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sur 1293 notes
L'art du voyage : rien à voir avec les migrations tarifées et édulcorées pour visiter des points de vue célèbres ou même leur fac-simile, ou parcourir les mers sur des buildings flottants au rythme d'étapes express. Lorsque Thierry et Nicolas prennent la route, c'est avec rien dans les poches et au volant d'un véhicule minimaliste, tant dans ses dimensions qui lui valent le sobriquet de pot de yaourt, que dans sa conception : aucune électronique, un moteur de base, quatre roues et hop, en route pour l'aventure.

Départ de Suisse, en visant l'Inde. Mais le but du chemin est justement le chemin lui-même, les rencontres qu'il suscite, au fil des étapes improvisées : pas de bons d'échange, tout au plus parfois une recommandation plus ou moins crédible. La météo et l'état des routes commandent le processus.

Le regard est sans jugement, quelles que soient les difficultés rencontrées, hébergement de cauchemar, intoxication alimentaire, déshydratation et même blessures sérieuses, sont décrites comme des aléas, qui ne les feront pas renoncer.


Un tel périple n'est plus envisageable. le voyageur a évolué, même l'aventure se dote d'équipements technologiques censés assurer la sécurité. Rares seront les villages qui ne seront pas reliés au reste du monde. Et la politique des trente dernières années fait oublier toute idée de sinécure.

C'est ce qui fait la rareté et la richesse de ce récit, d'un autre temps, d'un autre rapport au monde.

Et curieusement, l'arrivée en Afghanistan marque une rupture dans le style serein du narrateur, qui pique un coup de gueule enragé contre…mais je vous laisse le découvrir. C'est suffisamment drôle pour en préserver la surprise.



