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Alain Brossat (Traducteur)
EAN : 9782020330350
277 pages
Seuil (21/11/1997)
4.26/5   91 notes
Résumé :
En 1937, fuyant le nazisme, Margarete Buber-Neumann se réfugie en compagnie de son mari à Moscou. Accusée de "déviationnisme," elle est déportée en Sibérie, puis livrée à la Gestapo, et déportée à Ravensbrück. c'est dans ce camp qu'elle rencontre Milena Jesenska, journaliste inspirée, communiste, amie et lectrice de Kafka, avec laquelle elle noue bientôt une amitié qui passe outre à la terreur du camp. Milena mourra à l'infirmerie du camp, le 17 mai 1944. pour dire ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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« C'est le feu vivant tel que je n'en ai jamais encore vu …. En outre, extraordinairement fine, courageuse, intelligente et tout cela, elle le jette dans son sacrifice ou, si ont veut, c'est grâce au sacrifice qu'elle l'a acquis… » Franz Kafka sur Milena.

Margarete Beuber-Neumann est née en 1901 à Postdam. Auteure et journaliste allemande, militante communiste, elle épouse en seconde noces Heinz Neumann, l'un des leaders du parti communiste allemand. A l'arrivée des nazis, ils s'expatrient en Union Soviétique. Victime des purges staliniennes, accusé de déviationniste, Heinz est fusillé sans autre forme de procès. Margarete est arrêtée un an après, en 1938, et déportée dans un camp de travail. Selon les accords du pacte germano-soviétique, les ressortissants allemands communistes, réfugiés en Union Soviétique, doivent être livrés à l'Allemagne nazie : « rendons à César ce qui est à César ». Après avoir connu le Goulag, Margarete est transférée à Ravensbrück.

C'est en octobre 1940, à l'arrivée de Milena, au camp de Ravensbrück, qu'elles firent connaissance. Pendant la promenade des « nouvelles arrivantes », Milena se dirigea vers Margarete. journaliste avertie et lucide, Milena avait entendu parler du « marché » entre Hitler et Staline, concernant les militants antifascistes qui avaient émigré en Union Soviétique. Mue par son désir de vérité, informée du passé de Margarete, Milena souhaitait connaître la vérité sur ces restitutions. du jour de cette rencontre, naquit une amitié sincère et puissante entre ces deux femmes, une amitié poussée à son paroxysme par la perte de la liberté, la promiscuité, la violence, le choc de la détention et le sectarisme des prisonnières communistes, leur reprochant la lucidité de leurs propos sur l'Union soviétique.

Dans leurs conditions de vie inhumaines, à l'initiative de Milena, elles s'étaient promises d'écrire un livre ensemble dès la liberté retrouvée. Milena avait conscience de l'importance du témoignage. Elle envisageait un ouvrage « sur les camps des deux dictatures avec leurs appels, matin et soir, leurs colonnes de détenus en uniforme, marchant au pas, la réduction à l'état d'esclaves de millions d'être humains – d'un côté au nom du socialisme et de l'autre pour le plus grand profit de la race des seigneurs ».

Ce livre ne verra pas le jour mais Margarete, outre les récits, les confidences qu'elles ont pu échanger, au risque de leur vie, pendant les quatre ans de leur détention, aidée en cela par des amies et amis de Milena, parvient à nous restituer le plus fidèlement possible la vie de Milena Jesenska. Cet hommage est d'une grande valeur. L'écriture de Margarete m'a rappelé celle d'Anna Seghers. Un style riche, précis, fluide.

Dans ce récit essentiel, elle nous relate l'enfance de Milena, dresse le portrait d'une journaliste de talent, sa vision intelligente et clairvoyante, ses engagements qu'elle sait remettre en question, sa personnalité passionnée, intègre. Elle nous conte ses amours notamment son amour pour Kafka et leur rupture ; ce qui nous donne à découvrir et à savourer leurs échanges épistolaires. Sur le plan historique, on découvre la construction de la démocratie tchèque pendant l'entre deux guerres et son bouillonnement culturel, puis l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Allemands, les problèmes de la région frontalière, et l'occupation allemande avec toutes ses conséquences. Bien que ce soit une biographie, il y a aussi des chapitres évoquant la vie à Ravensbrück. Soumis à la captivité, côtoyant la mort, l'être humain modifie ses comportements. Margarete, avec le sens aigu de celle qui a vécu l'expérience des camps, sait nous mettre face à notre fragilité, notre impermanence, notre vulnérabilité mais aussi face à notre noirceur. Pour ma part, cette lecture fut pour moi, une mine d'informations et de réflexions.

