et pour cela, Dieu l'a punie en la changeant en statue de sel. Cette référence religieuse est utilisée tout le long du livre par la Compagnie comme outil publicitaire pour vendre son sel violet, mais cette référence culturelle ne nécessite pas une culture religieuse particulière.

Une terre dévastée et une société basée sur le commerce du sel violet

Depuis le cataclysme ayant inondé une grande partie de la terre, un sel violet aux propriétés étranges jaillit de la terre, faisant la richesse d'une société toute-puissante et mystérieuse : Les Soixante-Quinze. Les propriétés de ce sel violet rendent très dépendant, le rendant indispensable à tout être vivant dans cette société aux allures de fin du monde.

Dans un endroit inconnu, se trouve la Colonie, lieu où est exploité le sel violet. Toutes les personnes qui y vivent sont des salariés de la Compagnie (les Soixante-Quinze). Dans la Colonie, l'utilisation de l'essence est prohibée, détériorant la qualité du sel. Les habitants ont les poumons remplis de sel et de sable et son souvent malades ; aucune plante n'arrive à survivre dans cette atmosphère saline et aucun couple n'arrive à avoir d'enfant. Des conditions de travail atroces, une lumière du jour cachée sous une brume permanente, bienvenue.

Mais parmi ces salariés-habitants, il y en quelques-uns qui sont vitaux à la Colonie : le Gouverneur, censé représenter la Compagnie, et ses « étoiles pourpres », habitants qui le servent et que l'on peu assimiler à des ministres… mais la machine tyrannique et totalitaire de la Colonie va s'éroder et transformer ce roman post-apocalyptique en polar machiavélique.

Et pendant ce temps, loin de la Colonie se trame une lutte psychologique sans merci entre un homme et la Compagnie…

Une intrigue fort bien construite

Sans vous compter les enjeux forts nombreux et complexes, ce qu'on peut dire de cet ouvrage c'est qu'il est inattendu sur de nombreux aspects.

Les mobiles bien flous de certains personnages prennent tout leur sens une fois la lumière faite à partir d'un autre angle. Ce qui nous paraissait inutile ou simple fioriture était en fait un élément vital dans la compréhension de l'histoire et dans son appréciation. Et c'est ce qui fait le génie de cette histoire : des révélations en chaînes qui nous obligent parfois à relire des passages d'un point de vue complètement différent et génial.

Alors, pour ces belles surprises, pour cet univers post-apocalyptique si étrange et si bien imaginé et décrit : bravo.

Sublime, bien écrit, incroyablement ficelé, Qu'a-t-elle vu la femme de Loth ? est un roman hors-norme et inclassable qui ne laissera pas indifférent.
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La femme de Loth, se retournant il y a quelques millénaires sur Sodome détruite fut changée en statue de sel. Longtemps après, advint dans la région de la Mer Morte une catastrophe géologique conduisant à la lente mais inexorable montée du niveau de la Méditerranée et finalement au Débordement : Paris est un port maritime, Rome, Vienne et Istanbul sont sous les flots. Un mystérieux trust, les Soixante-Quinze, crée une Colonie dans le désert afin d'extraire le sel mauve sur lequel repose sa richesse. Colonie stérile où ne peuvent survivre ni plantes ni animaux (sauf les hommes), où se déposent poussière mauve et sable.

Cette Compagnie n'a que peu de confiance dans l'écrit et les ordres importants sont transmis oralement. Chaque semaine, un coffre vert sert de lien entre la Compagnie et le gouverneur de la Colonie, à bord d'un navire glissant sur les eaux trop salées et bravant l'impossibilité de naviguer aux instruments.

Lorsque le gouverneur est retrouvé mort dans sa chambre, que faire? Pas d'instructions. Six personnages au passé chargé, "menteurs pathologiques, soupçonneux, sournois, narcissiques, violents, rapaces" sombrent presque dans la folie. Alternent des morceaux de leurs lettres à la Compagnie, dévoilant une histoire effroyable, pathétique, non dénuée de burlesque et de baroque.

A Paris, Philéas Book, qui tient dans le Times la rubrique de Lettres Croisées, est chargé par la Compagnie d'y comprendre quelque chose...Mais quel jeu joue la Compagnie?

Allons y directement : j'ai adoré ce roman, son atmosphère d'angoisse et de folie, son burlesque atténuant l'horreur. Les six dans la Colonie et Book se sentent absolument manipulés par la Compagnie autoritaire, mystérieuse et toute puissante. Laissez-vous prendre dans les rets de cette histoire originale, bien construite, au suspense sans faille, élégamment écrite.

