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EAN : 9782913904170
140 pages
La Chambre d’échos (13/02/2003)
3.88/5   4 notes
Résumé :

À Bobo Dioulasso - Burkina Faso -, une femme regarde croître le tas d'ordures devant sa porte, une autre balaie sans fin la poussière des rues... Ces vieilles dames africaines sont des métisses, des orphelines essaimées par la colonisation. Au fil des récits, un incident mineur, une rencontre, ravivent chez elles la douleur sourde avec laquelle elles ont toujours vécu : la négation de leur identité. En éch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Afrique, terre originelle, toi qui a vu naître l'humanité, qu'ont-ils fait de toi ? Que continuons nous à faire de toi ? Un jour, ils sont venus et ils ont pris les « hommes », les « femmes », ils en on fait de la marchandise, ils les ont vendus, ils les ont achetés, ils les ont humiliés, asservis, battus, ils les ont nié.
Afrique, non contents de t'avoir enlevé tes enfants, ils sont revenus plus tard après s'être réunis entre gens de bonne compagnie, entre gens civilisés, entre blancs, du coté de Berlin entre fin 1884 et février 1885 et ils se sont appropriés tes terres. Ah le bon temps des colonies comme le chantait celui que je n'ai pas envie de nommer…
Un continent Afrique à la merci d'incontinents à fric…
Métisse façon, de Sarah Bouyain, met le doigt sur un « dommage collatéral » de la colonisation, le métissage. de probablement quelques histoires d'amour et plus certainement d'un grand nombre de viols, d'abus de « pouvoir » et autres ignominies du genre, sont nés des enfants. Père blanc, colon, respectable et mère indigène, au mieux esclave, servant au repos du guerrier blanc ayant un trop plein de testostérone à déverser.
Le destin de ces enfants ? L'orphelinat pour la plupart. Enlevés aux mères et recensés sur les registres avec la mention « père inconnu ».
Métisse façon ce sont quelques destins qui se croisent, qui se lient et se délitent à travers six nouvelles. Etre métisse c'est être une erreur chez le blanc. Etre métisse chez les gens de rien comme sont considérés les Africains par les colons, c'est pire que tout, c'est être blanc. Rejetés de tous les cotés, la décolonisation n'a pas fait évoluer l'esprit des anciennes générations.

Sarah Bouyain s'inspire de souvenirs de sa grand-mère, métisse coloniale, pour nous tracer des portraits de femmes du Burkina Faso à la Cote d'Ivoire, de Paris à Bobo Dioulasso, de femmes attachantes et attachées à retrouver leurs racines. L'écriture haute en couleurs allie la douceur pour dire la bêtise humaine et la force qu'il faut pour trouver son identité.
Pas de haine dans les mots de l'auteure, métisse elle-même, juste beaucoup de tendresse pour ces femmes qui ont su contre vents et marées trouver une place que tout le monde leur refusait.
Métisse façon, une photo en noir et blanc, un joli mélange comme tous les mélanges.

Merci à Babélio et aux éditions La Chambre d'échos pour cette découverte à l'occasion de l'opération « Masse critique ».
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Je remercie Babelio et La Chambre d'Échos pour l'envoi de ce livre de Sarah Bouyain dans le cadre de la dernière grande opération « Masse critique ».
Métisse façon est un recueil de nouvelles sur le métissage colonial.

Le dictionnaire nous dit seulement du métissage qu'il s'agit d'un mélange de races, un croisement entre sujets de la même espèce. Au sens figuré, c'est une forme d'acculturation, d'assimilation de tout ou partie des valeurs d'un autre groupe humain, d'adaptation par contact à une culture étrangère. Métisser, c'est unir… Seulement, voilà : dans la réalité que nous décrit Sarah Bouyain, une réalité qu'elle connaît bien, puisque qu'elle est née d'un père burkinabé et d'une mère française, le métis et plus exactement ici la femme ou la fille métisse, est toujours à moitié blanche ou à moitié noire, jamais totalement à sa place, toujours entre deux cultures…

L'auteure nous donne à lire des portraits de femmes et de jeunes filles qui se suivent et s'entrecroisent du Burkina Faso à la France ; chacune dit, à sa manière, son mal de vivre…
L'âge des héroïnes va tantôt décroissant, tantôt à rebours, comme si le but ultime était de transmettre une mémoire. J'ai été frappée par la tonalité pessimiste de chaque histoire, de chaque souffrance pourrais-je même dire.
Les métisses d'Afrique sont trop africaines pour espérer une quelconque reconnaissance de leurs pères ; le métissage est passée par des femmes prises de gré ou de force par des blancs… Les métisses des autres pays ne seront jamais africaines quels que soient leurs efforts d'acculturation…