C'est un récit indispensable, qui nous fait mesurer l évolution de notre monde dans les cinquante dernières années, pour le meilleur et pour le pire.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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L'usage du monde, est une sorte de récit de voyage magnifique, écrit par Nicolas Bouvier, teinté de poésie. C'est l'histoire d'un jeune homme bourgeois parti de Suisse en juin 1953, à bord d'une vieille Fiat Topolino vers l'Est, vers la Yougoslavie, la Turquie, l'Iran, le Pakistan, avec son ami, peintre, Thierry Vernet, dont le récit est illustré de ses dessins merveilleux. C'est un voyage qu'il serait impensable de refaire aujourd'hui sur le même itinéraire et dans des conditions identiques.
L'usage du monde, voilà un ouvrage qui m'a donné envie en 1989 de partir, presque dans la même direction, l'Est, mais plutôt l'Inde et le Népal en ce qui me concerne. À défaut d'emprunter une vieille Fiat, je dois avouer que j'avais pris l'avion jusqu'à Delhi. Et ensuite des autocars, des trains et un sac à dos, en passant par le Penjab et le Cachemire puis Bénarès, jusqu'à Katmandou. Et pourtant, c'était bien ce récit, L'usage du monde, qui m'avait donné envie de prendre la tangente pour ne serait-ce que cinq semaines, eux étaient partis pour deux ans... Ce n'était pas pour moi un voyage touristique, c'était juste une manière de partir très loin, là-bas.
Dès le début de son récit, Nicolas Bouvier dit que son voyage se passe de motifs. Au départ, Je n'ai pas bien compris ce propos lorsque je suis parti. On part toujours pour quelque chose, ou à cause de quelqu'un. Mais aujourd'hui, je comprends peut-être mieux l'intention de cette pensée...
Je pense qu'il voulait rencontrer le monde. Ses mots magnifiques, empreints d'une très grande poésie, nous transportent, nous projettent jusqu'au bout du monde.
Ici, dans ce texte, j'ai perçu très rapidement une invitation à nous alléger. S'alléger de nos vies, de notre passé. Peut-être du futur aussi. En effet, le voyage allège. Pas tout de suite il est vrai. Il faut attendre quelques jours, le temps que le voyage fasse son travail de décantation avec les jours et les paysages d'avant...
C'est aussi une invitation à se rencontrer soi-même. Les voyages permettent d'aller à la rencontre de soi-même. Je pense que Nicolas Bouvier a pu se rencontrer, face à lui-même dans ce long voyage.
C'est aussi la rencontre de ce qui est différent de nous. Les voyages nous amènent à ce qui est différent de nos vies. Nicolas Bouvier donne ce ton, offre cette différence.
C'est un texte qui nous concerne. Qui nous interpelle. Il est très accessible. Je pense qu'il est toujours actuel, soixante ans plus tard. C'est une littérature placée dans l'âme des gens. Nous avons l'impression de traverser l'âme du monde mais aussi l'âme d'un écrivain, l'âme de son auteur, Nicolas Bouvier.
Dans ce texte, on y croise les musiques du monde et puis aussi les cuisines, les saveurs. La cuisine, les odeurs sont importantes lorsqu'on voyage, cela permet de faire le lien entre celui qui arrive et celui qui reçoit. Je me rappellerai toujours d'un plat fortement épicé chez des hôtes du Cachemire et leurs regards hilares lorsqu'ils ont vu mon visage se décomposer sous la force des épices. Je me souviens aussi d'un merveilleux thé offert avec un beurre rance de yack, lors de la cérémonie d'un enterrement de vie de garçon, dans une maison de Srinagar. Je me souviens d'avoir dansé avec le père du futur marié.
Dire les choses autrement, une musique entendue, un plat qu'on partage entre convives aux confins de l'Iran avec la neige tout autour, des gestes du quotidien, que l'auteur nous restitue dans leurs fragrances... Il y a des odeurs, des saveurs, des bruits... C'est une exploration des sens. C'est un texte sensoriel, sensuel. Il touche le monde par tous les sens.
Et puis il y a cet instant cocasse qui surprend l'écrivain et le peintre un jour dans leur voyage : des tortues qui se livrent dans leurs amours d'automne, dans le choc entremêlé de leurs carapaces... J'ai alors pensé que les animaux n'étaient pas tous sur le même pied d'égalité, s'agissant de leurs pérégrinations nuptiales...
L'écriture de Nicolas Bouvier nous parle aussi de la condition humaine, l'ineffable, l'impossible à dire. Ce qu'on ne peut pas dire sur le mystère de la condition humaine, alors on avance par petites touches, par impressions, de manière instantanée... Finalement, avance-t-on autrement dans nos vies singulières et parfois tourmentées ?
Le monde nous offre des choses extraordinaires, des moments fabuleux, nous sommes trop petits devant cela. Nous les vivons durant l'immanence de l'instant, mais nous ne savons pas les garder. C'est là que l'écrivain revient plus tard pour tenter de retrouver les mots justes, rattraper ces instants qu'on croyait éphémères.
Un voyage est aussi quelque chose de fragile. Il ne faut jamais l'oublier.
Sé dépouiller pour entendre la polyphonie du monde, être l'écho du monde. Nicolas Bouvier est généreux lorsqu'il nous restitue cette polyphonie du monde, au plus simple et au plus juste. Il traverse des mondes et nous en restitue avec grâce les sons, les murmures, les voix, les musiques...
Il rappelle d'une manière convaincante que les voyages et la lecture peuvent changer nos vies.
