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EAN : 9782818040331
208 pages
P.O.L. (18/08/2016)
3.41/5   11 notes
Résumé :
J'ai passé ma vie à la recherche d'une porte qui s'ouvrirait de nouveau sur des yeux noirs. Je ne le savais pas. Je l'ai appris en écrivant ce livre. Chacune de nos vies invente son secret.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'étais curieuse de mieux connaître celui qui va tenir désormais les rênes de la maison P.O.L., après le décès de Paul Otchakowsky – Laurens, créateur des éditions P.O.L. à ses initiales.
Au départ il y a « Yeux noirs », la toute première, à 6 ans. Celle qui marquera le narrateur à jamais. « Toujours, ça ne s'arrêtera jamais. Non, mais il n'existe pas de toujours sans cicatrices. Microcoupures qui font la mémoire comme l'éternité. «
A-t-il rêvé ou bien ces quelques coups légers, frappés à la porte grise, la porte du dortoir de la sieste des petits, ont-ils bien existé, laissant passer cette ravissante femme brune qui s'occupe des enfants dans cette école religieuse, et qui va laisser des petites mains caresser ses cuisses, aussi haut que possible ? Quelques minutes volées à la banalité d'une journée d'enfant, un secret partagé avec celle qui a des yeux noirs magnifiques. Et qui cesse brutalement, sans raison. A-t-il rêvé, cet enfant-là ? Aucune trace, aucune preuve, aucune photo, rien qu'un souvenir marqué au vif dans sa mémoire d'enfant.
Commencera alors une longue période de solitude, avec pour seule certitude la promesse faite par l'enfant de ne rien dire. Mais que faut-il taire au juste ? L'enfant de 6 ans n'a pas les mots pour le dire.
Alors, pour se consoler, il invente LAC.
En imaginant retrouver un jour » Yeux noirs » et l'épouser, l'enfant se dit que pour le moment il a besoin de quelqu'un qui lui parle à son oreille. Ce sera LAC. « L'enfance est un crapaud dans le jardin » dit le poète William Carlos Williams. Et c'est juste.
La petite enfance avec son souvenir brûlant morte, le narrateur est seul, très seul. LAC apaise la souffrance de la disparition de « Yeux noirs, ce premier véritable chagrin d'amour.
S'en suivent une galerie de portraits féminins.
La mère, bien sûr, celle avec qui il vit « dans cette absence ou cette attente d'une entrée en scène joyeuse indéfiniment retardée », sa Tante Jeannette, la soeur ainée de sa mère, et son saint Christophe en voiture, et avec sa voix si particulière, gémissante, haut perchée et traînante. Et puis Marie-Thérèse, l'autre soeur, sorte de Mary Poppins avec les enfants.
Des portraits de femmes, comme autant de jalons dans une vie mouvementée.
Il y a Viviane, sa professeure de français, qui lui permet de vivre sa première expérience sexuelle. « Ne t'en fais pas » lui dit-elle. Il y aussi Lady Sniper, la reine culbuteuse d'Ibiza, qui lui dévoile d'autres ressorts de relations à plusieurs.

Et puis il y a Diane, hôtesse de bord de croisière. Dans une suite de successions de scènes scabreuses qu'elle impose au narrateur – en résonnance avec le souvenir d'une soumission enfantine ? – ou bien en en faisant un apprenti mystique dévolu à cette Diane qui n'a rien d'une sainte, mais plutôt d'une masochiste perverse. Diane avec qui l'idylle se terminera brutalement, quand, descendue à terre, et souhaitant enfin une relation plus simple avec le narrateur, le charme sera définitivement rompu.
Il faudrait toutes les citer : l'étonnante Mademoiselle Goethe, une vieille dame indigne qui prend des bains de soleil nue sous les yeux de l'enfant. Viviane qui va réapparaître bien des années plus tard lors d'une lecture à Toulouse, mais que l'auteur ne cherchera pas à revoir. Ou encore la cousine Brigitte qui n'a plus rien des jeux espiègles adolescents quand il la revoit. Ou bien Jay, la petite violoniste anglaise qui voulait maîtriser la langue française et dont le narrateur tombe amoureux – il échappera par miracle à l'accident qui emporte la belle Jay.
Et enfin Yvonna. Dans une grande ville industrielle chinoise, celle qui a deux grands yeux noirs – en amande – et qui consolera un peu notre narrateur de la perte initiale. « Je suis celle que tu aurais pu aimer » trouve-t-on dans la bouche d'Ysé sous la plume de Claudel. Ces mots résonnent avec la rencontre avec Yvonna.
Avec brio Frédéric Boyer brasse ici tous les thèmes : l'enfance, la mémoire, la sexualité, le temps, le présent – un ogre qui dévore ses enfants – n'hésitant pas à invoquer St Paul et St Augustin lorsque c'est opportun. Et jusqu'aux astres qui pourraient eux aussi donner un semblant d'explication avec la découverte du fait que l'univers est en expansion.
« L'unique chair de notre mémoire, ce sont les mots. »
Dans un style soigné, avec parfois ces lettres capitales comme pour mieux surligner certains passages, Frédéric Boyer déroule le fil de son histoire jalonné de portraits féminins. Où va notre enfance une fois disparue ? Où se logent nos souvenirs ? Où est parti LAC ? Cette histoire a-t-elle seulement existé ?
« Oh ces Yeux Noirs au fond du LAC qui me contemplent. Quelque chose avait eu lieu ».
Et il parle d'amour bien sûr aussi. « Souvent l'amour nous conduit à accepter de l'autre ce que lui-même aurait préféré ne pas nous imposer » prophétise-t-il. Une connaissance acquise au gré de ces expériences féminines ?
Et on se surprend à imaginer de vivre une complicité magique avec l'auteur. Être un peu ce « lecteur absolu » dont parle Amélie Nothomb à propos de l'un de ses lecteurs qui comprend tout de son oeuvre, et pouvoir restituer la magie de ce récit initiatique.

