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Critique de Takalirsa


Une écriture étonnamment moderne, autour d'une héroïne forte et indépendante !
Dans mon souvenir (vieux de vingt-cinq ans !), l'histoire de Jane débutait à Thornfield. En réalité, un quart du roman relate son enfance malheureuse, démontrant ainsi que dès toute jeune, notre héroïne, loin de se laisser abattre par l'injustice, développait déjà une force de caractère un brin rebelle. Malgré les coups de son cousin, les punitions de sa tante qui passe son temps à la rabrouer et la traite comme une domestique, Jane fait front, n'hésitant pas à exprimer avec franchise son ressentiment aux adultes. Les humiliations se poursuivent à la pension Lowood de l'ignoble Mr Brocklehurst - dans un premier temps du moins, car heureusement, de jolies rencontres attendent Jane. La sagesse de la jeune Helen Burns lui apprend à relativiser : "C'est faiblesse et sottise de dire que l'on ne peut supporter ce que le destin nous impose". Par ailleurs, la bonté et la douceur de Miss Temple, la directrice, lui redonnent la confiance d'affronter sa destinée : "Je n'aurais pas, à présent, échangé Lowood et toutes ses privations, contre Gateshead et son luxe de chaque jour".

Et puis voilà Jane accueillie à Thornfield par la bienveillante Mrs Fairfax et la vive Adèle : "Une phase plus douce de ma vie allait commencer". Sa première rencontre avec le lunatique mais fascinant Mr Rochester a un caractère quelque peu surnaturel : elle, entendant le cheval avant de voir le cavalier, pense aussitôt à une légende "où figurait un esprit du nord de l'Angleterre, le Gytrash, qui hantait les sentiers solitaires et surprenait parfois les voyageurs attardés". Lui, victime d'une entorse à cause d'une plaque de verglas, se demande s'il n'a pas affaire à une sorcière lui ayant jeté un sort ! Cet épisode caractérise parfaitement les deux penchants de notre héroïne : franche et vive d'esprit, ancrée dans une dure réalité, elle s'abandonne néanmoins fréquemment à une rêverie toute romanesque. L'oeuvre alterne d'ailleurs des scènes d'action et de dialogues rythmées, avec des passages plus descriptifs, presque languissants (et un peu longuets).

C'est la faculté de Jane à entretenir des échanges du tac au tac que Mr Rochester semble avant tout apprécier. La jeune femme n'a guère d'expérience du monde mais sait réfléchir et argumenter. Et surtout, elle lui tient tête en toute franchise ! Lui, "très fantasque et très brusque", questionne et ordonne. Son physique sévère ne fait pas de lui un bel homme mais Jane aime ce qu'il dégage : "Ses traits accusés, sans être beaux selon les règles, avaient pour moi quelque chose surpassant la beauté : un intérêt, une influence, qui me dominaient complètement et me retiraient la maîtrise de mes sentiments en les rivant aux siens. (...) J'avais appris à aimer Mr Rochester". Mais ces deux-là ne font pas partie du même monde... Quand Thornfield se fait le lieu d'accueil de mondanités, Jane est une fois de plus mise à l'écart par les "grandes" dames comme Blanche Ingram, méprisée, effacée, reléguée au second plan... bien que, ayant mûri, la situation ne l'affecte plus autant.

Enfin il y a ce rire quasi démoniaque provenant du troisième étage, et cette femme étrange que l'on nomme Grace Poole, qui confèrent au roman une dimension presque fantastique. L'auteur nous offre de savoureuses scènes nocturnes pleines de suspense, même lorsque l'on connaît (relecture oblige) le terrible secret de Rochester. Et puis malgré les années, je trouve que le style est resté très actuel, autant dans le vocabulaire employé que dans les tournures de phrases.

Jane Eyre, tout comme Emma Bovary ou encore la Nana de Zola, font partie de ces héroïnes de mon adolescence ayant contribué à me donner une image forte des femmes. Tenir malgré l'adversité, persévérer dans ses rêves, gagner son indépendance... autant de lignes de vie à suivre, encore aujourd'hui !
Lien : http://www.takalirsa.fr/jane..
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