Les nouvelles sont déconcertantes… Elles m'ont plongée dans des vécus et des imaginaires qui m'ont bouleversée.
Une femme âgée, Absatou, demeure toute la journée assise sur sa terrasse tandis que les gens du quartier viennent déposer des ordures devant le portail de sa maison. Lui en veut-on d'être partie de Bobo Dioulasso ou bien d'y être revenue ? Sa seule amie vient-elle lui rendre visite pour de bonnes ou de mauvaises raisons ? En fait, on ne lui pardonne pas sa peau plus claire…
Jeanne est une vieille métisse qui vit dans le désordre et le fouillis. Elle accueille pourtant la très jeune Bintou qui « a piqué la grossesse avec un touriste » blanc… Les souvenirs remontent à sa mémoire, sa vie à l'orphelinat quand sa propre mère, « une femme peule réquisitionnée pour la détente du lieutenant-colonel » était morte…
Le troisième récit est une quête des origines, une suite de rencontres inabouties… Une jeune femme française, Rachel, née de la brève rencontre de sa mère avec un étudiant africain, part à la recherche de ce père dont elle ne sait que le nom et la ville d'origine. Nous la retrouvons dans le même quartier de Bobo Dioulasso, où elle s'applique à devenir « la fille africaine minute » pour s'approprier une culture qu'elle ne connaît qu'au travers des récits coloniaux de son grand-père. C'est sa façon d'être « métisse façon » qui donne son titre au recueil, ses efforts pour se coiffer et se vêtir à l'africaine, pour adopter un accent… Elle est hébergée chez Esther, une métisse aussi, dont le père était l'ancien commandant du cercle (tiens donc ! Drôle de hasard…).
Bintou a confié sa fille à Jeanne et a quitté l'Afrique ; au fil d'une longue errance, elle est devenue auxiliaire de vie à Grignicourt, en France. Elle va servir de lien entre la vieille dame mourante chez qui elle travaille et sa petite-fille dont, sans le savoir elle va changer la vie…
L'avant- dernière histoire finit de faire le lien. Cassandra, une fillette métisse, petite fille de l'un des premiers couples mixtes de la Côte d'Ivoire joue beaucoup avec les enfants de l'orphelinat où enseignait sa grand-mère, cet établissement où finissait les enfants de pères blancs inconnus, de pères fantasmés… Elle assiste à une réunions d'anciennes orphelines métisses au rythme d'une comptine qu'elle chante dans sa tête.
La dernière nouvelle, très caricaturale, est celle qui m'a le plus dérangée. Salimata, arrivée depuis peu en France tente de se rendre invisible quand sa mère l'envoie faire les courses. Elle est fascinée par un groupe de trois femmes africaines particulièrement arrogantes et voyantes…

Ce recueil de 140 pages mérite une lecture approfondie car il dit une profonde souffrance qui se répercute en écho de portraits en portraits. Ces personnages féminins sont émouvants, choquants, toujours en porte à faux… Les relents colonialistes sont toujours vivaces même si je replace ce livre dans le contexte de son époque : il a été publié en 2002.
Il est encore long le chemin du métissage à l'altérité…

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Lire des nouvelles c'est comme admirer des oiseaux.
On les observe, goulûment, avec délectation, ils sont splendides jusqu'à ce qu'ils s'envolent et alors ils disparaissent, nous laissant seul, à devoir porter le poids parfois lourd de leur absence.

Dans Métisse façon, Sarah Bouyain écrit sur l'absence.
Absence de pères, de pairs et de repères.
Absence de retenue.
Absence d'identité, de connaissance et de reconnaissance.
Ses nouvelles parlent de métisses (presque toujours des femmes), parfois au centre de l'histoire, parfois en périphérie, parfois en France, parfois au Burkina Faso, mais Parisienne ou Burkinabé, une métisse est une femme qui ne peut s'identifier à aucune autre.

Même si le livre m'a souvent fait rire de bon coeur, et cela dès les premières pages, Sarah Bouyain m'a aussi beaucoup ému.
On sent dans ses lignes que le métissage est plus qu'une singularité dans la vie de ces femmes, c'est une sorte d'énigme à résoudre.
La perte de quelque chose que l'on aimerait retrouver.
Pas un handicap mais une quête.
Il faut dire qu'on ne parle pas ici du métissage résultant de l'amour d'un couple mixte qui ose exister en dépit des préjugés et des jalousies.
On parle du métissage résultant du colonialisme, beaucoup moins glamour, beaucoup plus problématique.

J'ai beaucoup aimé Métisse façon.
J'ai aimé chacune de ces six nouvelles, chacune de ces femmes.
Doit-on préciser que je suis blanc, que ma femme est noire, que je suis le père aimant d'une enfant métisse ?
Non, cela n'a aucun importance.

Mais c'est marrant que le hasard m'ai choisi parmi tant d'autres candidats de Masse Critique pour lire ce livre que j'avais sélectionné parmi tant d'autres.
Merci à La Chambre d'échos pour cette belle découverte.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Et même une fois, elle a assisté à un spectacle inoubliable : un bambin de deux ans a escaladé le tas d'ordure juste pour chier sur son sommet. Absatou se souvient des moindres détails : le garçonnet a baissé sa culotte bouffante pour dévoiler deux petites fesses noires, puis il s'est accroupi et présentant son derrière écarté a commencé à chier. Un caca d'enfant nourri de lait et de bouillie, un caca mou, jaune et vert, couleur d'émeraude. L'enfant soudain s'est retourné et l'apercevant, lui a souri, lui a même adressé un signe de la main. Un gentil signe, Absatou y a répondu avec empressement, tremblante et heureuse, parce que ce spectacle avait fait monter en elle une sorte d'optimisme obscur.
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