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EAN : 9782358870788
240 pages
La manufacture de livres (09/10/2014)
3.9/5   1593 notes
Résumé :
Les Doges, un lieu-dit au fin fond des Cévennes. C’est là qu’habite Gus, un paysan entre deux âges solitaire et taiseux. Ses journées : les champs, les vaches, le bois, les réparations. Des travaux ardus, rythmés par les conditions météorologiques. La compagnie de son chien, Mars, comme seul réconfort. C’est aussi le quotidien d’Abel, voisin dont la ferme est éloignée de quelques mètres, devenu ami un peu par défaut, pour les bras et pour les verres.
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Critiques, Analyses et Avis (440) Voir plus Ajouter une critique
3,9

sur 1593 notes
Quel livre mes amis, quel livre ! Un livre sombre, poignant, envoutant, servi par une écriture poétique d'une simplicité brute et vertigineuse, qui vous laisse le souffle court, comme si vous vous teniez au bord d'un précipice surplombant un panorama grandiose. Ha! Je suis complètement sous le charme.

Roman rural, roman noir, roman d'ambiance, ce livre vient incontestablement de rentrer dans le top 10 - peut être même top 5 - des plus beaux livres que j'ai lus cette année. Une fois n'est pas coutume, je ne mettrai en avant que le positif. Je vous l'ai dit, je suis sous le charme !

"Gus vivait ici, depuis plus de cinquante hivers. C'était en décembre que ce pays l'avait pris et que sa mère l'avait craché sur des draps durs et épais comme des planches de châtaignier "

"Ici", c'est un lieu-dit isolé constitué de 2 fermes enclavées dans les grands espaces austères et somptueux des Hautes Cévennes, non loin de Pont-de-Montvert. "Ici" l'hiver a enroulé son blanc et froid manteau autour d'une nature majestueuse et intransigeante, posée sur de la roche. "Ici", c'est l'homme qui s'adapte à la nature et non l'inverse. "Ici" c'est le labeur, le soin des bêtes, les travaux de la ferme et le temps qui rythment la vie. "Ici", le superflu n'a pas sa place et on se contente de ce qu'on a.

"Il faut croire que, tant qu'on n'a pas goûté à mieux que ce qu'on a sous la main, on se trouve des raisons d'apprécier sa pitance, peut-être même de ne pas du tout en chercher d'autre."

Personnellement, je ne connais pas du tout les Cévennes. Mais depuis la lecture de ce livre, je suis gagnée par une furieuse envie d'aller y trainer mes guêtres. Mais je m'égare... Revenons à l'histoire. le temps semble s'être figé sur cette partie du monde. Tant au niveau de la technologie, assez ancestrale, qu'au niveau du rythme, très lent, comme assourdi. L'auteur prend le temps de poser son histoire. Il nous plonge avec moult détails dans le quotidien de Gus et de son chien Mars. Certaines scènes sont décrites avec tant de détails anodins qu'elles se vivent quasiment en temps réel, créant une sorte d'inertie et renforçant cette impression d'immobilisme. Pourtant, des éléments inhabituels vont perturber la routine de Gus, l'obliger à se questionner, et faire ressurgir petit à petit un passé amer, à l'odeur soufrée de secrets enterrés.

"Gus pensait que c'était décidément une drôle de journée, avec tous ces souvenirs qui s'amenaient, comme des vols de corneilles sorties du brouillard. Des souvenirs dont on ne sait jamais où ils mènent, ni même si ça fait du bien de les avoir, mais qui ressurgissent et s'imposent, sans crier gare"

Gus entretient avec son voisin Abel (la deuxième ferme donc) des relations amicales frontales et sans fioritures. Des relations nécessaires, basées sur l'entraide où ils mêlent parfois leur solitude autour d'un coup de pinard. Les 2 hommes sont des solitaires, frustres, 2 taiseux, presqu'asociaux. Chargés d'un passé lourd. Des caractères forts qui font corps avec la nature, et dont la carapace rugueuse suinte pourtant de beaucoup d'humanité. Les dialogues sont peu nombreux mais percutants, en quelque sorte adaptés à la rudesse de la vie. Il y a dans leurs rapports comme un cycle immuable qui converge vers un épicentre. Les événements inhabituels auxquels Gus est confronté vont tendre leurs rapports. Il ne se passe à priori rien, mais une atmosphère d'éclipse solaire s'installe insidieusement : pesante, sourde, inquiétante, gravée dans la solitude et le silence, un climat de défiance et terre remuée. Car ce livre est aussi et surtout un livre d'ambiance.

