AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782879298610
312 pages
Editions de l'Olivier (21/08/2014)
2.93/5   47 notes
Résumé :
Dans les années 70, deux sœurs défilaient dans les rues de Paris en chantant des slogans, et vibraient en entendant le mot «Camarades». Anna Jacob a quinze ans quand, pour la première fois, elle se rend à un meeting avec sa sœur Molly. De leurs combats avec leurs compagnons Marek et Boris qui les mèneront jusqu’au Mexique pour entrer dans la lutte armée, Anna va tirer un livre. Molly ne lui pardonnera pas de s’être approprié leur histoire pour en faire un roman. Pou... >Voir plus
Que lire après Dans les yeux des autresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
2,93

sur 47 notes
5
1 avis
4
3 avis
3
4 avis
2
2 avis
1
0 avis
Anna et Molly sont soeurs. Il y a quelques décennies, elles étaient coude à coude dans les manifestations, les distributions de tracts, les fabrications de banderoles... le militantisme se composait à deux, l'une galvanisant l'autre, l'autre admirant l'une. L'une tout à l'action et l'autre encore avec quelques volutes de rêveries dans la tête, pas assez organisée ou volontaire, se laissant plutôt porter par les sentiments, les émotions...

Anna et Molly, bien sûr, mais aussi Boris et Marek pour faire quatuor et être plus déterminés, plus forts dans l'adversité, s'exaltant l'un l'autre pour une cause ou une idée.
Et aussi Mélini, la mère d'Anna et Molly, qui préfère l'une de ses filles et bouscule l'autre… Mélini excentrique et insupportable jusque dans ses derniers instants. Mélini source avouée et assumée de discorde entre les deux soeurs.

Molly est devenue médecin, Boris s'est remarié avec elle. Marek est mort, Anna a été écrivaine mais peut-on parler de cet art au passé ? Simplement pour dire qu'Anna a perdu l'inspiration, ou l'a enfouie dans un coin de son esprit pour vivre en paix et ne pas se quereller parce que faire un récit des luttes partagées, en extraire les vérités peut amener des scissions, des rejets...
Alors, solitaire et désoeuvrée, Anna relit ses carnets, ces pages où elle a tout consigné et elle digresse, s'échappe, réécrit presque les années passées.


A Côté des thèmes qui s'entrecroisent dans le roman, ce qui attire et retient, c'est la plume de Geneviève Brisac, trempée dans un zeste d'acide, qui vrille, qui fustige, les attitudes d'avant... mais aussi celles d'aujourd'hui...et quelque part celles de toutes les époques. C'est la plume qui parle de ces idéaux qui ont été la charpente des existences et sont devenus des regrets, des souvenirs nostalgiques. Que reste-t-il de la révolte des deux soeurs, quelles fleurs ont germé sur les idées d'entraide et de révolution, sur les cris ou les slogans scandés, sur les coups reçus, sur les amours vécues ou imaginées ?
On pense au "Carnet d'Or" de Doris Lessing - que j'ai une folle envie de relire peut-être pour l'apprécier davantage - pour les personnages – Anna et Molly -, pour les carnets d'Anna, les engagements, les désillusions et les interrogations.
On croise des libertaires, des écrivains, Franz Kafka et Milena Jesenska, Bakounine, et bien d'autres, et des poètes ou plutôt des vers de poésie qui ponctuent fort à propos le récit et les réflexions des personnages…
On court au fil des lignes, au fil des pages. le style est entraînant, je dirais sautillant, mais toujours cinglant qui ausculte les travers, les faiblesses, les lâchetés d'hier et d'aujourd'hui.
On intègre la lutte , celle des opprimés de tout pays et des femmes pas toujours écoutées, celle des fratries et des familles, on caracole au fil des pages et on se prend d'amitié pour certains personnages quand on en déteste presque d'autres. C'est cela la littérature : entrer dans les phrases d'un livre, s'en draper, et avoir le coeur qui tressaute aux rythme des vies que l'on y côtoie

Un livre qui ne se raconte pas vraiment, un livre qui part dans toutes les directions, qui entraîne le lecteur dans son sillage, le secoue, le fait rencontrer une galerie de personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les autres, qui se bousculent et se télescopent dans les premières pages pour mieux être rencontrés au fil du récit, pour mieux bâtir un roman sur l'engagement, le politique et aussi l'intime. Un livre qui parle d'écriture, des écrivains, des idéalistes, des engagés pour mieux en extraire la réalité, les rêves, la vérité, les illusions, l‘hypocrisie et la vanité, la sincérité.