Comment restituer des années plus tard des impressions si vives sans passer par l'imaginaire. Il y a le travail de l'écrivain. Il y a le travail de l'ami, Thierry Vernet, peintre. Une perception du monde, picturale, qui va à l'essentiel. Ils vont tous les deux à l'essentiel. Ne jamais s'attacher à l'exotisme.
Ils ont connu des galères, leur voiture en panne, la prison aussi. Je me souviens d'un éboulement dans la montagne à cause de la mousson, sur le route entre le Penjab et le Cachemire, qui faillit à quelques secondes près emporter le bus dans lequel je voyageais vers le ravin en contrebas où les carlingues d'autres autocars gisaient. C'est en voyant une femme se prosterner à genoux et prier dans l'allée du car que j'ai compris le danger qui venait de nous effleurer. Je me souviens avoir été pris en otage avec un couple de bretons durant une journée entière par des sikhs intégristes à Agra, la merveilleuse ville du Taj Mahal, pour une banale histoire de pierres semi-précieuses qu'on refusait de leur acheter... Je me souviens de notre course éperdue dans les rues d'Agra pour fuir leur maison, récupérer nos affaires à l'hôtel, gagner la gare au plus vite et prendre le train pour Bénarès. Je n'ai jamais couru aussi vite depuis.
C'est l'aventure d'un voyage qui dépouille un peu plus.
Percevoir le monde en allant à l'essentiel. Être le plus proche des choses. Il écrit son voyage comme un peintre aussi.
Est-ce le voyage qui fait l'écrivain ? Lorsque la mémoire revient sur les lieux du voyage, longtemps après, il y a les mots qui s'impriment, habités sans doute par l'imaginaire, mais aussi d'une émotion retrouvée lorsqu'on ferme les yeux et qu'on revient quelques instants plus tard sur ses pas...
Epuiser le tremblement du monde. Montrer ce qui compose le monde et montrer aussi le silence, le rythme, les blancs, tout ce qu'on ne peut dire et qu'existe malgré tout.
Plus tard, au retour de mon voyage, il me restait des photos que je contemplais avec nostalgie. Mais que disait-elle ? L'essentiel était peut-être ce que je pouvais en dire, écrire aussi... Laisser une trace avec des mots.
Trouver les mots justes et en même temps laisser le silence avec ce qu'il a à dire.
Nicolas Bouvier a toujours une distance pleine de tendresse sur les pays visités.
Nicolas Bouvier est un passeur. Il a envie de transmettre ce ressenti du voyage. Tendre la main. Nous sommes prêts à la saisir sans hésiter. Passer vers l'autre rive...
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Présenté comme un classique de la littérature de voyage, ce livre est surtout un livre d'ouverture sur le monde et un livre de découverte de l'autre et de soi. Mais n'est-ce pas là en fait l'essence du voyage ?
Que celui qui cherche un guide touristique passe son chemin. Ce livre est le témoignage d'un voyage tel qu'il ne pourra plus être refait. C'est l'histoire d'un périple de plus d'un an (entre 1953 et 1954) entre la Serbie et les portes de l'Inde. Un parcours lent où les deux voyageurs, Nicolas Bouvier et son ami peintre Thierry Vernet, vivront de leurs talents (journalisme, exposition de peinture, musique) et avanceront au fil du vent en fonction de leur bonne (ou mauvaise) fortune. Avec une vieille épave qui leur sert de monture, un magnétophone pour enregistrer les chants serbes, tsiganes ou perses, une machine à écrire pour mettre en forme les souvenirs, et quelques pinceaux et toiles, les deux compères vont traverser la Serbie, la Macédoine, la Turquie, l'Iran, l'Azerbahidjan (ils feront escale tout un hiver a Tabriz), l'Afghanistan, pour enfin rejoindre Khyber Pass, aux portes du Pakistan, l'oeil tourné vers l'Inde. Rien qu'à l'énoncé de ces destinations on comprend ce que leur témoignage a d'exceptionnel. Ils sont passé dans ces contrées avant qu'elles ne soient re-déchirées par les guerres, à une époque où la lettre, même dans ces contrées reculées, était encore le plus sûr moyen de communiquer et où la langue française avait encore une certaine aura.
Un livre d'une écriture très stylée (peut-être même presque précieuse), qui n'invite pas totalement au voyage (les galères y sont foison … y compris un pittoresque séjour en prison faute de pouvoir se payer l'hotel), mais qui se lit avec beaucoup de plaisir et avec lenteur. Il lui manque une seule chose (du moins à mon édition): une carte de géographie !
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"L'usage du monde" est l'histoire de deux garçons : Nicolas Bouvier, écrivain et son ami Thierry Vernet, photographe. Parti de Genève, ils ont fait la route en petite Fiat Topolino destination l'Iran, l'Afghanistan. Des précurseurs dans les années cinquante. Un très beau récit. le monde change mais il existe toujours le fanatisme religieux qui est actuellement sources de débats. Un livre à (re)découvrir. A lire !!!
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En 1953, à la fin du mois de juillet, Nicolas Bouvier quitte Genève au volant de sa vieille Fiat Topolino. Il se dirige vers Belgrade où il doit rejoindre son ami Thierry Vernet. Les deux hommes prendront ensuite la route vers la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan… « Nous avions deux ans devant nous et de l'argent pour quatre mois. le programme était vague, mais dans de pareilles affaires, l'essentiel est de partir. » Ce départ n'a pas besoin d'être justifié ou d'avoir une destination précise, le voyage comme expérience se suffit à lui-même.