"Désormais le soleil crachait ses rayons sur les arbres déplumés, qui ressemblaient à des arêtes de gros poissons sans chair dans un charnier à marée basse."

On dit qu'il y a des écritures plus musicales et d'autres plus picturales. Celle-ci se déploie comme un tableau avec de puissants effets de ténébrisme et des lignes brisées expressionnistes. C'est d'un noir lumineux. Certes, dur et âpre, mais intense. C'est mon ressenti en tout cas. Et un grand moment de lecture.
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« le diable, il habite pas les enfers, c'est au paradis qu'il habite. »
Une phrase lourde de sens, lancée à la cantonade par le vieil Abel et qui a fortement impressionné le pauvre Gus. Une phrase prémonitoire, annonciatrice du drame futur qui pulvérisera les deux hommes.
Gus et Abel ! Deux paysans viscéralement attachés à leur terre dans ce coin paumé des Cévennes, au lieu-dit appelé Les Doges. Une terre pourtant ingrate, à peine arable. Deux paysans de ces temps révolus que j'ai vaguement côtoyé quand, tout gosse, je passais mes vacances à la campagne chez ma grand-mère. Deux reliques du passé. Deux lignées qui bientôt s'éteindront pour venir grossir le ciel. Deux brutes. Deux taiseux.
Leurs fermes sont mitoyennes : ils ont choisi de s'entraider, de mélanger leur solitude. Ils enfilent leurs journées les unes à la suite des autres, « comme des perles à un collier, la précédente ressemblant à la suivante. » de temps à autre, ils boivent ensemble un bon coup de rouge, aussi âpre, rustique et rugueux qu'eux, mais qui malgré tout parvient à délicieusement engourdir.
La vie a toujours été ingrate avec Gus. C'est « Un poisson qui nage à contre-courant depuis sa naissance ». Ses parents, allez savoir pourquoi, le haïssaient ! Quand il était môme, Gus faisait partie des faibles. Les autres en profitaient pour lui enfoncer la tête. Nabochodinosaure était son surnom. Il n'y avait guère que sa Mémé qui avait de l'affection pour lui. Mais quand elle est partie…
Gus n'a pour lui que ces quelques arpents de terre auxquels il tient comme à la prunelle de ses yeux. Sa vie, il la passe avec Mars, son chien, son fidèle compagnon. Et puis, il y a le vieil Abel ! Mais peut-on se faire un ami de cet homme tout environné d'ombres et de mystères ?
Ce drame que sentait Gus flotter dans les airs eut lieu le jour de la mort de l'Abbé Pierre. C'était l'hiver et un froid rude venait de s'abattre sur les Doges. Face à cette tragédie, Gus et Abel eurent bien quelques velléités de révolte, mais la volonté des hommes ne pèse pas lourd devant leur destin en marche, et c'est bravement que tous deux se sont enfoncés dans la nuit.
Le silence lourd et angoissant des champs, la monotonie du quotidien, les gestes infiniment répétés, la télé qui grésille… Et les mauvais souvenirs qui surgissent au crépuscule sans prendre garde comme « des vols de corneilles sorties du brouillard ». Les femmes enfuies à jamais, mais qui demeurent omniprésentes dans la tête des reclus. le museau humide du chien qui se pose avec affection sur la cuisse de son maître, et le palais de l'homme qui claque après avoir avalé un bon coup de rouge…
Un livre inspiré, d'une noirceur sidérale qui parle avec tendresse de Gus et d'Abel, deux hommes rudes, tordus par la terre… Deux survivants du passé qui vont rejoindre ces fantômes qui rôdaient tout autour d'eux.


