Citations sur Murs : Les murs de séparation et le déclin de la souverai.. (12)
Le monde que nous qualifions désormais de "globalisé" recèle des tensions fondamentales entre l’ouvert et le barricadé, la fusion et la partition, l’effacement et la réinscription – des tensions qui concrètement, prennent la forme de frontières toujours davantage libéralisées, mais qui, d’un autre coté, impliquent un déploiement sans précédent de moyens, d’énergies et de technologies destinés à fortifier ces frontières.
Ces nouvelles barrières ont également ceci de frappant que, même si elles délimitent ou tentent de définir les frontières des état-nations, elles ne visent pas à parer aux attaques éventuelles d'autres souverains, ne sont pas des forteresses destinées à prévenir les invasions d'armées ennemies, ni même des boucliers de protection contre les armes utilisées dans des guerres interétatiques. Bien que la nature du danger soit variable, ces murs ont toujourspour cible des acteurs non étatiques et transnationaux-individus, groupes, mouvements, organisations et industries. Ils interviennent toujours dans le cadre de relations transnationales plutôt qu'internationales, et répondent toujours à des forces persistantes mais désorganisées plutôt qu'à des entreprises ou à des stratégies militaires.
Les murs de notre modernité tardive ont ceci d’ironique que, s’ils ont pour fonction de marquer et de mettre en œuvre la distinction entre dedans et dehors – la frontière entre "nous" et "eux", entre ami et ennemi -, ils apparaissent comme l’exact inverse quand on les appréhende dans le cadre de cet effacement des lignes de partage entre police et armée, sujet et patrie, vigilantes (Les Vigilantes sont des groupes ou des individus qui, pour pallier les failles de la loi ou l’incurie des autorités, se chargent de rétablir l’ordre, en toute illégalité) et État, droit et non-droit
"A l'intérieur, la souveraineté exprime un pouvoir qui n'a de comptes à rendre à personne; à l'extérieur, une capacité d'agir de façon autonome, y compris celle d'agresser d'autres entités souveraines ou de se défendre contre leurs attaques. Ces deux sens sont bien sûr liés, dans la mesure où c'est la suprématie sur le plan intérieur qui rend possible l'autonomie extérieure; l'autonomie vient du fait qu'un pouvoir suprême rassemble et mobilise un corps par ailleurs diffus-qu'il s'agisse d'une population diverse ou des inclinations diverses d'un sujet individuel. L'unité et l'indivisibilité sont donc importantes parce qu'elles rendent littéralement possible l'autonomie qui constitue le signe exterieur de la souveraineté. Loin, donc, de simplement unifier ou réprimer ses sujets, la souveraineté est engendrée par eux autant qu'elle les engendre. Elle promet de rassembler et de mobiliser les énergies d'un corps pour le rendre capable d'agir de façon autonome."
Dans le même temps, ils offrent une défense psychique qui projette au dehors un ensemble d’échecs internes ou systémiques, empêche de les reconnaître, et occulte la réalité intolérable de la dépendance, de la vulnérabilité nue, voire de la responsabilité de la violence coloniale dans un contexte de déclin du pouvoir souverain
Utilisés pour dépeindre ceux qu’ils excluent comme des envahisseurs et des hors-la-loi, les murs excluent littéralement toute confrontation avec les inégalités globales ou avec les formes locales de domination coloniale » ou « les murs remplacent la perception de rapports sociaux entrelacés par une fiction d’autarcie
A l’évidence, le mur a produit de nouvelles subjectivités politiques des deux cotés, et participe d’une architecture générale d’occupation qui vise à séparer les Palestiniens des Israéliens, ainsi qu’à renverser discursivement les sources et les circuits de la violence (en faisant passer l’agressivité palestinienne pour sa cause même)
affaiblie par des forces rivales, la souveraineté de l’État-nation, ou ce qu’il en reste, va affirmer son caractère théologique, non plus passivement, mais ouvertement et agressivement. Le désir populaire de restauration de la puissance et de la protection souveraines va donc lui aussi se nimber d’une aura fortement religieuse
Le mur est une technologie qui s’inscrit dans une approche à géométrie variable de cette situation, unique au monde, de peuples mêlés, de souverainetés défigurées, de terres spoliées.
Tous deux sont au fond des remparts inefficaces contre des pressions et des violences en partie générées par les entités politiques mêmes qui ont présidé à leur construction