Il connaitront au cours de ce périple des instants de grâces et des moments de profond désespoir. Ils endureront les climats les plus extrêmes, le rude hiver d'une région montagneuse ou la chaleur écrasante d'un désert rocheux. Ils feront les rencontres les plus diverses, croisant des personnages extraordinaires ou providentiels. La violence existe dans ces contrées reculées et il est souvent nécessaire de suivre son instinct pour éviter autant que possible le danger. Autres périls : les maladies. Ils devront faire face à la malaria, à la jaunisse ou aux fièvres de diverses natures. Ils rencontrent aussi des problèmes d'argent, ils doivent trouver sur place de nouvelles ressources pour continuer à voyager, et des problèmes mécaniques. Dans les cotes abruptes, ce sont les deux amis qui poussent la Fiat et ils traverseront le désert d'Iran à faible allure, bloqués sur la deuxième vitesse.

Nicolas Bouvier ne rédige pas un compte-rendu exhaustif de son voyage. Son récit comprend de nombreuses ellipses et semble n'être composé que de bribes. Il parvient pourtant à reconstituer ces univers en relevant des sons, des musiques, des langages, en saisissant les couleurs dominantes et les nuances de luminosité. le récit est fait de portraits saisissants, d'anecdotes parfois drôles, souvent terribles et de quelques maximes pleines de sagesse.

Pour finir, je reprends les dernières lignes du texte « Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr.»

Au cours du voyage, le jugement et la compréhension s'effacent pour laisser la place à l'ouverture, la curiosité et l'intuition. C'est ce qu'il entend lorsqu'il écrit que « le voyage permet de sortir de soi, c'est une purge de l'âme. » Il s'agit d'être présent et ouvert au monde, sans préjugé.
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Avec" L'usage du monde" de Nicolas Bouvier, exit les panses flottants dans les piscines, exit les transats solitaires aux serviettes abandonnées, exit la nourriture qui se carapate des assiettes pleine de promesses d'indigestion.
Heureux Bouvier qui n'a pas connu les voyages de masse de notre époque.
Sorti en 1953 de sa Suisse natale, l'écrivain- voyageur est parti avec deux avantages précieux: du temps "deux ans devant nous" et un compagnon de voyage, le dessinateur Thierry Vernet. Dans ces conditions, voyager constitue une aventure merveilleuse où l'homme s'extirpe de son conformisme. Et quand arrive la vingtaine, les ailes vous poussent vers l'ailleurs.
Le périple commence en Serbie. le duo traverse la Yougoslavie, la Turquie, l'Iran, le Pakistan et l'Afghanistan à bord de leur Fiat Topolino qui s'essouffle très souvent, un vers du poète persan Hafiz sur la portière.
Des tziganes musiciens, des kurdes, des Lazaristes ou des Français désoeuvrés, des mollahs, ou des kilinars afghans vont traverser la vie des deux jeunes nomades avides de découvertes. Adieu l'embourgeoisement.
Il faut se délester des scories de notre monde occidental pour absorber odeurs, musiques, attitudes des diverses communautés qui sont le sel de l'Asie centrale.

Avec délectation, j'ai découvert un écrivain-voyageur à la plume poétique où le sens de l'observation s'aiguise au fur et à mesure du voyage, un "oeil qui écrit" dira François Laut