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Le monde d'après le Débordement a cédé à ses plus infâmes sirènes. Celles du profit, de la machination, des complots et contre-complots. La métaphore est relativement transparente. L'économique a remplacé le spirituel et s'incarne dans l'hydre des Soixante-quinze. La Compagnie qui exploite le sel mauve n'a pas de visage, pas de nom, on lui suppose d'autres activités, mais lesquelles ? Son emprise est partout, dans les villes non mortes de la vieille Europe, dans les faubourgs de la Colonie, jusqu'au désert infesté par la lèpre et ce qu'elle touche a un goût de poussière. Comme jadis la main de Dieu, rien ne lui échappe, surtout pas ses colons, en réalité des employés sur qui elle a droit de vie et de mort. le roman parle peu des villes, Paris où évolue pourtant Book est à peine décrite sinon sous l'angle de ce qu'elle n'est plus. La Colonie est le laboratoire du roman, ville-mouroir délimitée en cercles précis, où les strates de population ne se côtoient qu'avec répugnance. Malgré ce que son emplacement (les rives du Jourdain) et son mode de peuplement (accueillir les rescapés d'un cataclysme, toutes nationalités confondues) pourraient laisser croire, on est très loin de l'utopie israélienne des débuts, et si l'on y pense évidemment, c'est pour mieux en concevoir un reflet perverti. La ville dépeinte rappelle plutôt les grandes heures de l'époque coloniale, et c'est loin d'être enthousiasmant. Bourgeoisie nécrosée retranchée dans ses quartiers, cyniquement nommés Hespérides, prolétariat muet et tout d'ombre vêtu, militaires avinés et semi-idiots, forment cette fausse Légion Étrangère : on y adhère pour faire oublier ses crimes passés et se couvrir d'une nouvelle peau. Au nom de la survie et de la préservation des privilèges, on assiste à des scènes d'une absurdité rare, à l'humour très noir et très grinçant, lorsque les six personnages décident de se débarrasser du corps du gouverneur décédé, par exemple.

Comment être un individu dans un système qui par principe vous déclare obsolète ? Dans le système de la Compagnie, l'individu est l'ennemi intime du profit, il convient donc de l'emmailloter si serré qu'il n'aura ni l'envie ni l'espace de se mouvoir. On endort à coup de fouet et de babioles, de décorations sans valeur que l'on retire brusquement. Et chacun de farfouiller dans le sable au lieu de lever le nez. Quand le Gouverneur décède, les Six errent dans les couloirs comme des poulets sans tête…
C'est alors qu'arrive le grain de sable. le grain de sable est un pirate. Un vrai, avec la chemise à jabot, le foulard et l'anneau d'or. Discordant... Peu à peu se dessine un système qui se mord la queue, qui va partir en flammes précisément grâce aux mécanismes qu'il a mis en place. Très fort. Vraiment très fort. le complot, la manipulation, principes de coercition, vont devenir des instruments de résistance…
Des paraboles sur le monde moderne et le capitalisme totalitaire, j'en ai lus d'autres. de plus virulents, plus brutalement pamphlétaires. Non que cette Femme de Loth ne soit pas une saine, une horrifique lecture, mais le propos n'est pas neuf. L'économie prenant le pas sur l'humain est une abomination et crée des monstres incontrôlables, on le sait. Quel ingrédient ici fait de ce roman d'aventures une oeuvre si singulière ? Après y avoir consacré quelques unes de mes insomnies, il me semble que la réponse, du moins celle qui a fait résonner la bonne cloche dans mon petit cerveau, est : le temps. le temps est un véritable enjeu.
ce monde-là a perdu son antique. Plus d'Italie, De Grèce, d'Égypte, les terres bibliques rendues au désert, les puissances européennes modernes décapitées. Plus de mémoire, plus d'histoire. Deux mille ans de civilisation transformés en mythe, comme l'Atlantide. le personnage de Phileas Book est à ce titre symbolique, lui qui a par hasard été envoyé chez une vieille tante quelques semaines avant le Débordement. Unique survivant de sa famille, Phileas n'existe plus, il s'assied sur les docks parisiens et pleure sur sa vie perdue (très belles pages, d'ailleurs, pas encore le Zola de « l'inondation », mais pas loin). Dans ce temps-là, il n'existe pas car il se souvient.
Monde accéléré, amnésique, terrifiant.
Et parce que nous sommes en Europe, justement, que du fond des âges, ce continent s'est construit en grande part autour de la Méditerranée, quoi de mieux que la mer pour exprimer le temps ? J'ai été frappé, au début du livre, par la faible place occupée par cette mer de tous les maux. Glissant très vite vers la Colonie et le désert, le roman fait de la mer un non lieu. Pour cause, cette Méditerranée-là n'est pas la nôtre. C'est une créature surgit des profondeurs, c'est la mer Morte impénétrable dans laquelle seuls les noyés s'enfoncent, et ses eaux mauves provoquent des hallucinations. L'ancienne mer, la bonne mer, reviendra plus tard dans le roman, et avec elle la mémoire, le goût du sel et des larmes. Et l'envie de lever le nez du sable.
La mer, la vie, la mémoire...
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Oublions tout de suite l'impossibilité technique du postulat de départ, un débordement de la méditerranée qui engloutis une partie de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique et qui transforme Paris en ville côtière. Ioanna Bourazopoulou ne fait pas dans la science fiction "réaliste". Je ne suis même pas certain que le troisième roman de cet auteur grec, le premier qui sort en France, puisque être qualifié de science fiction. Quoi qu'il en soit, ce roman nous permet de suivre plusieurs personnages. Philéas Book, un journaliste travaillant pour le times et résidant à Paris. Il est chargé par la Compagnie, une mystérieuse société exploitant les mines de sel violet de le mère noire, d'étudier six lettres écrites par six de ses employés. Ces employés ce sont des notables de la "colonie" qui exploite les mines de sel pour le compte de la Compagnie. Ces six notables retrouvent un matin le Gouverneur de la colonie mort sur son lit. Ne sachant que faire, la compagnie n'ayant pas prévu ce cas de figure, et ayant peur pour leur situation et leurs privilèges, ils vont se retrouver embarqué dans des situations aussi incroyables que pitoyables où chacun va essayer de tirer la couverture pour soi.

