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EAN : 9782757830116
144 pages
Points (30/08/2012)
3.35/5   13 notes
Résumé :

" Qu'est-ce que "la marche du cavalier"?

Un brusque écart sur l'un des côtés de l'échiquier. Une manière d'avancer puis de se retirer de la scène, de se regarder agir après avoir agi, d'inscrire le décalage entre la conscience de la narratrice et la manière dont elle est perçue : la marche du cavalier traduit une sorte de dédoublement symptomatique de la condition féminine.

Elle est aussi une tournure réflexive du roman mo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Deux sentiments jaillissent dès les premières lignes ; de la peine et de la fureur mêlées. L'artifice, le clinquant, le tapage, le battage. Tant de bruits, tant de lumière tout autour. Une clameur agressive et importune. C'est la perte du poids et de la mesure pour le langage et la parole. C'est la perte du sens et l'affaiblissement des mots. Leur environnement n'est que manipulation, transformation et calibrage. Des marchandises.
Partant de ce constat amer, Geneviève Brisac nous dit : « J'écris ce livre pour résister à la tristesse qu'engendre cet état des choses. J'écris ces pages pour puiser dans les livres que j'aime, dans les rêveries et les réflexions qu'ils m'inspirent, la force de penser. » Et les auteures de ces livres, les voici : Jane Austen, Virginia Woolf, Alice Munro, Grace Paley, Lidia Jorge, Christa Wolf, Natalia Ginsburg, Jean Rhys, Rosetta Loy, Sylvia Townsend Warner, Karen Blixen, Ludmila Oulitskaïa, Flannery O'Connor.
Vladimir Nabokov, empli de préjugés contre les femmes écrivains, affirmait qu'elles faisaient partie d'une autre catégorie... Que dire de cela ?
Geneviève Brisac, par ses mots, nous laisse donc entendre les voix de ces femmes. Nous ne les connaissons pas toutes mais immédiatement elles nous touchent. On perçoit l'écho en nous. Des résonnances. Pourquoi nous parlent-elles tant, ces voix ? Peut-être y voit-on une ressemblance ? Une compréhension se crée naturellement.
La création littéraire revêt bien des approches et des formes différentes. Ces femmes possèdent chacune leur style, leurs inspirations, leurs truchements personnels, leurs pensées, leur langage propre. La plupart d'entre elles ont dû s'armer de volonté, résister à la moquerie et au dédain, faire fi des préjugés. Toutes ont réussi à s'affranchir. Elles ont continué à écrire, malgré tout.
Elles extraîent le grotesque du quotidien, elles évoquent leurs peurs, croquent le monde telle qu'elles le voient, telle qu'elles le ressentent, elles expriment leur solitude, leurs colères, leurs sentiments...
Elles pratiquent l'ironie, la mise à distance. Leurs observations sont décrites tantôt avec une étonnante légèreté, une transparence, une crudité parfois. Toujours sincères et honnêtes dans leur démarche artistique. Certaines ne sont pas dénuées d'humour. Chez quelques-unes on sent la curiosité, l'expérimentation. Toutes ont un lien indéfectible avec l'enfance, qui nous constitue, qui nous construit. Elles captent des instants de vie, leurs essences. Certaines écrivent par ellipses, d'autres par touches légères – qui laissent pourtant des traces indélébiles, fortes, profondes –. Elles parlent d'elles, de leurs voisins, de leur famille, des passants, des fantômes... Elles se souviennent, elles imaginent, elles rêvent. Passent sans cesse de l'ombre à la lumière. Avec simplicité, humilité, naturel, elles font et défont la société dans laquelle elles vivent. Elles ont de l'audace. Leur regard est tantôt doux, tantôt intransigeant, tantôt détaché. Elles ont le désir de trouver la bonne voie, le bon mot. Des styles différents mais une même sensibilité.
Un essai sur la puissance créatrice libératrice, sur l'écriture des femmes écrivains, et sur la beauté de la littérature. Après cette lecture, nous n'avons qu'une envie : entrer dans les histoires et suivre les personnages créés par ces femmes-là.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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Face aux bruits et à l'urgence du monde contemporain, Geneviève Brisac a décidé de se plonger dans ses livres préférés. Elle y cherche rêverie et réflexion. Cette dernière se tourne vers un sujet qui lui est cher : les femmes écrivains. Peut-on parler de littérature féminine ?

La question se pose en effet lorsque l'on voit le mépris de grands théoriciens de la littérature envers les femmes. Geneviève Brisac choisit comme exemple le misogyne Nabokov. Ce dernier rechignait à lire Jane Austen. Une fois la chose accomplie, il reconnaît le talent de la demoiselle mais en le minimisant : "De ce panier à ouvrages, écrit-il, sort un exquis travail au petit point, il y a chez cet enfant quelque chose de merveilleusement génial. " le vocabulaire employé par Nabokov parle de lui-même. Pour essayer de répondre à la question de départ, Geneviève Brisac fait appel aux grandes dames de la littérature: Jane Austen, Virginia Woolf, Jean Rhys, Alice Munro, Karen Blixen, Sylvia Townsend Warner, Flannery O'Connor, Marine Tsvetaïeva, Ludmila Oulitskaia ou d'autres moins connues comme Grace Paley ou Rosetta Loy.

