World War Z, un nom qu'on rapporte plus à un film avec Brad Pitt qui parcoure le monde à toute allure pour le sauver, livrant ainsi une prestation très anodine (...) ; mais un film qui a eu le mérite de me donner envie de voir ce que donnerait réellement le livre...
Et je ne peux qu'en remercier Brad Pitt et les médiocres scénaristes en panne d'inspiration qui n'ont été rattrapés que par le talent du metteur en scène, car ce livre est un véritable chef-d'oeuvre ! Un roman d'anthologie qui nous narre, non pas une énième histoire de monde menacé par les zombies, mais celle d'un monde qui a presque totalement été anéanti par les zombies et ne s'est relevée qu'in-extremis, ou plutôt ne se relève qu'à peine et n'est pas encore très loin du fond...
En effet, l'humanité n'était pas préparée à faire face à la menace des morts-vivants, jusqu'à ce qu'il soit trop tard, et que son extinction soit toute proche... La population de la planète a été amputée de la majeure partie de ses êtres, et c'est plus de 12 ans après le tassement de la menace que nous faisons un point sur les événements qui sont arrivés, du début de la crise à l'éradication d'une majorité de la population humaine, et même animale.
Ce bilan, nous le faisons à travers les yeux, et les oreilles, d'un expert de l'ONU chargé de compiler les témoignages de nombreux survivants sélectionnés, et débusqués, par celui-ci, soit pour qualité ou la particularité de leur expérience, soit leur participation à la catastrophe, où à la solution...
De fait, cette oeuvre est réellement le récit de l'humanité, dans son ensemble, qui a été autant artisane de sa propre destruction, que de son sauvetage.
Elle est le récit, de comment la menace s'est répandue, comment l'appât du gain, et des marchés noirs, lui a permis de franchir les frontières... Mais aussi, comment les différents gouvernements et organismes censés protéger les populations, ont étouffé les affaires de la menace naissante, ou ont simplement choisi d'ignorer la nature de cette menace...
Un récit en deux parties dont la première est sans concessions sur la nature humaine, sans concessions sur ce à quoi peut pousser, certains êtres humains, le pouvoir de l'argent ou le goût du pouvoir sur les hommes ; sur ce à quoi peuvent pousser la vanité ou les vérités que l'on peut considérer comme universelles, ou acquises... Sur les extrémités d'ignorance ou de rejet de la réalité auxquelles certains êtres humains sont amenés, acculés, même face à la menace, même quand celle-ci gémit et gratte à la porte, lorsque celle-ci relève d'un domaine au-delà de leur compréhension...
La seconde partie de l'oeuvre est, elle, consacrée à comment les gouvernements et les armées survivants se sont organisés, ont muté, pour faire face à la menace d'extinction imminente que représentaient les morts-vivants. Ceci, sans toutefois tomber dans la banalité dans laquelle est tombé le film, mais plutôt en étudiant les conséquences politiques, et particulièrement géopolitiques, qu'ont pu entraîner l'extermination presque totale de l'humanité, amputée de, au minimum, quatre-vingt pourcents de ses membres. Pour chaque pays, selon leur histoire, et surtout selon les événements politiques et sociologiques qui ont rythmé la vie de leurs peuples dans les dernières décennies, Brooks a imaginé quelles auraient pu être les réponses, les changements opérés. Ici, point de héros, ou tout du moins de grands héros, mais juste une pléthore de quasi-anonymes, et quelques célébrités, blessés par les événements, autant physiquement que psychiquement, qui ont, pour certains, su se montrer des héros, d'une époque, d'un jour, d'une heure, ou d'un moment, ou ont eu l'occasion de côtoyer certains de ces héros, martyrs de la reconquête, au final, des héros, oui, mais les vrais, ceux qui combattent dans l'ombre... Et Brooks n'oublie pas non plus les parasites, les rapaces, et les déchets de l'humanité en tous genres, la lie qui aura su tirer profit de la situation...
Non, ce livre n'est pas un classique roman de guerre fictionnelle, ou un roman catastrophe ou survivaliste.
Non, ce roman relève en réalité du génie car au lieu de s'attarder, de s'appesantir, dans une énième oeuvre sur les morts-vivants, sur la menace, sur la fiction que représente ce danger,
Max Brooks, nous livre une étude sociologique, psychologique, politique, géopolitique, voire théologique de notre monde...
Mis à part la menace morts-vivants, et son origine virale,
Max Brooks n'invente rien, il ne fait qu'étudier et tirer les conclusions de la réalité de la situation de notre monde, et des événements qui ont rythmé ces dernières décennies.
De la réalité des relations d'Israël au monde et du monde à Israël, au climat politique chinois, en passant par les relations à la religion et à la politique dans la Russie de Poutine, ou la persistance du système de castes en Inde,
Max Brooks n'invente rien, n'extrapole même pas, il ne fait que retraduire les situation actuelles ou passées de ces pays, ou de ces populations, dans un contexte de guerre, ou plutôt de catastrophe apocalyptique, de conflit contre un ennemi qui n'a aucun but vénal, aucun agenda, et qui est entier et ne répond qu'à un seul et unique but : se nourrir de toute vie animale rencontrée sur son passage...