Le thème de ce roman n'est pas nouveau. Ioanna Bourazopoulou nous raconte l'histoire d'une société entièrement dirigée par une entreprise, la "Compagnie", omnisciente et omniprésente. Ces six notables symbolisent ces fonctionnaires déshumanisés qui ne pensent plus et agissent comme des pantins. Et tout de suite on pense à Orwell et 1984, sauf que Ioanna Bourazopoulou serait plus proche de Terry Gilliam et de son Brazil. Si dans le film de Gilliam c'était une mouche qui apportait le chaos, ici c'est un gouverneur qui a eu la fâcheuse idée de mourir. Et nos six notables, confrontés à une situation que ne prévoit pas le sacro-saint règlement de la "Compagnie" vont donner libre court à leurs instincts les plus bas pour cacher cette mort et préserver leurs petits privilèges, ce qui donne lieux durant la première partie du roman à des scènes totalement surréalistes d'un humour noir et féroce. Ioanna Bourazopoulou n'a pas peur de la surenchère et va même très loin. Elle aurait pu très facilement sombrer dans le ridicule mais parvient à trouver le ton juste pour rester crédible, drôle et grinçante. Elle continue même à nous surprendre puisque passé la première moitié du roman, celui change petit à petit. Ces six personnages plus un septième arrivé en cours de route se livrent à un jeu de dupes. Qui manipule qui ? Qui ment ? Qui dit la vérité ? On en vient à douter de tout jusqu'à un final très "Usual Suspects".

