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Maurice Regnaut (Traducteur)André Steiger (Traducteur)
EAN : 9782851810410
100 pages
L'Arche (13/06/1997)
4.28/5   74 notes
Résumé :
Sous le nazisme, la peur et la misère affectaient toutes les couches de la société allemande, l'intelligentsia, la bourgeoisie, la classe ouvrière. Il y a certes le courage de la poignée de militants qui, au mépris de tous les dangers, publient leur littérature illégale. Mais il y a aussi la capitulation, face à la terreur, d'une trop grande part de l'intelligentsia. C'est ce qu'a voulu montrer Brecht, d'abord à ses compatriotes exilés, autour des années 1938, en éc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Si je souhaitais lire « La vie de Galilée » et « La résistible ascension d'Arturo Ui », c'est finalement avec la pièce de théâtre « Grand-peur et misère du IIIè Reich » écrite entre 1935 et 1938 que j'ai découvert le dramaturge allemand Bertolt Brecht.
Cette pièce de théâtre est composée de 24 scénettes qui se déroulent durant l'Allemagne nazie avant que n'éclate la seconde guerre mondiale.

Dans ces différentes scénettes, Brecht évoque le quotidien des Allemands sous le régime nazi, quotidien régi et rythmé par la peur. On pénètre dans leur intimité lors de discussions, autour d'une table de la cuisine, dans un appartement, dans la rue... On comprend combien tous font attention à ne pas critiquer le pouvoir de peur des représailles. Qu'ils soient issus de la classe populaire ou du milieu bourgeois, qu'ils soient résistants, juifs, militants ou militaires mais aussi -déjà- prisonniers dans les camps, personne n'est épargné par cette peur, cette peur d'être dénoncé, d'être arrêté. Et face à elle, l'auteur dépeint les divers comportements, les mensonges, les chuchotements, les états liés à la peur. On entend le bruit des bottes, les cris, les larmes, les voix chevrotantes et le lourd silence.

Dans cette pièce de théâtre, le dramaturge dresse le portrait de toute la société allemande prise sous le joug du régime totalitaire. Il représente toutes les classes sociales, que ce soit dans la sphère privée ou celle publique, familiale ou professionnelle (et on se retrouve forcément dans l'un des personnages).
En se servant uniquement des dialogues, des discussions échangées (puisque les descriptions des personnages sont quasi inexistantes), l'auteur réussit à nous montrer combien et comment la peur est entrée en chacun, avec notamment des relations avec les autres dictées par cette peur, des relations forcément déformées, avec déjà pour certains une forme d'obéissance, d'acceptation du régime. Et c'est par ce style dépouillé que les scènes de la vie quotidienne instillent en nous une sensation de malaise et d'angoisse plus dense.
Et ce d'autant plus lorsque l'on sait que Brecht a écrit ces scénettes à partir d'articles de journaux ou encore de ce qu'on lui a raconté.

Lui qui a connu l'horreur de la première guerre mondiale, l'arrivée au pouvoir du nazisme l'a contraint à fuir l'Allemagne et à s'installer au Danemark en 1933. Par cette pièce de théâtre qui sera joué notamment à Paris en 1938, Brecht souhaitait témoigner et alerter, tout particulièrement aux compatriotes exilés comme lui, de la gravité des évènements qui se déroulent en Allemagne.

Certaines de ces scènes m'ont plus marquée que d'autres. Mais c'est bien entendu en les prenant dans leur globalité que cela prend tout son sens, et c'est dans cette globalité que chacune d'elles prend alors plus de poids.
Le lecteur d'aujourd'hui, sachant que le pire était encore à venir -que cette période n'était encore que les prémices de la folie d'un homme (et de la seconde guerre mondiale, des camps de concentration, …), lit avec plus d'effroi ces scénettes. Et cela résonne en nous et rend cette lecture encore plus saisissante.