A lire pour être bousculé...
Commenter  J’apprécie          494
Portées par leur idéal de justice, Mollie et Anna Jacob ont été, dans les années 70, de tous les combats, de toutes les manifs. Différentes mais unies, les deux soeurs rêvaient d'un monde meilleur et d'une révolution qui jamais n'arrivèrent. Avec Boris et Marek, compagnons de lutte, à la fois amis et amants, il fut donc décidé de poursuivre cet idéal au Mexique. Mollie, les garçons et Mélini, la mère des filles, étaient du premier voyage, Anna, abandonnée à Paris pour régler les détails administratifs.
Des années plus tard, Mollie est devenue le Docteur Jacob, elle vit avec Boris qui milite toujours, cette fois dans une association pour le droit au logement. Anna, quant à elle, est une femme brisée. Elle a raconté ses années d'engagement et la période mexicaine dans un livre qui a eu un succès fulgurant mais que ses amis et sa famille ont vécu comme une trahison. Depuis sa plume s'est tarie, ses illusions se sont envolées, elle se noie entre l'impression d'avoir tout perdu et celle de n'avoir jamais rien possédé. Pour tenter de reprendre pied, elle replonge dans son passé en lisant les carnets qu'elle remplissait dans sa jeunesse : le rouge pour la politique, le bleu pour les autres, le noir pour sa mère.


Un roman à deux, trois, quatre voix même. Anna, idéaliste et rêveuse qui n'est plus qu'une blessure béante, celle d'avoir été trahie par son amant, par sa mère, celle d'avoir été rejetée plus tard et qui cherche dans ses carnets à refaire le parcours qui fut le sien. Celle de Mollie, la pragmatique, qui recueille sa soeur malgré sa rancoeur, qui se dit toujours militante mais peine à concilier ses idées gauchistes et la vie de nantie que lui procure son métier. Celle de Mélini, mère excentrique, égoïste qui ne sait pas aimer ses filles, mais aime à attirer l'attention, à être le centre du monde. Et de temps en temps, celle de Geneviève BRISAC qui intervient, pour préciser un détail, pour recadrer ses personnages, pour prendre le lecteur à parti. Cette construction originale qui mêle les parcours, les textes anciens consignés dans les carnets d'Anna, les poèmes dont elle se souvient, déboussole de prime abord, on se perd dans les lieux, les personnes, les dates. Mais très vite, on se laisse porter, on apprend à connaître les deux soeurs et ceux qui les entourent, on s'imprègne de l'atmosphère particulière aux cellules d'extrême gauche, un idéal romantique, un enthousiasme plein de fraîcheur qui se prennent de plein fouet les exigences du fonctionnement rigide et hiérarchisé d'une organisation politique.
D'ailleurs, la lutte révolutionnaire n'est qu'un prétexte pour évoquer des histoires de vie où jalousie, désamour, rivalité, tous ces sentiments petits-bourgeois, peinent à laisser la place aux grands idéaux désintéressés. L'humain est donc au coeur de ce roman qui touche aussi au besoin d'écrire pour exorciser le passé, pour en guérir...peut-être. Une belle réussite.
Commenter  J’apprécie          400
De son passé de révolutionnaire, Anna sort meurtrie parce qu'ayant écrit un livre sur sa vérité ,elle a été rejeté par ses camarades et en premier lieu par sa soeur Mollie.

Mais cette exclusion avait en fait commencé avant, lors du voyage du petit groupe au Mexique pour continuer le combat lorsqu'elle apprend qu'elle ne fait pas partie du premier départ et par la trahison de son amant, celui que tout le monde met sur un piédestal: Marek Meursault .

C'est un roman à multiples entrées: le combat révolutionnaire avec les belles années de jeunesse pour des causes qu'on croit les plus justes et la désillusion qui arrive sans crier gare pour Anna mais qui continue sous d'autres formes pour Boris avec l'occupation d'immeubles par les familles africaines .

Le monde littéraire par lequel Anna est d'abord encensée avant d'en être répudié, la liberté de parole dérangeant les bonnes consciences.

Les rapports souvent difficiles entre soeurs, la relation avec la mère et le besoin de reconnaissance et d'amour .

Le travail d'écriture, celui d'Anna qui a connu le succès et qui cherche à renaitre en écrivant de nouveau pour sortir dignement la tête de l'eau .

Cette écriture c'est aussi celle que pratique avec ferveur les manifestants lorsqu'ils inscrivent leurs slogans sur les draps avant de les brandir fièrement à la face du monde .

Genevieve Brisac s'est inspirée du Carnet d'or de Doris Lessing, l'engagement politique, le combat pour les femmes, l'écriture avec les carnets de différentes couleurs d'Anna.