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Deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres dans ce coin paumé des Cévennes. Au lieu-dit appelé Les Doges. Autour, des grands espaces, des montagnes, des forêts et des prairies. Recouverts de neige une bonne partie de l'année. C'est ici que vivent Gus et son chien, Mars, et Abel. Deux paysans isolés des hommes. Qui s'occupent de la terre et élèvent quelques vaches et veaux. Ils ne demandent rien à personne, vivent et se contentent de peu. Ils se rendent de menus services, à l'occasion, mélangent leurs solitudes en buvant un coup, chez l'un ou chez l'autre. Mais se connaissent très peu finalement, bien qu'ils soient voisins depuis toujours. En ce jour du décès de l'abbé Pierre, la vie de chacun va brutalement être chamboulée...

Franck Bouysse nous plonge au coeur de ces espaces sans fin. Dans les Cévennes, loin de tout, l'on fait ainsi la connaissance de Gus et son chien Mars, et Abel. Deux taiseux qui ne parlent pas pour ne rien dire. Deux âmes solitaires, un lourd passé et des secrets familiaux qui semblent peser. L'auteur dévoile peu à peu la vie de Gus, un homme confronté à la rudesse de la vie, une vie rythmée par le temps et les bêtes. Il prend son temps et s'attarde sur de menus détails de la vie quotidienne et décrit avec précision la nature environnante, les silences et la solitude. L'écriture, élégante, d'une incroyable justesse et précision, sert à merveille ce récit aux personnages forts et complexes. Les dialogues, si rares, sont savoureux et percutants. Ce roman, inquiétant, sauvage, âpre et profondément sombre, est un véritable hymne à la nature, froide et minérale, et aux hommes.
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Gus, la cinquantaine, a passé sa vie à trimer pour maintenir seul l'activité de sa ferme, isolée aux marges d'un village perdu des Cévennes. Grand solitaire, il ne fréquente guère que son voisin Abel, septuagénaire, lui aussi seul à la tête de son exploitation agricole, avec qui il échange coups de mains et coups de rouge. L'immuable quotidien des deux hommes va soudain connaître d'indésirables et inquiétantes perturbations, au fil d'événements et de visites qui vont bientôt tout faire basculer.


Franck Bouysse est une valeur sûre, dont je ne me lasse décidément pas. Sa marque de fabrique, c'est d'abord une histoire noire et terrible, aux personnages farouches et taiseux, cabossés par la vie et les épreuves, vivant dans un décor de nature aussi âpre que somptueux. C'est aussi le plaisir de la langue et du juste choix des mots, au fil de dialogues saisissants de vérité et d'images admirablement restituées.


Grossir le ciel réunit tous ces ingrédients pour nous surprendre une nouvelle fois : tout de suite intrigant et installant une tension qui ne fera que croître dans un enchaînement que rien ne laissait présager, ce récit au réalisme époustouflant nous entraîne aux côtés de personnages campés avec une grande finesse d'observation et d'analyse psychologique, dans un huis-clos rural angoissant où méfiance et soupçons s'exacerbent jusqu'à l'implosion.


L'écriture est quand à elle impressionnante de maîtrise, sobre, juste, magnifique. Alors, quand la puissance du style rejoint celle de l'histoire et de ses personnages, cela ne peut résulter qu'en un moment fort et incontournable, un immense coup de coeur.
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Au commencement , il y a eu les formidables critiques unanimes de mes amis Babélio, puis il y a eu cette couverture âpre et boueuse , digne d'un tableau de Morandi, et je ne regrette rien ...
Un roman noir rural et lancinant ,formidablement bien écrit ...
Gus, la cinquantaine taiseuse vit dans une ferme au fin fond des Cevennes , son plus proche voisin , le vieux Abel, est tout aussi solitaire . de menus travaux en soins pour les bêtes , ils partagent des fois leur quotidien s'aidant mutuellement et buvant un coup aussi parfois pour tenir, dans ce morne futur . La vie aurait pu s'écouler tranquillement s'il n'y avait eu tout un tas de signes bizarres : des coups de feu, des visiteurs, le comportement d'Abel , un chien terrorisé ...
Oui, jusqu'au jour où tout bascule , et là il est capital de rappeler que tout a commencé avec la mort de l'Abbé Pierre annoncée au JT du soir ...