Le roman se dévore avec gourmandise et les pages tournent tellement on est happé par l'histoire. La majeure partie du roman est épistolaire. Les chapitres sont une succession d'extraits des lettres écrites par les six notables à la compagnie. Ce choix, loin d'être artificiel, est l'un des atouts du livre puisqu'il alimente cette atmosphère de suspicion permanente. Chacun relatant les évènements d'une façon assez peu objective. Ces lettres sont aussi l'occasion pour le lecteur de mieux comprendre les personnages. Ils ont tous un passé trouble et sont bien plus qu'ils ne le laissent croire. Et même si ils sont ignobles et pathétiques, ils n'en restent pas moins attachants et humains. Ce roman est donc pour moi une très bonne surprise. C'est drôle, grinçant, assez imprévisible et surtout l'histoire est servie par une galerie de personnages absolument épatants. Une excellente lecture qui s'est faite dans le cadre d'un partenariat avec le site babelio.
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Attention, ceci est un OLVI (objet littéraire non identifié) exceptionnel. J'ai rarement lu un roman qui m'a autant surpris, L'auteure est une Grecque, quasiment inconnue, dont la créativité et aussi la subtilité méritent notre admiration. Voici, en deux mots, le début de l'histoire:
Dans un futur indéterminé, un cataclysme a bouleversé la planète: le Grand Débordement a noyé une partie de l'Asie et de l'Europe, avec leurs habitants faisant de Paris un port au bord de la Mer Méditerranée. C'est alors qu'un « sel » mauve, aux propriétés étranges, est sorti des entrailles de la Terre, au niveau de ce que nous appelons la Mer Morte (c'est cette particularité qui est suggérée dans le titre du livre, Sodome étant située dans cette région). Une Compagnie mystérieuse et tentaculaire (les "Soixante-Quinze") exploite ce « sel », dans une colonie isolée, où se passe l'essentiel de l'action.
Un obscur spécialiste des « lettres croisées » (sortes de mots croisés extrêmement complexes), Phileas Book, est contacté par un agent des Soixante-Quinze. Il est chargé d'interpréter des lettres qui ont été précédemment envoyées à la Compagnie. Les auteurs de ces lettres sont plusieurs personnages influents de la colonie exportant le « sel »; ils ont plongé dans le désarroi, quand le tout-puissant gouverneur de la colonie est décédé mystérieusement. Dans leurs lettres, ces six "Pieds Nickelés", qui ont de sombres antécédents, ont donné leur vision personnelle des événements invraisemblables auxquels ils se sont confrontés. On les voit s'agiter pathétiquement, afin de tenter de tirer leur épingle du jeu – c'est du moins l'impression qu'ils donnent.
Au terme de ce long roman, Phileas Book finira par décrypter ces récits et par découvrir la vérité, à laquelle le lecteur ne s'attendait pas. Elle lui sera révélée d'une manière assez elliptique. Ce dénouement fait tout le "sel" de ce roman, si j'ose dire…

Mais je dois surtout insister sur la richesse de l'imagination de Ioanna Bourazopoulou, qui évoque en détails un monde hautement improbable mais fascinant. Ce n'est pas de la science-fiction, ce n'est pas non plus une uchronie, c'est la description d'un monde virtuel. L'auteure suggère bien ce que pourrait être l'écrasante emprise d'une compagnie mondiale, sur une planète future ou en tout cas possible – et les citoyens que nous sommes actuellement, dans le monde réel, se sentent interpellés.
Pour conclure, je ne saurai pas trop recommander ce roman bizarre et surtout très original, sans comparaison possible avec la quasi-totalité des romans contemporains.

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Bienvenue aux portes d'un futur sans précédent. Un monde fou loin des standards classés science-fiction.

Dans une Europe aux contours redessinés et dévastée par un cataclysme naturel, un Sel violet souterrain, remonté à la surface, devient une denrée plus précieuse que l'or et la plus addictive des drogues.
Privatisée par la Compagnie, une multinationale tentaculaire et mystérieuse, la Méditerranée est devenue un territoire commercial exploitée pour son Sel. Dans la Colonie, la micro société autarcique et totalitaire qui l'extrait, six fonctionnaires incapables de penser par eux-mêmes sont les pantins de cette société en huis clos. A l'extérieur, et pourtant omniprésente, la Compagnie qui les emploie y règne en maître par la terreur et la soumission.
Le petit monde de privilèges entièrement balisé des hauts dignitaires de la Colonie s'effondre le jour où le Gouverneur seul lien avec la Compagnie décède. Face à cette situation sans précédent et sans instruction réglementaire, ils sont perdus, soupçonneux et effrayés par la perte prévisible de leur statut social. Après des tentatives pour dissimuler cet état de fait, ils décident d'écrire chacun une lettre à la Compagnie pour rendre compte des faits précédant la macabre découverte, se dédouaner et donner leur donner leur point de vue sur les responsabilités de chacun.
Phileas Book, un journaliste du Times réputé pour ses « Lettres Croisées » va se retrouver au centre de tous ces destins. Mandaté par la Compagnie, le journaliste britannique résidant à Paris, ville portuaire et siège de la Compagnie se voit confier la tâche minutieuse d'extraire des six lettres des dignitaires le sens de cet imbroglio et de démêler l'intrigue.

Loin des standards classiques de la science-fiction, l'auteure offre une alternative, un roman frais et original qui comblera les curieux. Une occasion de découvrir Ioànna Bourazopoùlou publiée pour la première fois en France. En quelques lignes, l'auteure plante son décor et définit les nouvelles frontières de son monde. Elle raye le bassin méditerranéen et plonge son lecteur en plein Paris les pieds dans l'eau.
En deux mots, une véritable curiosité. Résolument moderne par la présence d'une multinationale monstrueuse et sans âme et définitivement archaïque et régressive au sein même de la Colonie, le roman décortique un monde dément aussi effrayant que déshumanisé.