Elle a choisi les mêmes prénoms, Anna et Mollie mais a emprunté à la poétesse juive allemande Rosa Ausländer le titre de son roman: Nous sommes devenus des épines dans les Yeux des Autres.

Ce roman est ponctué de façon très plaisante d'extraits de poèmes .

Mais j'ai eu une certaine difficulté à rentrer dans l'histoire, il est au début délicat de s'y retrouver entre les personnages et les époques et d'arriver à trouver le fil conducteur du récit.

J'ai été gêné également par une redondance de mots, une répétition de phrases , je n'ai sans doute pas su apprécier à sa juste valeur ce roman ...


Commenter  J’apprécie          200
Dans les yeux des autres de Geneviève Brisac est un roman dont les points cardinaux sont Nord-Sud-homme-femme, les narrateurs vous et moi (plus Yeats, Éluard et d'autres poètes), la ponctuation la famille, un roman où l'amour va en justice, le passé se met à parler et des cahiers retrouvés à réverbérer la liberté dans toutes les couleurs du langage. C'est un grand livre qui restera mais ce n'est pas une raison de ne pas le lire tout de suite. Vous rencontrerez Anna, Molly, leur mère Mélini, leurs amants Marek, Boris, Karim (noter les consonnes douces des noms féminins, le r qui tient lieu de coeur battant pour les noms d'hommes – tout, dans cette écriture précise et parlante, fait sens), et vous ne saurez plus vous passer de leur compagnie. Cela arrive souvent avec les oeuvres de Geneviève Brisac. Elle écrit du vivant ! Pourtant, le présent n'est pas le plus favorable à ces personnages-là. Ils ont fait la révolution, ils ont gagné et surtout perdu, on ramasse les morceaux et observe la logique des destinées : la vie continue. « La vie ordinaire mais écrite, comme disait Gustav Flaubert. » Écrite, voilà la clé. Sauvegarde et mise en lumière, soumettre le temps au rythme des mots, à cette implacable vibration. Vais-je oser dénombrer tous les personnages « secondaires » ? Un splendide florilège, des sans-papier protégés par Boris aux patients de Molly (médecin), des oncles agresseurs aux agents littéraires agressifs et un marabout que j'aimerais consulter, sachez qu'ils ont tous, ici, des droits. Ils peuvent être vrais. Ce ne sont pas des silhouettes. La figure de l'auteur non plus, par bonheur, elle se donne, elle n'abandonne pas son livre à sa simple écriture, elle l'annote, elle le commente, le questionne en cours de route, elle se relit par-dessus notre épaule et l'on entend alors son rire. Dans cette rentrée 2014, je n'ai eu l'occasion de lire aucune critique dans aucun journal qui daignerait accorder une seule ligne à la qualité littéraire d'un ouvrage. Je ne parle pas des détestables petites étoiles (marquer 5 en l'occurrence me paraît largement en-deçà de ce que j'estimerais juste). Mais comment c'est fait ? Quelles innovations, quelle modernité, post-modernité ou péri-modernité, méta-modernité, ce que vous voudrez ! Mais parlons-en. Dans les yeux des autres renouvelle la boîte à outils de la narrativité avec allégresse, distribuant la parole si largement, si généreusement, si démocratiquement, que je suis sûre qu'une de vos propres phrases les plus personnelles y figure. Au moins une. Je, tu, nous, vous, ils, elles et j'en passe, tout le monde intervient – et l'Histoire (des années 70-80) déploie son scénario. Conjuguer avec une telle liberté l'intime et le collectif (le collectif de l'intime et l'intime du collectif), rien que pour cela, c'est un livre-événement. le sang bat plus fort dans mes artères, ça va vite, ça se lit vite, trop vite – mais déjà, je le rouvre.

