Je commence à cerner Ray Bradbury. Il a un style à lui, par moment légèrement déroutant. La sensibilité est un ingrédient majeur. Il y a beaucoup de variété dans cette collection de nouvelles, autant dans leurs cadres que dans leurs atmosphères. L'humour et l'affliction sont tous deux présents, parfois dans le même morceau. Sur les 14, 5 sont dans le domaine de la SF incluant des séjours dans l'espace et sur Mars, chose coutumière chez Bradbury. Ensuite, un peu de fantastique et plusieurs tranches de vie sans éléments de SFFF, avec une touche d'horreur pour faire bonne mesure. Il y a même un espèce d'hommage à Hemingway. Chose commode, j'avais justement lu cette année mon premier Hemingway et attrapé une partie du film sur lui, ce qui m'a permis, sans toutefois pouvoir mesurer précisément le degré de fiction de cette nouvelle, de pouvoir l'apprécier.
En tant que fan d'épouvante, je décerne la palme à ''L'homme brûlant''. ''Le jeu d'octobre'' est juste atroce ! ''Boire en une fois...'' m'a bien plu. Les lecteurs de ''La foire des ténèbres'' auront la surprise d'y trouver un lien. La nouvelle titre est assez sinistre. Je suppose que le punch a un peu moins de ressort qu'à l'époque où elle a été écrite. J'ai aimé le message véhiculé par ''Un morceau de bois''. Le thème m'a un peu rappelé la nouvelle de Jack London ''Goliath''. Pour conclure, je sollicite une faveur : si je partage des traits de caractère avec le protagoniste de ''Intermède au soleil'', qu'on m'égorge sans cérémonie !
Liste des nouvelles :
''Le Flacon bleu''
''Un printemps hors du temps''
''Le Perroquet qui avait connu papa''
''L'Homme brûlant''
''Un morceau de bois''
''Le Messie''
''G.B.S. modèle V''
''Boire en une fois : contre la fureur des foules''
''Intermède au soleil''
''À jamais la Terre''
''Les Miracles de Jamie''
''Le Jeu d'octobre''
''Bien après minuit''
''La Tablette de chocolat''
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Comme c’est triste. La ville vous a ôté votre emballage comme un sucre d’orge et vous a dévoré entier. Vous n’êtes rien de plus qu’une bouteille de lait poussiéreuse, abandonnée sur un porche avec une araignée sur le goulot tissant sa toile. La clameur de la circulation a réduit votre moelle en poussière. Le métro a sucé votre souffle comme le chat suce l’âme d’un enfant. Les aspirateurs ont eu votre cerveau. L’alcool a dissous le reste. Les machines à écrire et les ordinateurs ont avalé et vomi de leurs entrailles votre lie dernière, vous ont imprimé sur du papier, réduit en confetti, jeté dans un égout. La télévision vous a gribouillé en tics nerveux sur de vieux écrans à fantômes. Vos os seront évacués par un bulldozer qui vous tiendra entre ses mâchoires.
J’enseignerai à votre langue à goûter les champs riches de l’Éden dans le moindre hot-dog. L’eau du rafraîchisseur de votre bureau sera le vin le plus rare. La police répondra à votre appel. Les taxis qui auront fini leur journée s’arrêteront au moindre clignement d’yeux. Les places de théâtre apparaîtront dès que vous approcherez de la caisse. Les feux de circulation changeront, aux heures d’affluence, si vous osez conduire votre voiture de la cinquante-huitième rue au Square, sans un seul feu rouge. Vert tout du long, si vous êtes avec moi.
Mes mains se sont activées, avec des mouvements si rapides qu’elles donnaient l’impression d’une douzaine de mains. Comme les déesses asiatiques qu’on adore dans les temples. Une main avec une tomate. Une main saisissant une banane. Une troisième attrapant des fraises. Une quatrième, cinquième, sixième main saisie au vol, avec l’une un bout de fromage, l’autre des olives, des radis !
Ceux qui l’ont trouvé n’ont jamais rien dit, ils n’ont jamais expliqué. Mais – c’est ancien. Aussi ancien que le désert, que les mers mortes – et il pourrait contenir n’importe quoi. C’est ce que dit la légende. Et parce qu’il pourrait contenir n’importe quoi – il attise le désir de possession de l’homme.
Vivre en paix. Apprendre que pendant la nuit, d’une manière ou d’une autre, les canons du monde entier se sont rouillés, les bactéries stérilisées dans la bombe qui les contient, les tank enlisés comme des monstres préhistoriques dans le goudron des routes. C’est ce que j’aimerais.
Chronique de Nyx Pathfinder consacrée à "L'arbre d'Halloween" de Ray Bradbury