Moins philosophe que Tesson, moins téméraire que Horn, Bouvier m'a entrainée dans les fameuses tchaîkhanes où le thé vous attend. J'ai pesté contre la Fiat la rage aux dents dans les cols enneigés ou dans le sable liquide de la dune de Shurgar. Mon corps empestait dans les décombres de la décharge pakistanaise où le tapuscrit fut jeté par ignorance. Et les mouches, une torture!
La route de Bouvier est un monde de vicissitudes, d'inattendus. Mais aussi un monde de plénitude "Cette fois, le monde a changé d'échelle...".
Et d'introduire dans son récit l'histoire des contrées traversées.
J'ai partagé avec enthousiasme les tribulations et les sensations de l'auteur. Mais en 2022 existe-t-il encore des endroits où l'évasion et l'émerveillement soient possibles?
L'uniformisation guette notre planète certes mais je ne suis pas pessimiste.
Je sais pourtant une chose: les lectures comme les voyages transforment l'homme.
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Classique de la littérature de voyage, le récit de Nicolas Bouvier nous projette dans un monde aujourd'hui disparu, où peu d'occidentaux s'aventuraient. Parti de Genève à l'été 1953, accompagné de son ami Thierry Vernet, peintre et dessinateur, le jeune homme de 24 ans, traverse les Balkans, la Turquie, l'Iran et l'Afghanistan à bord d'une Fiat Topolino, dans des conditions parfois extrêmes. Ce voyage sur des routes le plus souvent rudimentaires est ponctué d'étapes plus ou moins longues pour permettre au duo de gagner leur vie grâce à leurs talents artistiques. Ainsi, ils passent l'hiver dans la ville de Tabriz, coupée du monde par la neige et le froid pendant 6 mois, et sont amenés à partager la vie rude d'un peuple pratiquant un islam modéré et accueillant. Après la traversée éprouvante du désert Baloutch, les deux voyageurs s'arrêtent à Quetta pour reprendre des forces. Leur voyage s'achève à Kaboul, centre du monde de par sa position géographique, au carrefour des grandes cultures de l'Inde, de l'Iran et de la Chine. le récit de Nicolas Bouvier est ponctué d'anecdotes, de rencontres multiples et savoureuses, agrémenté de références historiques et culturelles. Sa curiosité, son don de l'observation et son ouverture d'esprit nous ouvrent des espaces de beauté et de réflexion. La richesse de ses descriptions et la précision des mots utilisés nous restituent de façon vivante et imagée la vie quotidienne et l'environnement des personnes rencontrées ainsi que la grandeur sauvage des paysages traversés, nous invitant ainsi à partager toutes les émotions vécues par ce pèlerin des temps modernes.
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Ecrivain voyageur brut et décalé, mais aussi photographe et iconographe, à la fois esthéte et ascète, Nicolas Bouvier livre en 1963 ce récit illustré de voyage réalisé 10 ans plus tôt, à l'âge de 24 ans, en compagnie de Thierry Vernet, à travers l'ex-Yougoslavie, la Turquie, l'Iran, le Pakistan. Suisses bien-nés évadés d'une jeunesse bobo en pré-révolution culturelle, ces deux zigotos affrontent avec une philosophie remarquable de détachement et d'observation curieuse de la prochaine rencontre, les affres d'un voyage à la dure, à bord de leur minuscule Fiat Topolino. Tournant le dos au confort de son milieu, Nicolas Bouvier, aussi loin du tourisme de masse que du voyage exotique des écrivains du Siècle précédent, se frotte aux "vrais gens", aux logeuses, mendiants, saltimbanques, mécanos, militaires et entremetteurs de tous poils qui jalonnent son parcours rude et accidenté. D'embûches en attente, de hasard heureux en coups de blues, les deux compères parviennent à toucher du doigt cette liberté recherchée, paradoxalement au contact des plus pauvres luttant chaque jour pour leur survie, comme si l'état de nécessité et la lutte donnaient son véritable prix aux instants de plénitude durement gagnés. C'est ainsi qu'inspiré par les gitans du kosovo, les poètes de bazar iraniens et les routiers pakistanais, Nicolas Bouvier écrit de si belles pages, existentialistes et contemporaines, parfois lyriques et mystiques, et parfois crues et sauvages comme les sommets pakistanais clôturant l'ouvrage.
Ai-je aimé ? En hédoniste frileux et jaloux de son confort, que questionne cette recherche d'âpreté et de souffrance, pas tout, loin de là. Mais ce fut un joli mouvement de balancier après la lecture exotique et si "coloniale" de Pierre Loti. Et impossible de rester indifférent. Fausse route peut-être que cette aventure qui finit mal, mais une vaie leçon de voyage : "le bon voyageur n'a ni plans établis ni destination". Lao Tseu.
Et NIcolas Bouvier renchérit : « On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme et d'anecdotes comme un sapin de Noël, écrira-t-il, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. »