A chaque témoignage recueilli, on s'arrête pour réfléchir ; parfois on recherche des éléments d'information ayant trait à un domaine stratégique, militaire, politique, ou scientifique, particulier ; toujours, on en arrive à la même conclusion, la même terrible conclusion : tout ce que racontent les personnages de
Max Brooks a plus de neuf chances sur dix de se produire si jamais la réalité devait au moins égaler la fiction et que les lois de la biologie devaient être bouleversées au point de voir apparaître des morts-vivants ; tout ce que narrent les hommes et femmes ayant pris part de près ou de loin à cette quasi-apocalypse est entièrement basé sur des faits réels, et la seule donnée ajoutée est celle d'un ennemi sans réel but et qui ne fait même pas exprès de détruire, exterminer, ou même se multiplier...
C'est une oeuvre effroyablement en prise avec le réel, et c'est ce qui la rend si intéressante, car on en oublie toute la partie fictionnelle que représentent les zombies pour plonger dans cette décennie de massacres et de changements, et carrément la vivre avec les protagonistes des différents témoignages : des pays en proie au chaos de pseudo-démocraties choisissant la religion comme vecteur de rassemblement, aux pays ne trouvant rien mieux que d'entrer en guerre civile alors même que les morts marchent parmi eux, en passant par l'exode de Mr Tout le Monde vers une vie en mer dont il n'a aucune idée des rigueurs, ou les armées obligées de complètement revoir leur entraînement et leur équipement en raison de la menace et de la raréfaction des ressources, rien n'est laissé au hasard, rien n'est épargné au lecteur, celui-ci n'ignore rien.
A l'oeuvre principale est ajoutée un certain nombre de nouvelles, dont certaines ne sont que quelques témoignages de plus, mais dont une présente une énorme originalité : le point de vue non pas d'humains, mais de... Vampires !!!
Alors, oui... je vous vois venir, et je me suis fait la même réflexion : "Brooks mange à tous les râteliers, qu'est-ce que viennent faire les vampires dans une histoire entièrement ancrée dans la réalité, limitant le fantasque aux seules caractéristiques, impossibles scientifiquement parlant, des zombies ?!..."
Mais, encore une fois, l'auteur nous prouve qu'il fait partie des grands en nous introduisant les vampires comme des créatures biologiquement différentes, mais millénaires, des humains, mais différents, seulement, par la seule mutation dûe à la transformation par la morsure (plus un vampire façon Blade pour ceux qui connaissent le comic), et en se servant des vampires pour ancrer le virus transformant les vivants en morts-vivants dans l'histoire de l'humanité comme ayant toujours été présent, et toujours ignoré ou caché par les autorités, et n'ayant réussi à se répandre, et devenir un fléau planétaire, que grâce à l'inflation démographique et à l'accélération des moyens de déplacements des humains.
Une nouvelle dont Brooks se sert aussi pour renforcer le sentiment d'immensité, d'implacabilité, de la menace zombie car elle ne fait pas que nous donner ces précieuses informations, mais nous conte, surtout, l'extinction de la race des vampires, en marge de celle de la majorité de l'humanité...
Enfin, pour boucler cet ouvrage, Brooks a ajouté le Guide de survie, mais malheureusement, celui-ci est en quelque sorte une déception, et on sent que Brooks l'a écrit bien avant World War Z, et que peu retouché avant de l'ajouter à cet intégrale, avec des allusions à des formes de zombies qui n'auraient jamais été évoquées dans le cadre de la menace telle que vécue par l'humanité dans World War Z, ou certaines incohérences mineures (tellement mineures que dans une oeuvre classique, on ne dirait rien, mais Brooks a tellement fait preuve de minutie dans le reste de son oeuvre que cela choque...) avec des témoignages de soldats ou survivants.
En fait, l'intérêt réel de ce guide, c'est sa fin : un historique des événements rapportés, après coup, et une fois la menace des morts-vivants et du virus responsable révélés réels, à la présence de zombies, la réécriture ou l'écriture de petits événements de l'histoire, événements anodins, détails au regard de l'histoire ne coûtant, à chaque fois, que peu à l'humanité, mais nous démontrant, encore une fois, une dernière fois, que ce virus a toujours été présent dans l'humanité et que cette dernière n'a pu l'ignorer, et le tourner en objet de fantasmes et de fictions, que parce que ces menaces ont été, soit confinées naturellement, soit cachées à la face du monde par les dirigeants politiques et religieux.
Un guide qui, malgré tout, reste amusant à lire, mais parfois un peu pénible, et coûterait sa sixième étoile à ce livre si seulement on pouvait attribuer une étoile bonus pour les ouvrages exceptionnels !...
En fin de compte, un livre à lire absolument, que l'on soit fan de ce thème ou pas, car chacun saura y être ancré par la quasi-réalité des événements ; un livre à lire et à relire calmement, posément, pour saisir toute la portée de chaque témoignage ; un livre qui fait se dire qu'il est bon d'en connaître assez en sciences pour savoir que les bases sur lesquelles sont obligés de reposer les morts-vivants sont impossibles... mais, un livre que j'emmènerais sur une île déserte... on ne sait jamais... je pourrais peut-être trouver, alors, un intérêt tout autre au guide de survie !...............