Pour Geneviève Brisac, la particularité de la littérature féminine ne tient pas dans le style. La syntaxe et les figures de style ne sont ni l'apanage des hommes ni celui des femmes. En revanche, les thèmes traités sont sans doute différents. Les femmes écrivains n'hésitent pas à parler de ce qui fait leur quotidien. Grace Paley, par exemple, écrit tout simplement sur ce qu'elle voit autour d'elle : les enfants au square, une promenade dans la rue, ce qu'elle aperçoit de sa fenêtre. Rien que de très ordinaire mais elle cherche à percer le mystère, la vérité de la vie à travers ces scènes. La vie est toujours plus complexe et agitée qu'il n'y paraît. Les femmes observent tout cela en faisant un pas de côté, c'est la fameuse marche du cavalier. C'est un terme employé par Nabokov pour décrire l'un des procédés stylistiques de Jane Austen. Il s'agit d'un décalage, d'un recul par rapport à l'action, à ce qui est décrit afin de percevoir la réalité différemment. La littérature féminine explore cela : chercher ce qui constitue l'âme, la conscience, les sentiments. Geneviève Brisac donne une très belle définition de ce que représente écrire pour elle et certainement est-ce le point commun des écrivains dont elle parle : "Écrire : nommer ce que nous vivons d'innommé et d'innommable, de confus. Écrire : interroger cet état somnambule qu'est presque toute vie. Nous ne savons ce que nous faisons, et sommes bouts de bois ramés flotillant sur la mer. L'enfant en nous le sait." Cette définition colle parfaitement au travail de Virginia Woolf qui cherchait à capter les milliers de sentiments qui nous traversent.

A travers ce court mais passionnant essai, Geneviève Brisac rend hommage à la littérature au féminin, à ces voix libres et sincères qui tentèrent de décrire la matière de la vie. Un essai brillant qui donne envie de découvrir tous les romans cités !
Lien : http://plaisirsacultiver.wor..
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Fameux essai sur la littérature féminine. Je ne ferai pas mieux que les autres commentaires mis en ligne par Nadael ou Titine 75. Aussi je leur laisse la parole.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Ces visites inutiles dans les librairies justifient à elles seules, à mes yeux, la tentative que je fais ici pour partager ma certitude: les livres les plus précieux, ceux dont la délicatesse freine l'accès, ceux de ces femmes que si peu d'autres femmes défendent, je ne sais pourquoi, ont besoin de notre énergie, ils font l'objet d'une incompréhension qui touche aujourd'hui la littérature entière, qui touche son essence et son objet.
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Un écrivain sait que les mots trahissent. Comme l'écrit Hofmannsthal, l'amour vrai du langage passe par la défiance à l'égard du langage. Le véritable écrivain se méfie des gens et des mots.
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Qu'est ce que « la marche du cavalier » ? Un brusque écart sur l'un des côtés de l'échiquier. Une manière d'avancer puis de se retirer de la scène, de se regarder agir après avoir agi, d'inscrire le décalage entre la conscience de la narratrice, et la manière dont elle est perçue : la marche du cavalier traduit une sorte de dédoublement symptomatique de la condition féminine à l'époque de Jane Austen. Pourtant, elle est aussi une tournure réflexive tout à fait pionnière du roman moderne, qui exprime le désarroi de l'homme désarmé devant la complexité nouvelle du monde, la solitude des foules, la perte du sens.
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Crier plus fort, exagérer davantage est le seul chemin de la parole du nouveau millénaire. On n'entend rien de ce qui articulé de manière naturelle ou légère, on ne sent rien qui ne soit brûlant ou glacé, torride ou horrible. Les viols ne méritent l'intérêt que s'ils sont perpétrés en série ou s'ils sont collectifs. Les killers sont sérial ou rien. Nous vivons dans un monde endormi et terrorisé par ses fantasmes. L'autisme social a triomphé.
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Elle (Rosetta Loy) dit : « Toutes les oeuvres d'art sont belles et parfaites et toutes sont en même temps hideuses et complètement ratées. Au moment où je commence un livre, il est plaisant, lumineux et en même temps, dès le début, une ombre affreuse le suit, une difformité écoeurante qui prend sa place, si bien que je ne le reconnais pas. Tout oeuvre d'art est à la fois idéalisation et perversion. Et le public a le pouvoir d'en faire définitivement un chef d'oeuvre ou une caricature. Quand le coeur des lecteurs est troublé, alors l'oeuvre d'art devient le chef d'oeuvre que je voyais au début de mon travail. Mais si le public refuse de la regarder, elle n'existe plus.
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Vidéo de Geneviève Brisac
Les nouvelles. Lecture de « Une société », par Anne Alvaro, Geneviève Brisac, Agnès Desarthe.
« … non seulement les femmes se prêtent moins aisément à l'analyse que les hommes, mais ce qui fait leur vie échappe aux méthodes habituelles par lesquelles nous examinons et sondons l'existence. »
>Littérature : généralités>Biographie littéraire>Œuvres composées par ou pour des personne de catégories déterminées (28)
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