Ci-après : le lien vers la critique du Monde par Nils Ahl.
Lien : http://abonnes.lemonde.fr/li..
Commenter  J’apprécie          80
Molly et Anna, l'une est médecin, en dispensaire, l'autre écrivain, en panne d'inspiration après un livre à succès publié sous le pseudonyme de Deborah Fox. Elles ont milité ensemble dans une organisation semi-gauchiste, semi-terroriste, aux contours mal définis, qui les a emmenées aux quatre coins du pays puis au Mexique, en soutien à la révolution zapatiste du Chiapas. Dans son livre, Anna dit tout, tout ce qui était gravé dans son "carnet rouge", celui où elle notait au jour le jour sa vie de militante. Pas mal pour une "clandestine" !! Bien entendu, cela lui vaut l'ire de sa sœur et un procès en bonne et due forme. Des hommes et des femmes gravitent autour d'elles, la vie les a changés, en bien ou en mal, mais ils sont restés soudés les uns aux autres comme des poissons incapables de quitter le bocal où ils tournent inlassablement. Geneviève Brisac accumule les clichés sur cette génération, qui est pourtant la sienne, et les effets de style (on aurait envie de dire "de manche"), qui alourdissent le récit, ne compensent pas la "faiblesse du scénario". Difficile d'aimer ces personnages qui au fil du temps en arrivent à se détester sans être pour autant capables de vivre les uns sans les autres. Un vide existentiel est-il un bon sujet de roman ? On peut en douter, seul un François Mauriac aurait, peut-être, pu en faire quelque chose…
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
Telerama
27 août 2014
Le parcours militant de deux soeurs et de leur mère dont les voix se croisent superbement avec celle de l'auteur. Juste et ironique.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
(...)
elle s'est attardée sur un banc, a regardé ses pieds et le ciel, les gravillons du sentier, les arbres qui chancelaient dans le vent, les feuilles rouges aux branches, les feuilles au sol, déjà mortes. Elle a cherché du regard quelques signes, une ou deux pies, des moineaux dans une flaque. La plupart des humains qui étaient assis sur les chaises en fer ou sur les bancs de bois étaient seuls. Il faisait trop froid pour les amoureux. Le parc respirait la mélancolie habituelle une amertume douce, une absence d'espoir, ou alors un espoir faible, à petite amplitude , comme une respiration courte, domestiquée, rétrécie. Le contraire de l'esprit de la forêt.
Commenter  J’apprécie          206
Dehors : une rue étroite et sombre, des immeubles en béton. C'est la rue Séverine, du nom d'une femme libre dont Renoir fit le portrait. Elle créa des journaux, fut pacifiste, libertaire, tint chronique, signa souvent Séverin, aima la cause des animaux, se passionna pour la Révolution russe de 1917, fut deux ans journaliste à "L'Humanité", recueillit Jules Vallès chez elle à Paris, au 77 Boulevard Saint-Michel et sombra dans l'oubli.
Commenter  J’apprécie          264
8
Anna et Molly vont à un meeting

Anna a quinze ans, elle est assise dans un coin sombre du café que l'on nomme le Mathieu, un nom qui fait penser à un condisciple de Jean-Paul Sartre. Maheu, ce devrait être son nom. Tout ici fait penser à jeansolpartre, comme dit Boris Vian qui a écrit : « La vie c'est comme une dent, D'abord on y a pas pensé, On s'est contenté de mâcher, Et puis ça se gâte soudain, Ça vous fait mal, et on y tient. » À la fin du poème, on arrache la dent, on meurt?
Les banquettes son rouges, les garçon de café sont vêtus de noir et blanc, pingouins à l'ancienne, et le café crème mousseux ressemble à un gouffre, à un volcan dans lequel elle croit pouvoir s'engloutir. Elle devrait être rentrée à la maison pour le dîner. Là-bas sa chaise est vide et son assiette. Ne pas se contenter de mâcher, parce que ça se gâte soudain, ça vous fait mal et on y tient, alors Anna ne mange rien....

p.95
Commenter  J’apprécie          20
Venez, nous nous sommes trompés sur tout.
Il s'agit de faire de sa vie la matière d'une désillusion à décrire.
Elle les regarde s'éloigner.
C'est une chose déchirante, leur amour.
...Copie une phrase d'Isaac Babel: " Le coeur de notre tribu est enfermé dans un strudel, ce coeur qui sait si bien endurer le combat".
Commenter  J’apprécie          40
C'est drôle, pense Anna, l'amour en morceaux.
[...] Quand Anna a écrit A bas la mort, un roman qui mettait en scène leur vie à tous les cinq dans la petite maison, un roman où elle tentait de comprendre les trente premières années de sa vie, de comprendre Molly, de comprendre Boris, de comprendre les allées et venues entre les chambres, entre le hamac et la plage où couraient des chiens jaunes, les baisers volés, les cachotteries de Boris et de Marek, les disputes, les querelles politiques, les mesquineries politiques, la fabrication des explosifs pour la résistance chilienne et la fabrication d'explosifs d'une autre sorte, ceux de la haine amoureuse, elle n'avait pas encore saisi cela.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Geneviève Brisac (50) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Geneviève Brisac
Les nouvelles. Lecture de « Une société », par Anne Alvaro, Geneviève Brisac, Agnès Desarthe.
« … non seulement les femmes se prêtent moins aisément à l'analyse que les hommes, mais ce qui fait leur vie échappe aux méthodes habituelles par lesquelles nous examinons et sondons l'existence. »
autres livres classés : engagement politiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (130) Voir plus




{* *} .._..