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Cette pièce, constituée de 24 scénettes indépendantes, écrites entre 1935 et 1938, qui, ensemble, révèlent des facettes de la société allemande. Brecht ne vivait déjà plus en Allemagne à ce moment-là et s'est inspiré de récits de témoins et d'extraits de journaux. Ensemble ces scènes dressent l'état de l'infiltration du régime nazi dans toutes les sphères de la société. Publiée d'abord en 1938 à Prague, elle a été peu diffusée (invasion de la Tchécoslovaquie), mais huit des scénettes ont été jouées en allemand à Paris en 1938. Elles ne connaîtront une plus large diffusion qu'à partir de 1945 et mises en scènes d'une façon plus classique (répartition des scénettes pour faire trois parties) dans un décor évoquant la guerre et l'armée nazie et avec un texte supplémentaire, le « Choeur de l'auto blindée » réparti entre le début, les intermèdes et la fin. Je pense que j'avais déjà lu ce texte présenté ainsi (le nombre mais aussi l'ordre des scénettes est extrêmement différent de la version de 1938), c'est un texte fort, mais il ne faut absolument plus le lire ainsi, ça donne trop l'impression erronée d'avoir été écrit pendant la guerre ! Toujours est-il que, par curiosité, j'ai voulu lire les huit scénettes de la représentation parisienne en premier, pour percevoir ce qu'elles donnaient à voir à leur probablement rare public : suspicion, délation, méfiance et auto-censure permanente et généralisée (La croix blanche, le mouchard, Placement de main-d'oeuvre), débâcle économique, manifeste mais niée, au nom de l'effort de guerre (Secours d'hiver, Deux boulangers, le paysan nourrit son cochon), situation des juifs (La femme juive), état surréaliste du droit et de la justice (A la recherche du droit). Puis j'ai continué avec les autres scénettes, mais il faut bien avouer que ces 8 scénettes sont les textes les plus fort, même si les autres montrent d'autres facettes sociales et insistent un peu plus sur le sort d'opposants politiques plus conscients. Tout est dit en quelques mots, comme avec ses parents qui craignent que leur fils soit sorti pour les dénoncer alors qu'il est juste allé acheter des bonbons. C'est d'une concision remarquable, avec cette galerie d'anonymes très représentatifs. Un texte édifiant, témoignage de la résignation, de la soumission inéluctable de tous les pans de la société.
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Une belle petite pièce! Ici, nous sommes à la genèse du nazisme. On vit les perturbations qu'engendre l'arrivée du nazisme dans le petit monde et aussi chez les fonctionnaire qui voient la chose arrivée sans mesurer l'ampleur de la chose sur une dizaine d'année...
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Cette pièce a été écrite de 1935 à 1938, pendant la montée en puissance du IIIème Reich. Elle est composée de 24 tableaux plus ou moins courts et sans relation directe entre eux. Brecht se penche sur des cas de figure très différents, illustrant tous l'énorme pression de l'appareil totalitaire hitlérien sur les individus. Certaines scènes sont très démonstratives; d'autres semblent un peu moins faciles à saisir maintenant, en dehors du contexte de cette époque. Parmi les divers tableaux, je citerai: "A la recherche du droit", "La femme juive" et surtout "Le mouchard". Face aux réalités de la dictature, c'est un haut-le-coeur qui saisit le spectateur ou le lecteur d'aujourd'hui. Le processus pernicieux de l'oppression est illustré par une fable scatologique qui est racontée au début de la pièce, sur le thème: comment faire manger (volontairement) de la moutarde à un chat ? Elle me semble très pertinente et devrait être méditée encore maintenant.
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Écrites entre 1935 et 1938 par Bertolt Brecht, les 24 scènes qui composent « Grand-peur et misère du IIIe Reich » dressent un portrait de la société allemande depuis l'avènement d'Hitler jusqu'aux prémices de la guerre.

En s'inspirant directement de récits de témoins et d'extraits de journaux, Brecht y dépeint l'enracinement profond du régime nazi dans toutes les sphères de la société. La bourgeoisie, le corps médical, la justice, les enfants ou les prisonniers évoluent, en de brèves histoires, face au régime.

Brecht est le témoin de la lutte mais aussi de la terreur et parfois de la résignation d'une grande partie d'un peuple, des ouvriers jusqu'aux classes les plus intellectuelles.

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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Le SA. Mais où est ma bière ? On m'a sifflé ma bière !
Au chauffeur : C'est vous qui m'avez sifflé ma bière ?
Le chauffeur : Non, bien sûr que non ! Comment pouvez-vous penser ? Votre bière a disparu ?
La femme de chambre : Mais je t'ai servi ?
Le SA, à la cuisinière : C'est vous qui avez avalé ma bière !
Il rit aux éclats : Eh, du calme. Petit truc de la section locale ! Siffler sa bière sans se faire voir ni entendre.
Au travailleur : Vous vouliez dire quelque chose ?
Le travailleur : Vieux truc.
Le SA : Eh bien essayez !
Il lui verse à boire.
Le travailleur : Bien. Donc ici j'ai la bière - Il lève le verre bien haut- Et maintenant le truc.
Il boit la bière tranquillement et avec plaisir.
La cuisinière : Mais, ça se voit !
Le travailleur, s'essuyant la bouche. Ah oui ? Alors c'est loupé.
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LE PÈRE. C’est un Judas que tu m’as mis au monde ! Il est là, assis à la table, et il écoute tout, en avalant la soupe que nous lui donnons, et ce que nous disons, nous ses parents, il en prend note, le mouchard !
LA MÈRE. Tu n’as pas le droit de parler ainsi. (Un temps.) Tu penses que nous devons prendre des dispositions, préparer quelque chose ?
LE PÈRE. Tu crois qu’ils vont venir tout de suite avec lui ?
LA MÈRE. C’est quand même possible ?
LE PÈRE. Je devrais peut-être mettre ma croix de fer ?
LA MÈRE. Mais bien sûr que oui. Charles ! (Il va chercher la croix de fer qu’il épingle avec des mains tremblantes.) Mais pourtant on n’a rien à te reprocher à l’école ?
LE PÈRE. Comment veux-tu que je le sache ? Je suis prêt à enseigner tout ce qu’ils veulent, mais qu’est-ce qu’ils veulent ? Si seulement je le savais ! […]
LA MÈRE. Et le portrait d’Hitler, si nous l’accrochions au-dessus de ton bureau ? Cela fera mieux.
LE PÈRE. Oui, fais-le. (La mère va pour le faire.) Mais si le petit allait dire que nous l’avons changé de place, on en conclurait que nous avons mauvaise conscience. (La mère raccroche le portrait à l’ancienne place.) On n’a pas ouvert la porte ?
[…]
(On entend la porte s’ouvrir. Le père et la mère, interdits, sont debout l’un contre l’autre dans un coin de la pièce. La porte s’ouvre et le garçon entre, un petit sac en papier à la main. Un temps.)
LE GARÇON. Mais qu’est-ce que vous avez ?
LA MÈRE. Où étais-tu ? (Le petit garçon montre son petit sac de chocolateries.) Tu as acheté du chocolat, c’est tout ce que tu as fait ?
LE GARÇON. Qu’est-ce que j’aurai fait d’autre ? Il n’y a rien de secret.