Milena, personnalité passionnée, insolente, brillante, féministe, très cultivée, adepte très jeunes des milieux littéraires, douée d'une grande intelligence, commence sa vie professionnelle à Vienne où elle a suivi son premier mari. Dotée d'une capacité de travail impressionnante, journaliste au regard pénétrant, après son divorce, elle revient à Prague pour occuper un poste de journaliste politique. Elle s'engage au parti communiste en 1931 dont elle sera exclue en 1936 trop consciente du caractère inhumain de la politique communiste.

Hitler prend le pouvoir en Allemagne. Miléna passe les évènements au laser de son discernement ce qui lui permet d'identifier les menaces qui pèsent sur les libertés et elle n'hésite pas à dévoiler ses pronostics politiques tant sur la réalité soviétique que sur la réalité de la politique d'Hitler. Elle s'expose ainsi, allant à contre-courant de l'intelligentsia tchèque qui préfère fermer les yeux sur les exactions de Staline. L'Allemagne envahit la Tchécoslovaquie, elle est arrêtée et envoyée dans le camp de Ravensbrück.

J'ai beaucoup apprécié lire certains de ses articles dans le Pritomnost, découvrir les extraits des lettres qu'elle avait adressés à Max Brod lors de sa rupture avec Kafka. Elle a rédigé un article particulièrement touchant, vibrant, lors du décès de l'écrivain Karel Capek. Elle avait un réel talent !

Sa plume est poétique, élégante mais elle peut être à double sens lorsqu'elle tient à faire passer un message.

C'est un très bel ouvrage que celui de Margarete Beuber-Neumann, un témoignage très émouvant en l'honneur d'une femme libre, très investie dans ses engagements qu'ils soient professionnels, politiques, comme son engagement de résistante. Jusqu'au bout, elle se sera battue contre l'injustice.

Milena est décédée à Ravensbrück le 17 mai 1944 veillée par Margarete Beuber-Neumann.

« Je retrouvai le liberté et exécutai le testament de Milena, j'écrivis notre livre sur le camp de concentration. Peu avant sa mort elle m'avait dit un jour : « Je sais que toi, au moins, tu ne m'oublieras pas. Grâce à toi, je peux continuer à vivre. Tu diras aux hommes qui j'étais et auras pour moi la clémence du juge…. » Seules ces paroles m'ont donné le courage d'écrire cette vie de Milena. »

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C'est un livre bouleversant, poignant.Celui de l'amitié guidant notre découverte d'une femme au caractère fort et particulier, une femme fascinante, qui fut l'égérie de Kafka: Milena, racontée par l'auteure.

Découverte aussi de l'univers tchèque, au moment de la montée du nazisme.De la volonté de destruction des auteurs engagés et de ceux qui militent contre le danger du totalitarisme.

Milena et Margarete trouveront dans leur amitié une force les aidant à survivre aux camps de concentration, elles puiseront en elles des capacités de résistance et d'entraide qui forcent l'admiration.

Ce livre est un beau témoignage d'une amitié sans failles.