Franck Bouysse réussit a créer une ambiance ultra forte , un roman noir et rural au suspens poétique et silencieux . Il y a un petit quelque chose de Pagnol , aussi dans ces lignes ...
Des amis qui ont bon goût , un auteur à suivre et "Grossir" ta PAL ....
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critiques presse (1)
Actualitte
25 avril 2018
Grossir le ciel, de Franck Bouysse, prend lieu dans un terroir aussi truculent qu'autarcique, où l'irruption du grain de sable vient bouleverser les vies immuables.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (232) Voir plus Ajouter une citation
Pour avoir réfléchi à la question plus d'une fois, ça n'intéressait pas Gus de vieillir autant, à se demander ce qui pouvait bien rester lorsque les jambes ne vous tenaient plus, que les yeux ne voyaient plus clair, et quand on était pris par la rouille, sans espoir de changer les choses. Il y pensait souvent, à la vieillesse, la vraie, celle qui privait doucement les gestes qu'on faisait facilement, puis qu'on ne pouvait plus faire, tout ce qui se passait avant de rejoindre le cimetière. Une des rares choses qui faisait vraiment peur à Gus.
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Il se fit réchauffer du café dans une casserole, patientant devant le fourneau pour ne pas qu'il bouille. La mémé disait toujours qu'un café bouillu, c'était un café foutu, le genre de leçon qui ne s'oublie pas. Gus pensait que c'était décidément une drôle de journée, avec tous ces souvenirs qui s'amenaient, comme des vols de corneilles sorties du brouillard. Des souvenirs dont on ne sait jamais où ils mènent, ni même si ça fait du bien de les avoir, mais qui ressurgissent et s'imposent, sans crier gare.
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Gus remonta le col de son veston et se mit en route en traversant au plus court par la terre des Cardon. Les oies le suivirent un moment, tendant le cou comme pour gober la neige qui tombait encore, et puis s'en retournèrent à l'abri en se dandinant, avec leurs gros derrières qui touchaient presque par terre.
Il longea la pêcherie des rossignols sur une vingtaine de mètres. Il y avait eu des rossignols, dans le temps, à ce qu'il paraissait. Il devait y avoir sacrément longtemps parce qu'il n'en avait jamais entendu chanter. Les seuls oiseaux qui piaffaient en pagaille dans les bouquets de bambous, c'était des étourneaux et aussi quelques merles aux allures de petits tétras amoureux.
L'eau était gelée à la surface de la pêcherie. Gus remarqua des traces de pattes de poule d'eau sur la glace recouverte de neige. La marche et le froid l'avaient maintenant totalement réveillé.
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On te dira qu'il faut prendre la vie comme elle vient... conneries... la vie, c'est elle qui te prend, sans te laisser le choix, et par les couilles, encore. Le temps qui passe fait que la mémoire s'use un peu, mais le problème, c'est qu'elle s'use pas sur les mauvaises choses qu'on a vécues, elle s'attarde plutôt sur les bonnes, plus tendres.
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Mis à part les désagréments qu’elle pouvait occasionner, il ne détestait pas la neige : elle cachait la saleté et le désordre pendant un temps et il devait avouer que c’était reposant de faire l’économie momentanée du cimetière qui s’étendait autour des bâtiments, là où des cadavres de machines dépecées rappelaient sans cesse des époques révolues, comme des strates disparates dans la coupe d’une carrière abandonnée. Pour l’heure, les surfaces étaient immaculées, planes, creuses ou bosselées, corps albinos de la nature, dont le soleil impitoyable aurait un jour raison.
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Videos de Franck Bouysse (92) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Franck Bouysse
Franck Bouysse est de retour! Dans ce deuxième tome de la série La Marche du Rêveur, Franck Bouysse, en maître du suspense et des grands espaces, nous offre le magnifique récit d'une liberté.
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