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Critique de Presence


e tome fait suite à Putain de nuit ! et il reprend les 5 épisodes de la minisérie du même nom.

Tracy Lawless (le personnage principal de Impitoyable) termine difficilement son année au service de monsieur Hyde, l'un des principaux dirigeants du crime organisé. Pour être libéré de la dette de son frère, il lui faut accomplir une dernière mission : découvrir qui assassine des personnes censées être intouchables. Déjà, ça ne va pas être simple vu que Lawless n'a rien d'un détective. Mais en fait, ça va être vraiment compliqué car il faut compter avec la femme et la fille de Hyde, un militaire venu chercher le déserteur et une triade chinoise.

La première histoire de Tracy Lawless ne m'avait que moyennement convaincu car prendre un personnage principal bâti comme une armoire à glace, maîtrisant une palanquée de techniques de combat constitue une facilité scénaristique indigne de Brubaker. Pourtant, il reprend le même et il réussit à innover. Dès le départ Tracy Lawless indique qu'il n'a rien d'un détective et que la seule méthode qu'il connaisse repose sur frapper d'abord, poser des questions ensuite.

Malgré tout, le lecteur n'échappe pas à la scène où Lawless se prend une bastos et explique à la dame qui lui fait un bandage qu'il guérit vite (on dirait une réplique piquée à Wolverine, au secours !). Pour le reste, Brubaker multiplie les points de vue en introduisant de nouveaux personnages. Il prend bien soin de construire son intrigue autour de Lawless et de développer les autres personnages suffisamment pour qu'ils ne se limitent pas à de simples éléments de décors (même si on n'échappe pas à un ou deux raccourcis clichés). À nouveau Brubaker marie à merveille les différents ingrédients du polar urbain bien noir pour créer un récit qui ne se réduit pas à un simple hommage. Tout y est : la blonde fatale, les meurtres en pleine rue ou dans les toilettes d'un resto, le dealer qui se fait respecter en coupant les pouces de ses concurrents au tranchoir, la picole, l'amitié virile, les conversations dangereuses, etc.

Comme dans les tomes précédents, Brubaker s'intéresse aux smicards du crime organisé. Ces individus criminels ne vivent pas dans l'opulence, ils vivent du mauvais coté de la loi mais ils n'en appartiennent pas moins au prolétariat. Cet élément reste le seul commentaire social que Brubaker s'autorise.

À nouveau Sean Phillips exécutent les illustrations de ce tome avec une mise en couleurs de Val Staples. Ce dernier participe énormément à la création de l'ambiance si particulière qui règne dans la mégapole. Il a recours des couleurs auxquelles je n'aurai pas pensé : vert pale délavé, rose saumon, violet soutenu, orange tirant vers le rouge, rose tirant vers le violet, etc. Pour le quartier autour du bar Undertow, il s'emploie à créer une symphonie de verts à la fois déconcertante et à la fois parfaitement adaptée à l'entrée des marchandises.

Et puis il y a les illustrations de Sean Phillips, trompeusement simplistes, incroyablement chargées de tensions, de sensations fortes et de passions à fleur de peau. Ed Brubaker ne se prive pas de discussions et de dialogues qui s'étirent sur plusieurs pages. Non seulement Phillips sait rendre ces scènes visuellement vivantes, mais en plus il donne des informations complémentaires sur les sentiments non exprimés des personnages. À ce titre, la première entrevue entre Lawless et Hyde constitue une réussite magistrale. Brubaker fait parler ces 2 individus sur le constat d'échec lié à la personnalité de Lawless.

En même temps, Phillips chorégraphie les mouvements de Hyde pour raconter une autre histoire qui campe cet individu d'une manière magistrale. Il ne s'agit pas simplement des expressions faciales relativement en retenue dans la mesure où le patron et son sbire jouent une partie de pouvoir tendue, mais aussi des actes de Hyde pendant qu'il récrimine. Pour le reste, le lecteur retrouve avec plaisir l'étendue des registres graphiques auxquels Phillips a recours. le rendu des visages est selon le besoin d'une précision photographique, ou au contraire d'un schématisme jusqu'au boutiste, en passant par tous les nuances de la gamme. Les décors sont d'une précision redoutable pour que le lecteur puisse voir la texture des murs, la lumière blafarde des néons, etc.

Si le personnage principal n'était pas un tel cliché, j'aurai mis 5 étoiles à cette histoire. En effet, Ed Brubaker respecte l'un des fondamentaux du roman noir : il n'y a aucun espoir. Tracy Lawless semble mener une vie de damné en agissant contre ses principes, en tuant pour un patron de la pègre. Au début du récit, le lecteur a du mal à accepter aussi facilement que Lawless cet accord, ce purgatoire. Or la résignation de Lawless finit par être expliquée de manière très satisfaisante à la fin du récit. Il ne s'agit pas que d'une question d'honneur, il y a une motivation plus fondamentale et autrement plus réaliste.
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