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EAN : 9782021096675
288 pages
Seuil (02/01/2014)
2.94/5   16 notes
Résumé :
Avoir à la fois envie et peur de savoir. Désirer comprendre et être, d’avance, terrifié à cette seule idée. Tel est le conflit qui hante ce roman de Leopoldo Brizuela sur le Mal argentin des années de dictature et sa persistance jusqu’à ce jour.

Une nuit de 2010, l’écrivain Leonardo Bazán est témoin d’une effraction au domicile de ses voisins. Il ne s’agit pas d’un simple cambriolage mais d’une opération montée par une bande organisée escortée par une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
La littérature argentine contemporaine est presque dans sa totalité imprégnée de l'histoire du pays dans la deuxième partie du XXème siècle, jalonnée par les interventions militaires, dont la dictature de 1976-1983 en est le point culminant. Sept ans terribles, où s'inscrivent, 30000 “disparus”, 15000 fusillés, 9000 prisonniers politiques, 1,5 million d'exilés pour 32 millions d'habitants; ainsi que 500 bébés enlevés aux parents “disparus” et élèvés par des familles proches du pouvoir. Ce roman ne déroge pas à la règle.

L'action se situe une nuit de 2010 à La Plata, ville située à soixante kilomètres, au sud-est de Buenos Aires. Il est question d'une effraction au domicile d'un des voisins du narrateur, qui lui rappelle un incident identique, trente-trois ans auparavant, "les mêmes méthodes", et la même attitude passive de sa part, alors qu'il aurait pu intervenir. Pourquoi cette répétition ? alors que les temps apparemment ont changé.
Alternant les deux incidents à trentre-trois ans d'intervalle, le narrateur, un écrivain ( l'auteur?) remonte le cours du temps, par le biais de l'écriture . de cette fouille du passé, enseveli sous les cendres de la dictature et " au plus profond de lui-même ", de ce qu'il déterre, réussira-t-il à affronter et exorciser sa “peur de la peur” dans laquelle il vit depuis toujours, sortir de l'engrenage et faire son examen de conscience ?.....
La dictature appartient désormais au passé, mais les souvenirs et eux, “les bourreaux “, avec leurs cliques, la plupart amnistiés, sont toujours là. Comme quoi pas facile de nettoyer le Mal....même trente ans après, avec toujours l'éternelle question : À qui profite tout ce Mal ?

Une lecture éprouvante vu le sujet, dont j'ai trouvé l'approche psychologique intéressante.
Merci Bison...eh oui, toujours lui 😄!

"C'est ça écrire : chercher ce dont on ignore l'existence."

“Vont-ils savoir qui je suis, ce que moi-même je ne sais pas?”
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Leopoldo jouant une polonaise de Bach. Assis sur son tabouret, les doigts tremblants, des regards lourds sur ses petites épaules de 13 ans. Des inconnus, froids et sombres dans sa maison. Et puis un cambriolage dans la villa d'en-face. 1976, Buenos Aires. Un souvenir enfoui depuis plus de trente ans qui resurgit maintenant, en 2010. Leopoldo est devenu écrivain, laissant le piano de côté. Mais écrit-il réellement ? Sa vie semble vide. Et ce n'est que lorsqu‘un second fait du même ordre dans la maison d'en-face perturbe de nouveau l'équilibre de sa vie que cette période de 1976, lourde de conséquences, vient le hanter. 1976, le coup d'état, les zones de non-droits, les crimes sans noms, des disparus, par milliers, des mères courage, et son père. Témoin une seconde fois, mais justement doit-il témoigner, dans une Argentine où depuis des années l'on apprend le silence. Mais que signifie le silence pour un écrivain ? Et si finalement, c'était une étude de Chopin qu'il était en train de pianoter. Pourquoi se souvient-on de certains faits, et pas des autres ?

A 13 ans, il ne s'était pas rendu compte des enjeux qui se jouaient à cette époque. Trente-trois après, Leopoldo dépoussière les histoires d'antan. Cruelle désillusion, angoisse, antisémitisme, relents du nazisme, le passé est encore plus obscur que l'inimaginable. Mais c'est à ce prix que Leopoldo pourra de nouveau reprendre la plume et écrire. Son destin passe par le passé. Et même si pour cela il devra torturer son esprit, se sentir coupable au nom de l'enfant qu'il était à 13 ans, au nom de son père dont il apprendra bien trop tard son rôle dans cette sombre affaire avec les Kuperman, ceux de la maison d'en-face. Même si la vérité lui paraitra insupportable, le prix à payer, pour rester en vie, pour écrire simplement sa vie.

