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Nicolas Richard (Traducteur)
EAN : 9782264019202
204 pages
10-18 (08/10/1993)
4.06/5   55 notes
Résumé :

« Que veux-tu que je te dise ? Rien ne m'a plus touché que ton travail, si peu maniéré et si exact dans son insistante nudité. Tout le contraire d'une juxtaposition de paroles : bel et bien un LIVRE. Un long poème qui offre sa générosité par fragments, sous la forme légendaire, peut-être inconsciente, du périple. Il y est question du courage et de la solitude majestueuse nécessaires pour s'e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Les néons s'illuminent de toute part. Où mon regard se porte, il voit clignoter des lumières de toutes les couleurs, je lève la tête, à gauche, à droite, elles sont partout, rouges, vertes, violettes, toutes aguicheuses pour me faire rentrer dans tous ces bars de solitaires. Seul au comptoir, je m'installe, commande un premier Nikka, sort mon petit « Journal Japonais », grand livre du maître incontesté du haïku version américaine. Je ne résiste pas à lire celui-ci, à voix haute, le verre haut, les glaçons qui tintent comme la cloche du temple d'à-côté, ce haïku parfumé au single malt :

« Tout seul dans un bar à Tokyo
Je prends un verre avant le
déjeuner,
Et j'aimerais bien avoir quelqu'un à qui
parler. »

La claque que je prends à chaque fois que je le lis. le génie qu'il était cet homme du Montana venu se perdre – ou se trouver – au Japon. Il boit un verre, lui aussi, seul dans ce bar. Je l'accompagne. Fidèlement. Sur ses traces. Il griffonne sur son carnet, le verre toujours à la main. Je n'ose le déranger, seul sur son tabouret, le teint jauni par cette lumière artificielle. de toute façon, l'on s'enferme dans ces bars pour leur solitude, et la solitude d'un poète cela se respecte. Comme la solitude d'un ivrogne.

Il est temps de changer de trottoir. de comptoir devrais-je dire. D'autres lumières m'appellent ou m'interpellent. Une musique de fond, ambiance jazzy. le whisky se marie bien avec le jazz. Question de velours et d'espace feutré. Cela touche à l'intimité. le jazz, cela se respecte. Comme l'ivrogne qui écoute du jazz. Des rires fusent, des japonaises dans leur jupe plissée. A moins que cela soit des bécasses. Voir le cri des grenouilles en rut. Mais existe-t-il des grenouilles au Japon ?

J'aurais envie de griffonner sur mon carnet quelques pensées, qui ne valent pas grand-chose. C'est le pouvoir de Richard Brautigan. Il donne envie. D'écrire. D'oser. de partager. de boire aussi. Et si j'osais. Boire un verre.
Partager, écrire.
Dans le genre...

Deux cuisses parallèles,
à cette figure mathématique
l'envie de provoquer la dissymétrie
en les écartant de ma main
prête à glisser jusqu'à son coeur.

J'aurais envie de tout citer ce roman, tant chaque page apporte sa surprise, son intérêt, son envie, sa soif. Haïkus, proses, pensées, tout est disparate mais tout devient un tout. Chaque chapitre s'inscrit dans un chapitre plus grand, celui d'un roman, d'un voyage, d'une vie. Vie de poète, vie de buveur, vie de solitaire. Et là, je me prends à rêver, parce que j'ai déjà deux de ces qualificatifs sur trois. C'est déjà pas si mal…

Un jour, je composerai moi aussi des haïkus de la soif… Un dernier verre, avant que je sombre, avant que ma vie sombre. Tristesse d'un verre vide. Tristesse d'un verre vide la nuit. Tristesse d'un verre vide la nuit seul. Il me rend triste ce Brautigan. Mais en le lisant, je me sens moins seul, ses pensées m'accompagnent, de toute façon, je suis toujours triste. Boire un verre seul est d'une profonde tristesse mais c'est là que mes rêves entraient en jeu, gommer un peu de cette tristesse. Pourquoi ne sais-je pas mettre de la folie dans ma vie, comme par exemple, mettre des glaçons dans mon whisky. le disque s'achève, dernières notes d'un sax nocturne. Je vais me coucher, pour rêver d'une vie de poésie.
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Ce journal poétique m'a étrangement accompagnée pendant ces deux premières semaines. Moi, enfermée chez moi (comme des millions d'autres), lui, Brautigan, seul, désespérément seul dans la multitude japonaise. On perçoit les contours de son existence dans ces courts poèmes, une chambre d'hôtel anonyme et le lit sur lequel il écoute, allongé, les bruits de la ville, la pluie qui tombe doucement, l'orage qui gronde au loin. Les taxis qui l'amènent dans les nuits de Tokyo, les bars et sa faune, les restaurants, et cette impossibilité à communiquer.
Brautigan observe puis écrit. Il enregistre tout. Un chat heureux se prélassant au soleil, une mouche japonaise dans sa chambre, je geste méprisant d'une pop star lors d'un concert et l'humiliation d'une jeune fille timide qui s'enfuit, des Américains dans un bar.
En quelques mots, quelques poèmes, Brautigan nous amène avec lui dans cette solitude moderne japonaise.
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Décidemment Jim Harrison me poursuit. Encore un livre où il a écrit la quatrième de couverture. Etrange livre vite lu pour un étrange bonhomme. Des petits textes de ci de là durant son séjour au Japon. L'écrivain, né en 1935 dans le Montana, a passé son enfance à en vouloir aux nippons pour avoir tué son oncle, son héros. Et puis les choses évoluent… C'est dans ce pays qu'il écrira des poèmes sur la solitude, des réflexions sur l'humain, parfois tendre, parfois cynique, qui m'ont fait penser à Desproges pour la profondeur de ce qui paraît absurde.
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JOURNAL JAPONAIS de RICHARD BRAUTIGAN
L'oncle de Richard BRAUTIGAN meurt en 1942 des suites de l'explosion d'un obus japonais. On avait réussi à lui enlever les débris du corps, il avait eu le temps d'une belle histoire d'amour, mais il décèdera d'une chute en Alaska. Richard avait 7 ans à l'époque quand Edward mourut, lui qui était la gloire et l'espoir de la famille. Richard fut donc élevé dans la haine des japonais qu'il croyait être des êtres terribles et maléfiques. En 1976, il va se rendre au Japon en mai/juin ayant entre temps appris à apprécier les haïkus, les films et plus globalement la culture japonaise. C'est là qu'il a écrit ce livre de souvenirs des choses vues et aperçues lors de cet émouvant voyage et qu'il a mis sous forme de poèmes.
Extraits.
« lorsque s'éveillent les rêves
La vie s'achève
Alors s'envolent les rêves
S'envole la vie »

