L'histoire:
Lili est une jeune fille mère, "une
Marie Curie sans Pierre" comme elle se surnomme. Issue d'une milieu conservateur, elle est mise au ban de la famille lorsqu'elle décide de garder malgré tout l'enfant qu'elle attend. Si ses parents l'aident financièrement, il ne faudrait surtout pas qu'elle corrompe sa petite soeur, aussi l'installent-ils dans un appartement, loin d'eux et de leur vie bien réglée. La jeune femme ne se laisse pas abattre pour autant et décide de procurer à sa fille une éducation qui prend le contre-pied de celle qu'elle a reçue. Elle ne rêve que d'une chose: "que sa fille ne puisse jamais avoir de reproches à son égard, plus tard, à l'adolescence." Réussira-t-elle ce pari?
Mon avis:
C'est pour ton bien... Combien de fois, en tant que parents, nous sommes-nous retranchés derrière ce prétexte pour éviter à nos enfants qu'ils ne chutent, grandissent trop vite, s'éloignent de nous et nous quittent... En pensant agir pour leur bien, on finit pas leur couper les ailes.
C'est le cas pour Lili qui a "l'impression d'avoir grandi dans une boîte de fer, une boîte comme celle des grands-mères où l'on cache des biscuits secs, dont personne ne veut. Une boîte cercueil, sans lumière, sans bruit, où rien n'est dramatique, mais rien n'est vraiment drôle non plus." Elle se promet d'apprendre à sa fille "à essayer, à inventer, à se tromper". Pourtant, Charlotte, élevée dans un cocon d'amour, plein de rires, de chants, de câlins et de bons petits plats a peur de TOUT lorsqu'elle se retrouve, pour la première fois, à onze ans, dans la jungle de la vie.
"
C'est pour ton bien", c'est l'histoire d'une maman qui fait son possible et croit bien faire. D'une maman qui traine derrière elle les casseroles de son enfance et qui, en pensant protéger son enfant, laisse des non-dits faire leur sale travail de sape... D'une maman qui oublie de vivre pour elle-même... qui oublie qu'elle est aussi Femme, que le bonheur ne peut être feint indéfiniment et qu'elle ne peut rendre son enfant heureux qu'en se laissant le droit de l'être elle-même...
Nous sommes toutes un peu, beaucoup, énormément... des LILI!
Comme vous l'aurez compris, ce titre a un effet miroir et nous renvoie en premier lieu à nos propres questionnements quant à notre rôle de parents. Autant dire que l'objectif est atteint, en plein centre de la cible, au COEUR!
Quant à la forme, ce petit roman de 196 pages se lit d'une traite. le style est agréable et le ton incisif. J'ai particulièrement adhéré aux remises en question d'une l'éducation ultra-religieuse reçue par l'héroïne. Ses réflexions sur Dieu sont particulièrement parlantes.
"Lili n'avait jamais supporté le rapport à Dieu des autres. Suppliant, priant pour qu'on les épargne, qu'on leur pardonne, priant pour des miracles. (...)
Elle les trouvait minables, tenaillés par leur peur. Acquiescer sans broncher, sans critiquer, sans réflexion. Toutes les interprétations semblaient se donner la main pour jalonner l'existence de contraintes permanentes.
"Respecter Dieu, c'est lui offrir ce qu'Il attend..."
Comme s'Il attendait ça, franchement! Lui, le Maître du monde, capable de créer animaux, arbres, soleil, se contenterait d'êtres humains aussi rampants que des larves."
La fin est volontairement ouverte. Que se passe-t-il après? Tout n'est pas résolu, loin de là. Les personnages vont continuer à vivre leur vie... et c'est très bien ainsi.
Cette histoire est foncièrement optimiste. Même si les personnages sont englués dans leurs histoires personnelles, ils grandissent et évoluent. L'auteure permet à l'héroïne de vivre un peu plus légère à la fin qu'au début. Et, par ricochet, nous le sommes un peu nous aussi!
Rien n'est perdu, tant qu'il y a de l'amour! Telle pourrait être la morale de l'histoire... Une histoire que je conseille de glisser dans les mains de toutes les mamans...
Et de terminer par ce poème de
Khalil Gibran auquel j'ai pensé tout au long de la lecture:
Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit :
"Parlez-nous des Enfants".
Et il dit :
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, niais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini,
et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie ;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.
(Extrait de
le Prophète de
Khalil Gibran)
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