Une fois n'est pas coutume, je ne t'emmène pas dans l'Argentine de la Pampa. Oublie Florent Pagny, nu sous son poncho, le soleil brûlant les lèvres, et les bordels perdus entre deux ranchs de bovins pour boire une bière même fade et tiédasse. Ce soir, tu as le droit à l'Argentine de la fin des années soixante-dix. Pas très glorieuse, comme histoire, mais l'Histoire n'est-elle pas faite uniquement de ces drames et tortures au quotidien ? de mon regard d'enfant de cette époque, je n'aurais gardé que le vague souvenir de cette coupe du monde que souleva Mario Kempes dans son Estadio Monumental. Mais avec ce regard naïf d'enfants, la politique semble un bien étrange jeu où l'on se sent étranger et où l'on fait confiance à son père pour la comprendre. Et en cela, il m'a manqué quelques références, d'époque et politiques, pour bien suivre, partager la quête de cet écrivain à la recherche de la vérité et de fait de sa propre identité.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Il n'est guère facile de parler de ce livre exigeant dont la lecture - enrichissante - nécessite une grande attention.
L'auteur nous parle des heures les plus troubles et les plus violentes de l'histoire de l'Argentine, puisqu'il revient sur la période de la dictature et, au-delà, sur les séquelles que celle-ci a laissées sur la population et sur la société. Il le fait toutefois d'une manière singulière, puisqu'il engage le processus même d'écriture du livre que nous sommes en train de lire.
En effet, l'alternance des chapitres opère un va-et-vient entre un événement passé, que le narrateur a enfoui aux tréfonds de sa conscience, et la douloureuse tentative de faire remonter ce souvenir confusément réveillé par la survenue d'un événement comparable, une quinzaine d'années plus tard.

Le roman offre ainsi deux entrées également intéressantes.
La première concerne le fonctionnement de la mémoire. Par sa progression, le texte se veut au plus près des efforts effectués par le narrateur pour faire remonter le souvenir qui ne cesse de se dérober.
On a tous, un jour ou l'autre, fait l'expérience d'un souvenir ou d'un rêve qui produit des sortes de flash affleurant la conscience, remontant de manière fulgurante, mais sans toutefois se laisser saisir. C'est ce phénomène que retranscrit avec brio le roman. Ainsi des éléments parcellaires apparaissent-ils à plusieurs reprises dans le récit, le narrateur s'efforçant de les analyser, de les intégrer dans une chaîne d'événements pour leur donner une signification et une cohérence.

D'une certaine manière, ce texte m'a fait penser à l'oeuvre de Proust, quoique la démarche soit différente. Là où, notamment avec l'expérience de la madeleine, celui-ci essayait de remonter à l'expérience originelle, fondatrice, enfouie sous les différentes strates de la mémoire, Brizuela tente quant à lui de faire sauter un verrou apposé sur la mémoire, dans un véritable mécanisme d'autodéfense, pour éradiquer le souvenir d'un événement tellement douloureux qu'il aurait empêché toute possibilité de vivre. C'est un processus vital qui est donc engagé, et il y a d'ailleurs tout au long du roman un phénomène de balancier entre le désir et la crainte de renouer avec l'événement traumatique.
De ce point de vue, le livre est tout à fait remarquable.

La seconde entrée du roman réside bien évidemment dans le récit qui est fait de la dictature. Toutefois il ne s'agit nullement de la relation historique des événements, ni même du récit classique d'un destin singulier s'inscrivant dans l'Histoire.
Il s'agit plutôt de la restitution d'un climat anxiogène à l'extrême. A travers les mécanismes d'auto-protection que le narrateur a mis en place, c'est tout l'impact psychologique, les ravages opérés au plus profond des individus qui nous sont donnés à voir. Brizuela nous montre la manière dont ce type de régime instille en chacun un sentiment d'angoisse et de méfiance omniprésent. Ainsi, dans ce livre, les bourreaux ne sont pas placés au devant de la scène. Chaque individu apparaît comme un rouage potentiel, à un degré ou un autre, de cette terrifiante machine. En tout cas, nul ne peut se prétendre certain de ne pas être complice des exactions, même à son corps défendant, et c'est ce doute monstrueux qui laisse des traces longtemps après que le régime soit tombé.

Brizuela livre ici un témoignage d'une très grande force. Il nous offre un livre dense, brillant, mais aussi suffocant, par ce qu'il démontre et par le fait qu'en nous faisant entrer par l'écriture dans le cerveau même de son narrateur, il nous fait vivre cette expérience insupportable de la dictature.
J'avoue avoir dû très souvent faire des pauses dans ma lecture, même brèves, tant je ressentais le besoin de respirer et de m'extraire de ce climat oppressant.
Une étonnante et brillante expérience littéraire, que je remercie les Editions du Seuil et Babelio de m'avoir permis de partager.


