Bien sûr il y a
Fernando Pessoa et avec lui Ricardo Reis,
Alvaro de Campos,
Alberto Caeiro et beaucoup d'autres… Et après ?
Oui, quoi d'autre après celui qui fut (avec tous ses hétéronymes) le plus moderniste, celui qui usa de la plupart des registres de l'écriture poétique ?
Populaire et érudite, la poésie a toujours régné sur l'histoire littéraire du Portugal, elle a toujours eu une place très particulière. Même si avec
Luís de Camões (l'auteur des Luisiades au XVIème siècle),
Fernando Pessoa restent aujourd'hui encore les figures incontournables de la poésie portugaise, c'est très certainement à cause de la prégnance de la poésie dans la culture lusitanienne, qu'après eux, de nombreux poètes se sont fait connaître.
C'est dans les années 50 que la scène littéraire va connaître un nouvel essor. Certes, António de Oliveira Salazar exerce un pouvoir dictatorial sur le pays mais la création poétique offre un espace tout particulier de liberté et de revendication.
C'est au début des années 70 avec la chute de Salazar et la Révolution des Oeillets en 1974, qu'un nouveau souffle de modernité va faire se révéler de nombreux poètes. Ils ont pour nom
Eugenio de Andrade,
Sophia de Mello Breyner Andresen,
Antonio Ramos Rosa ou encore
Herberto Helder.
À cette époque, la poésie portugaise n'est pas univoque, elle est plurielle. Même si chaque poète emprunte sa propre voie, chacun va contribuer, dans son style, à renouveler la veine puissante du lyrisme portugais. Malgré leurs visions divergentes, leur différence de caractère, de style, de conception de la littérature, les poètes de cette époque se fréquentent, dialoguent et se reconnaissent. C'est ce qui fait toute la la singularité et la richesse de la poésie portugaise.
Dans la très belle Anthologie de la poésie portugaise contemporaine dirigée par Michel Chanteigne, cette coexistence apparaît sous une belle lumière. Les tonalités, les rythmes, les thèmes s'enchaînent et puisent chacun dans la modernité mais aussi dans cet esprit assez indéfinissable de la Saudade.
Au travers des pages de ce très beau recueil, j'ai retrouvé
Eugénio de Andrade et
Nuno Judice, des poètes que j'avais déjà lus. J'ai également découvert beaucoup d'autres auteurs que je ne connaissais pas ou très peu comme
Ruy Belo,
Jorge de Sena,
Sophia de Mello Breyner Andresen,
António Osório,
António Ramos Rosa ou encore
Pedro Tamen, dont les poèmes m'ont particulièrement plu.
C'est le cas de celui écrit par
Vasco Graça Moura. Un poème qui s'intitule… Poème.
« Silencieusement je m'approche du poème
je l'entoure d'un mot où je fais
une incision délibérée
puis j'expose la blessure à l'air sans protection
pour qu'elle s'infecte et fructifie
Par résine avec le goût encore du papier humide
le poème pousse se ramifie
par commotion de l'aubier vers l'écorce
entier lisse astringent sinueux
Mais
tout poème est parfaitement impur. »