L'auteur décrit un monde qui oscille entre réalisme et situations improbables. La science-fiction n'est qu'un outil qui lui permet de projeter sur ce monde détérioré et dément la domination d'une société actuelle régit par la puissance économique. Certes, les situations sont discutables et le pitch de départ peu vraisemblable mais peu importe. Ioànna Bourazopoùlou livre un roman ahurissant où chaque personnage a peur de devenir fou, où la suspicion et la manipulation viennent à faire douter de la réalité.
Les personnages se révèlent tour à tour au fil de leur lettre. A la fois théâtraux et très humains, ils se débattent pour survivre. le parti pris de vivre le l'histoire à travers les yeux de chaque protagoniste pour voir petit à petit les faits s'emboiter et se révéler est efficace. Une galerie de personnages complexes et hauts en couleurs, des unités de temps décalées, une écriture épistolaire, une écriture fluide et drôle ; autant d'atouts qui servent ce roman remarquable.
Passé une quatrième de couverture un peu curieuse, on est happé par une aventure qui vaut vraiment le coup.

Un roman inclassable, qui mélange avec soin les genres, passant du burlesque au caustique.
Un livre certes absurde mais un vrai plaisir inattendu.


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On découvre un monde qui a été ravagé par une grande catastrophe : les eaux de la Méditerranée ont soudainement monté, engloutissant le nord de l'Afrique et toute l'Europe du sud… plus De Grèce, ni d'Italie,… les eaux de la mer se sont arrêtée à Paris, qui se retrouve être un port.
Ce bouleversement a mis à jour au niveau de la Mer Morte un gisement de sel mauve, devenue une véritable drogue pour les êtres humains : les grains de sel se vendent à l'unité, et laisse libre court à toute les spéculations. Une compagnie surpuissante, les Soixante-Quinze, à la main mise sur le gisement, et y a installé une colonie.
C'est dans cette colonie que se déroule l'histoire : échappant à la technologie (les ondes électrique ou le pétrole détruisant le précieux sel), elle est dirigée par un Gouverneur aux pleins pouvoir.
Quelque chose va perturber la vie dans cette colonie où pourtant tournait rond depuis 20 ans…

On suit un groupe de personnages hauts placés dans cette colonie : un prêtre, un médecin, un juge, un secrétaire du Gouverneur… tous cachant leur véritable être sous une fausse identité : ils sont tous envoyé dans la colonie comme dans un bagne.

L'intérêt principal de l'histoire est le croisement des sources, un jeu sur le concept de livre entre deux axes de narration :
- à la première personne : 6 lettres des 6 protagonistes principaux, divisées en 5 « périodes » qui se suivent de manière chronologique (donc 30 lettres en tout), et expliquent les événement s'étant déroulé dans la Colonie de la Mer Morte
- à la troisième personne : histoire du créateur de mot croisés, chargé de lire les lettre par les Soixante-Quinze, et d'en dégager une grille et de résoudre l'énigme des 6 lettres en trouvant le point commun entre elles.
Une construction passionnante, car l'émotion et l'excitation montent au fur et à mesure de la lecture, jusqu'à la résolution de l'énigme à la fin.

On sent dans l'histoire une critique sociale qui résonne parfaitement avec les événements de ce début d'année, malgré que ce livre ait 4 ans : révolutions arabes et notion de mauve (je n'ai pu passer à côté ayant bossé avec des graphistes tunisiens obligés de tout décliner en mauve pour faire plaisir à Ben Ali), crise financière en Grèce, Espagne, Italie… et plus globalement les colonialistes invisibles aux pouvoirs, le corps dirigeant inapte et manipulé, …

Au niveau de la trame et du côté "bizarre" , dark et un peu onirique (voir halluciné), ça m'a fait penser à "Hypérion" de Dam Simmons, lorsque les personnage au début de l'histoire racontent chacun leur histoire et leur rencontre avec le Gritche… mais la construction est vraiment différente, plus sinueuse.

Un livre que je conseille au fan de SF étrange, pas futuriste mais réaliste, à moitié steampunk… Je pense essayer de trouver d'autres romans grecs de ce genre (cette auteure n'a que ce roman traduit en français). Dans la post-face l'éditeur cite Costas Hadziaryiris et Vanghèlis Hadziyannidis, il faudrait que je voie ça de plus près ...
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