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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La dictature militaire. Encore et toujours. Comment un romancier argentin, s'il est d'un âge moyen, pourrait-il faire l'impasse sur cette période noire de l'histoire du pays, avec son cortège tragique d'enlèvements, de tortures, de meurtres, de descentes de police, de délations et de "collaborations" ? le narrateur de la nuit recommencée est un écrivain qui, trente ans plus tard, revit un moment -l'irruption nocturne d'inconnus chez ses voisins- qui le ramène à ces "années là" lorsque, adolescent, il a connu pareille scène qui ne cesse de le hanter depuis. Mise en abyme, bouffées obsessionnelles de la mémoire, enquête douloureuse pour démêler les fils de cette première nuit cauchemardesque et éclairer enfin les raisons du comportement ambigu et inexplicable de son père. Leopoldo Brizuela travaille son texte au corps, délivre les informations au compte goutte, nous perd parfois dans des allers et retours incessants entre présent et passé. Quand le livre prend des accents didactiques, il se révèle moins intéressant. Quand il s'attache à la psychologie complexe de ses personnages : bourreaux, victimes, indifférents, il est passionnant. Finalement, le frontière entre la lâcheté et le courage n'est-elle pas une ligne de partage difficile à définir, fluctuante et subjective ?
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Dans « la nuit recommencée », l'auteur mêle deux événements, qui se passent au même endroit, dans la maison de ses voisins à La Plata, ville située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Buenos Aires. En 2010, la maison est cambriolée, avec la complicité de la police et lui, ne dit rien. Cette lâcheté dont il a conscience, fait resurgir le souvenir de l'enlèvement en 1976 d'une jeune femme, au même endroit, soupçonnée par la dictature d'être impliquée dans un réseau de financement des révolutionnaires. La mémoire se libère du passé : son père a collaboré avec la junte, il a aidé à l'enlèvement de cette voisine. A l'époque, l'enfant n'a rien dit non plus alors qu'il était témoin direct. Il s'est assis devant le piano et a joué alors que son père antisémite aidait à capturer une juive, d'ailleurs tout à fait innocente. Bach comme refuge devant l'absurde, fuite absolue devant ce père violent et cruel. Peut-on se remettre de ses lâchetés ? Ce beau roman, qui dérange et interroge, c'est la puissance des sentiments, la peur, la peur de la peur et la culpabilité.
En 1976, Leopoldo Brizuela a été témoin, comme son personnage, de ce qu'on appelait une opération «râteau», menée par les militaires et leurs agents, et il se souvient. Il cite Borges et Marcela Sola, il a lu le Journal d'Anne Frank alors qu'il avait 13 ans, il est pianiste, Chopin, Bach. Il se concentre sur les zones d'ombre de la relation père-fils mais également sur les méandres de l'âme humaine. le désarroi d'un homme qui se souvient et qui doute. Qui est suspect, qui est coupable ? Faut-il se souvenir et oser désirer comprendre pourquoi l'Homme est cruel envers ses semblables ? Faut-il du courage pour dénoncer les mauvais afin de protéger les innocents ?
Le texte est beau et prenant. On suit avec curiosité et intérêt cette histoire qui nous rappelle que les bourreaux sont parmi nous.
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critiques presse (1)
Lhumanite
10 février 2014
Un cambriolage ordinaire dans une petite ville argentine réveille chez le narrateur les souvenirs d’une autre nuit sous la dictature militaire. Il faudra qu’il passe par la fiction pour élucider ce qui s’est vraiment passé.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Qu’est-ce que le blocage de l’écrivain ? Ce n’est pas la simple incapacité d’écrire, mais l’impossibilité d’écrire en accord avec sa vérité profonde, en connectant son imagination au centre obscur de la personnalité qui exige de venir au jour sous forme de récit. Laisse-moi sortir ou je te dévore.
Or, il y a des années que j’ai le sentiment d’écrire en vain. Des choses vaines. D’être incapable de devenir digne de mon destin.
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Je comprends qu’ecrire est un moyen sans pareil d’éclairer le lien entre le passé et le présent.
Ce qui m’encourage à poursuivre, non pour informer, mais pour découvrir.
p. 45
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Rafles, descentes. Toujours avoir les papiers sur soi. Interdit de marcher sur le trottoir devant les bâtiments officiels : la sentinelle a pour ordre d’ouvrir le feu si l’on contrevient à la consigne. Les précautions deviennent vite des habitudes, pour ne plus avoir à y penser, pour oublier la peur. Il est obligatoire de déclarer les armes que l’on détient, de renouveler ses papiers, et urgent de figurer au nombre des vivants.
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Dans l'autobus du retour, je suis tourmenté par une image : pendant que je roule irrévocablement vers Tolosa, la mort vient à ma rencontre. Irrévocablement. Ou ne serait-ce que mon silence, cette forme de mort qu'implique le fait de ne pouvoir écrire? De nouveau le doute s’immisce en moi que je n'ai jamais rien écrit. Que je n'ai jamais rien pu écrire.
Que la vieille illusion de pouvoir écrire sur l'horreur et lui donner son nom pour m'en libérer était tout simplement irréalisable, n'était qu'une autre illusion, celle qui me permettait de continuer d'écrire, et parfois, tout au plus, de faire face à sa noirceur.
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On dit - comme, par exemple, les avocats des génocidaires dans les Juicios por la verdad, et c'est le principal argument qu'ils avancent pour demander l'absolution des bourreaux - que l'on ne peut juger une époque selon les critères d'une autre. Que l'on ne peut interpréter la guerre avec la terminologie de la paix.
Mais il est des débordements, des excès que même la guerre ne saurait admettre, comme celui que le jeune garçon que j'étais à l'époque avait pu apercevoir, bien que sans le comprendre - impossibilité qui l'a forcé à ensevelir ce souvenir au plus profond de lui-même pendant plus de trente ans.
p.134
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