— Scène 10, « Le Mouchard »
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(Breslau, 1933. Un appartement de petit bourgeois. Une femme et un homme, debout à la porte, écoutent. Ils sont très pâles.)

LA FEMME. Maintenant ils sont en bas.
L'HOMME. Pas encore.
LA FEMME. Ils ont cassé la rampe. Quand ils l'ont sorti de chez lui, ils le traînaient. Il était déjà sans connaissance.
L'HOMME. J'ai simplement dit que ce n'était pas chez nous qu'on écoutait à la radio les émissions étrangères.
LA FEMME. Tu n'as dit que ça.
L'HOMME. Je n'ai rien dit d'autre.
LA FEMME. Ne me regarde pas comme ça. Si tu n'as rien dit d'autre, tu n'as rien dit d'autre.
L'HOMME. C'est aussi mon avis.
LA FEMME. Pourquoi ne vas-tu pas à la police déclarer qu'il n'y avait pas de réunion chez eux le samedi ?
(Un temps.)
L'HOMME. Je n'irai pas à la police. Ils l'ont traité d'une façon... De vraies brutes !
LA FEMME. Il ne l'a pas volé. Pourquoi s'occupe-t-il de politique ?
L'HOMME. Mais ils n'avaient pas besoin de lui déchirer sa veste.
LA FEMME. Sa veste n'a rien à faire là-dedans.
L'HOMME. Ils n'avaient pas besoin de la déchirer.

— Scène 2, « La Délation »
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Le S.A : Je ne me ferais pas prier : toujours d'attaque pour bourrer le canon à saucisses. (La cuisinière apporte un plateau.) Oui, il faut savoir se taire! Surprendre l'adversaire, toujours! Tomber sur lui du côté où il croit le ciel sans nuages! Regardez le Führer, quand il prépare un coup! Impénétrable! Vous ne savez absolument rien d'avance. Peut-être bien que lui même ne sait rien d'avance. Et puis ça éclate. Des choses fantastiques. C'est ce qui fait qu'on tremble devant nous. (Il a noué sa serviette. Levant couteau et fourchettes, il s'informe:) Anna! Les patrons ne vont pas rappliquer au moins? Que je ne sois pas là, assis, la gueule pleine de rémoulade. (En exagérant, comme si il avait la bouche pleine:) Heil Hitler!


"La croix blanche"
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« D’ailleurs, je ne suis pas en colère. Si, je le suis. Pourquoi dirais-je toujours amen ? Qu’est-ce qu’il y a de mal dans la forme de mon nez et dans la couleur de mes cheveux ? Je dois quitter cette ville où je suis née, pour qu’ils n’aient pas à me donner ma ration de beurre. Quels hommes vous êtes, oui, toi aussi ! Vous inventez la théorie de quanta et vous vous laissez commander par des brutes qui vous donnent le monde à conquérir, mais qui vous retire le droit de choisir votre femme »

(La femme juive)
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Videos de Bertolt Brecht (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bertolt Brecht
Engagé à gauche, mais critique du régime d'Allemagne de l'Est, le dramaturge allemand Bertolt Brecht, traverse un demi-siècle d'histoire allemande et propose un théâtre marxiste qui fait réfléchir le spectateur sur sa condition.
Pour comprendre l'influence qu'a eue la Première Guerre Mondiale sur Bertold Brecht, Tiphaine de Rocquigny reçoit Irène Bonnaud, metteuse en scène et traductrice, et Hélène Camarade, professeure en études germaniques à l'Université Bordeaux-Montaigne, spécialiste de la résistance allemande et de la mémoire du national-socialisme.
#economie #histoire #bertoltbrecht ___________ Découvrez les précédentes émissions ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrqogc4cP5KsCHIFIryY2f1h ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco
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