Lessivé, souvent malade, amaigri et hagard, comme un fumeur d'opium abstinent, confronté mais resté sur la brèche en équilibre précaire, il nous laisse à la fin de son récit un peu groggy, séchés par l'aride confrontation du voyage, mais aussi changés -et n'est ce pas là le but de ce type de lecture, comme du voyage...- dans notre vision du beau, de l'art et son rapport au vivant.
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Nicolas Bouvier, une invitation aux voyages. le lire me donne envie de récupérer ma vieille Renault 4 (à défaut de Fiat Topolino) et de partir sans but précis, juste à la rencontre des visages et des paysages. Car en plus de nous conter son expérience, Nicolas Bouvier nous ouvre au Monde, aux autres. Cette pérégrination de sa Suisse natale à Kaboul est une expérience indescriptible. Certes, c'est une toute autre époque de nos jours, et il me parait plus que difficile de refaire un tel parcours, sans avoir l'air d'un « touriste ». Pourtant, je me prends au jeu, je parcours le monde avec lui ; il n'est plus le seul à croiser des autochtones, moi aussi je bois des rakis avec quelques gueules cassées issues des fins fonds des terroirs locaux. Moi aussi je chemine à travers les Balkans, traverse la Turquie, franchit l'Iran, tutoie les sommets afghans et pakistanais… Il y a des livres qui vous transforment, qui vous font prendre conscience du monde qui vous entoure. Il y a des romans qui devraient se trouver sur une table de chevet et qui pourraient être lus maintes fois, sans s'en lasser, et toujours en découvrant une nouvelle facette de l'âme humaine. « L'usage du monde » de Nicolas Bouvier en fait partie. le seul souci, c'est qu'il me faudrait plus d'une table de chevet tant ce genre de romans me passionnent et semblent si merveilleux, entre poésie et philosophie. Nicolas Bouvier, c'est à la fois découvrir le Monde avec ses valeurs et le comprendre en toute humilité, surtout pour moi, petit occidental que je suis…
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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8000km dans les cahots d'une Fiat Topolino, de Belgrade à la Khyber Pass, en passant par la Macédoine, la Turquie, l'Iran, le Pakistan et l'Afghanistan : c'est le défi que relevèrent en 1954 Nicolas Bouvier et Thierry Vernet avant de restituer cette folle aventure dans L'usage du monde, merveilleuse épopée poétique et philosophique.
Certains voyageurs partent en Asie ou en Amérique du Sud, caméra autour du cou , au pas de course et dans les pas d'un guide avec la satisfaction béate de pouvoir raconter plus tard avoir « fait » la Thaïlande ou le Brésil ; et de résumer que finalement « on a bien mangé, mais rien ne vaut la cuisine de chez nous ! »… Foin de ce genre de touristes : lorsque Nicolas Bouvier et Thierry Vernet se mettent au volant de leur voiture à Belgrade, ils partent avec l'enthousiasme de jeunes gens : ils ont 24 ans et dix-huit mois devant eux, ils ne recherchent ni l'exotisme ni l'exploit, ils partent avec un accordéon, une guitare et un enregistreur, avec l'intention de gagner un peu d'argent pour subvenir à leurs besoins et surtout l'envie de découvrir, les paysages comme leurs habitants.
8000km au travers de routes non asphaltées, de déserts ou de lacets de montagne défoncés supposent une bonne connaissance de la mécanique bien sur mais aussi une bonne aptitude à lier connaissance, à rencontrer et à faire confiance aux habitants qu'ils devront inévitablement solliciter pour dépanner ou porter leur voiture perpétuellement en panne, et qu'ils vont d'ailleurs plus souvent pousser que conduire.
S'ensuivent dix-huit mois d'un voyage joyeux qui s'apparente parfois à l'errance, parfois à la survie, dans des régions montagneuses ou désertiques, voire mal famées.
Le récit de Nicolas Bouvier restitue avec une grande érudition et une précision d'orfèvre les contrées que traversent les deux compères et sa plume poétique et pleine d'humour témoigne de la tendresse qu'il éprouve pour tous les personnages improbables dont ils croisent la route.
Pour avoir arpenté quelques régions du globe un peu de la même façon, j'ai ressenti un peu de mélancolie à l'idée de ce voyage que plus personne ne fera. Alors bien sûr, lorsqu'on ferme ce livre, on n'a qu'une envie, faire son baluchon et sauter dans une Fiat… mais entre temps, certaines parties du monde se sont disloquées et recomposées, l'Iran n'est plus le même et l'Afghanistan… encore moins !

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L'usage du monde - Nicolas Bouvier

En juin 1953 débute l’aventure. Nicolas et Thierry partent-ils à pied, en voiture ou à dos d’âne ?

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