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Éclairer le trou noir d'un souvenir d'enfance. Une méditation éblouissante sur l'enfance et le passage du temps.

Un souvenir d'enfance se trouve à la source de ce récit paru le 18 août 2016 aux éditions P.O.L., après «Quelle terreur en nous ne veut pas finir ?» (2015), un souvenir que le narrateur ressuscite et confesse, pour le laisser reposer en paix ou s'enfuir. Il y a très longtemps, tandis qu'il n'était qu'un petit garçon, il a côtoyé une jeune femme aux yeux noirs magnifiques, une relation sans mots fondatrice et troublante, brutalement interrompue, de manière inexplicable pour l'enfant. Pour s'échapper de lui-même, supporter l'incompréhension, la peine et le bannissement, l'enfant s'était alors créé un autre moi, un petit frère invisible baptisé Lac.

La suite sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2016/08/19/note-de-lecture-yeux-noirs-frederic-boyer/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Le désir d'un enfant, le trouble d'un adulte.
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critiques presse (1)
LeDevoir
05 décembre 2016
Récit, essai, roman ? Yeux noirs est tout cela.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Ce n'est jamais le temps qui est perdu mais elle, l'enfance. Tout se perd, tout s'oublie de l'enfance, et les projets qu'elle a faits pour nous, et les mots qu'elle disait qui nous accompagnaient devenus de minuscules images indéchiffrables. Des hiéroglyphes dans un temple en ruine. Nous sommes tous dans le temps des petits explorateurs déçus qui répétons en boucle : quand je serai grand, quand je serai grand. Mais la plus grande solitude c'est elle, l'enfance. Elle est ce temps qui ne se livre qu'à celui qui s'y est senti seul. Elle est, notre vie durant, s'enfonçant dans l'obscurité de l'âge, cet avenir inlassablement derrière nous. L'enfance est toujours une découverte. Comme si après l'avoir bel et bien vécue, nous n'y croyions pas. Toujours pas. On la rêve toute sa vie durant plus qu'on ne l'a vécue. Et elle surprend quand on la redécouvre. Une fois l'âge adulte largement dépassé. Une fois poussée la porte de la maison du souvenir qui ne s'ouvre à nous qu'à partir du moment où le détail de ce que nous nommons les faits s'est effacé. Et que l'on se sent descendre dans le passé comme on sombre dans un sommeil éveillé, pour être confronté à de drôles de taches d'encre très sombres.
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J’aurais depuis ce soir-là la conviction qu’une véritable attention à la sexualité, désirer ce fruit qui n’était plus si défendu, aliment parfois miraculeux, me tiendrait à jamais hors du sérieux pathétique de la plupart des vies, et serait sûrement le meilleur moyen d’échapper à l’ennui profond de l’existence.
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Peut-on oublier ce qu’on cherche depuis toujours dans jamais le trouver ? Oublier ce qui n’a jamais été un souvenir pour nous et qui pourtant nous appelle comme une présence inconnue depuis le passé .
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Je dois l’avouer à présent, la mémoire est le palais d’un voleur et d’un receleur. Une caverne d’Ali Baba. Le merveilleux château des erreurs. C’est sa beauté. A la question que je me suis longtemps posée, qu’avons-nous fait yeux Noirs et moi ? Je n’avais qu’une réponse : je ne suis pas resté assez longtemps.
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Nous croyons nous enfoncer dans les bois humides de l’existence, mais nous nous retrouvons un beau soir à sec au pied de montagnes bossues et infranchissables.
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