« S‘ensommeiller sans
Sommeil
Pour ensuite s'endormir
Sans dormir »

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Depuis des semaines traînent sur mon bureau, parmi un Everest de papiers à classer, mes notes sur le Japon, observations de mon décalage lors de ce premier voyage, en 1989. Lorsque je suis prise d'une volonté rare et fugace de ranger, ce papier invariablement refait surface. Je ne sais pas quoi en faire et il protège donc mon Everest contre toute érosion.

Ce soir, fin annoncée de la montagne, je leur ai trouvé une place dans le «Journal japonais» («June 30th, June 30th» pour le titre original) de Richard Brautigan, grâce à l'excellente lecture et postface de son traducteur, Nicolas Richard, qui incite chaque lecteur à composer son propre journal japonais.

L'année précédant la parution de «Un privé à Babylone» en 1977, Richard Brautigan visite le Japon pour la première fois et rédige ce journal japonais, poèmes-fragments nés de ses pérégrinations dans Tokyo, dans un pays qu'il a haï, enfant, à cause de la mort de son oncle Edward pendant la guerre, puis qu'il a appris à aimer à la lecture de Bashô et Issa.
Il raconte ce parcours vers l'amour du Japon en introduction, et cette entrée en matière justifie à elle seule l'achat et la lecture du livre.

«L'Américain à Tokyo avec sa pendule cassée
Pour Shiina Takado

Les gens me regardent –
ils sont des millions
Pourquoi cet étrange Américain
arpente-t-il les rues du début de soirée
tenant une pendule cassée
à la main ?
Est-il réel ou n'est-il qu'illusion ?
Comme la pendule s'est cassée, peu importe.
Les pendules se cassent.
Tout se casse.
Les gens nous regardent moi et la pendule cassée
que je tiens comme un rêve

dans mes mains.

Tokyo
Le 10 juin 1976»
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Mon réveil devait sonner à 9 heures
Mais il n’en a pas eu le temps.
Car c’est le tremblement de terre de 7h30
Qui s’en est chargé.

Des tréfonds de mon rêve
Je suis revenu soudain dans mon lit
A cause des secousses de l’hôtel,
A me demander si la chambre 3003
N’allait pas bientôt être transformée
En carrefour de Shinjuku
30 étages plus bas.

C’est quand même vachement mieux
Qu’un vulgaire réveil-matin.
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Pour Shiina Takako





C’est incroyable le nombre de personnes

que l’on rencontre quand on transporte

une pendule cassée à Tokyo.



Aujourd’hui, je transportais la pendule

à nouveau, essayant de la remplacer

à l’identique.

La pendule n’était pas en état d’être réparée.



Toutes sortes de gens s’intéressaient

à la pendule. De parfaits inconnus sont venus me voir

pour se renseigner sur la pendule, en japonais

bien-sûr

et j’acquiesçais : oui, j’ai une pendule cassée.



Je l’ai emportée au restaurant et les gens

se sont rassemblés autour. Je suggère de transporter une

pendule cassée toutes les fois où vous voulez rencontrer de

nouveaux

amis. Je pense que ça marcherait n’importe où dans

le monde.



Si vous voulez aller en Islande

et rencontrer les gens, emportez

une pendule cassée

Ils s’agglutineront comme des mouches.

(L’Américain à Tokyo avec sa pendule cassée / Suite)
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Seul au milieu d’une foule d’inconnus,
Je chante comme le soliste
D’un chœur céleste

- ma langue un nuage de miel –

Y’a des fois, j’me dis que j’suis bizarre.
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Je feuillette au hasard
mon dictionnaire anglais-japonais
impossible de trouver le mot grenouille.
Il n’y est pas.
Dois-je en conclure qu’il n’y a pas de grenouilles au Japon ?
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Me voici dans un bar plein d’
Américains
Jeunes snobs et conservateurs,
Ils boivent et essaient de lever des
Japonaises
Prêtes à coucher avec des types
Dans leur genre.
Tâche ardue que de trouver la moindre poésie
Ici
Ainsi que ce poème en témoigne.
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Le choix de Mathias Malzieu : « C'est tout ce que j'ai à déclarer » de Richard Brautigan
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