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Margarete Buber-Neumann, communiste et épouse d'un dirigeant communiste allemand, a été emportée par les courants monstrueux de l'histoire du XXème siècle. Réfugiée à Moscou après le triomphe de Hitler dans son pays, elle fut condamnée et envoyée dans un camp de travail soviétique, avant d'être livrée aux Nazis par Staline, en 1940. Incroyable ! Elle se retrouva internée au camp de Ravensbrück, où elle réussit à survivre. Plus tard, lors de la défaite allemande, elle réussit à échapper à l'Armée Rouge.
Mais c'est à Ravensbrück qu'elle rencontra une autre déportée, Milena Jesenská, de nationalité tchécoslovaque. Cette femme en tout point remarquable, qui exerça le métier de journaliste et fut l'amie de Franz Kafka, eut une relation intense avec Margarete Buber-Neumann, dans les conditions terribles du camp de concentration; Milena y est morte d'épuisement en 1944. L'auteur consacre à cette femme ce long livre, particulièrement riche et émouvant. Comme l'indique le titre, il s'agit de la biographie de Milena; son enfermement à Ravensbrück occupe une place importante. Tout lecteur est plongé dans l'univers concentrationnaire qui, même après diverses lectures sur le sujet, reste sidérant. C'est un livre très instructif et sans complaisance sur un monde cruel.
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Le 21/10/1940, Margarete Buber-Neumann et Milena Jesenska font connaissance à Ravensbrück. Margarete arrive du goulag sibérien où elle a passé près de 2 années. Arrêtée à Moscou en 1938, une année après son mari, Heinz, fusillé sans procès, elle sera livrée aux sbires de Hitler en 1940 par le NKVD de Staline, après le pacte odieux des deux personnages. Son parcours est connu des prisonnières communistes du camp, et c'est à ce titre que Milena souhaite la rencontrer. Malgré les conditions de vie pénibles et la surveillance quasi permanente autour d'elles, elles deviennent confidentes et amies. Ce livre est donc le gage d'un serment fait à Milena lors de leurs conversations-promesses : un livre écrit à deux, après l'horreur, pour témoigner. La mauvaise santé de Milena ne lui permettra pas de sortir du camp en vie. Son amie, Margarete, tiendra parole. Elle remontera à la source pour nous décrire les jeunes années de Milena dans sa Bohême natale, l'éducation reçue par un père autoritaire, peu aimant, orpheline de mère à 13 ans ; sa jeunesse libre, ses relations amicales et amoureuses, sans tabou de religion, de nationalité, de langue. Elle épousera un juif allemand et devront fuir à Vienne car son père est antisémite. Là bas, elle s'ouvrira à la vie littéraire. Elle rencontrera Kafka pour traduire une de ses nouvelles. Leur liaison sera brève, mais féconde en échanges épistolaires. Après son divorce elle reviendra à Prague, sera journaliste, épousera un architecte et aura une fille. En 1931 elle adhère au PC et s'en fera exclure en 1936 pour incompatibilité d'opinion. Quand l'Allemagne nazie occupe la Tchécoslovaquie, elle entre en résistance et aide les juifs à quitter le pays. Arrêtée par la Gestapo en 1939, elle est envoyée à Ravensbrück en 1940 où elle travaille à l'infirmerie. de santé fragile, elle y meurt de néphrite en 1944.
Margarete a quitté le camp en avril 1945, fuyant le pays à pied avant l'arrivée de l'armée rouge pour rejoindre sa famille en Bavière. Elle a aussi écrit « Déportée en Sibérie » en 1949 et « Déportée à Ravensbrück ». Une femme forte et intègre.

Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Un livre de femmes exceptionnelles. L'auteure, l'épouse du dirigeant du parti communiste allemand. Ils ont fui à Moscou mais Staline les a rendu à Hitler au moment du pacte. Son mari sera promptement assassiné, elle ira dans les camps. Miléna, ce fut la muse de Kafka. Une femme cultivée qui lui fit écrire les sublimes lettres à Miléna. On a beaucoup parler de la sexualité de Kafka. Max Brod a supprimé dans ses écrits tout ce qui pouvait paraitre érotique. Quant à sa relation avec Milena, tout porte à croire que ce ne fut pas que des mots. Résistante, arrêtée, elle fut internée dans le même camp que Margaret. Elle y mourut du typhus. La rencontre de ces deux femmes fut à l'origine d'une amitié profonde. Dans ces temps formaté, ou l'indignation tient lieu de tribunal, je trouve rafraîchissant qu'à une époque ou une opinion pouvait vous mettre en danger, des femmes fortes ont eu la liberté de vivre ce qu'elles souhaitaient.

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Joachim von Zedtwitz qui voyait alors Milena presque tous les jours, était avant tout fasciné par ses grandes capacités politiques. "A cette époque, raconte-t-il, Milena ressemblait à Churchill. Elle avait les mêmes bourrelets de chair au-dessus des yeux qui exprimaient sa force, la même intelligence formidable dans le regard, une bouche quelque peu asymétrique, avec ses commissures rentrées, un visage exprimant un esprit de décision que rien ne peut arrêter." En fait, la ressemblance avec Churchill n'était pas le fruit du hasard : c'étaient les mêmes dons politiques éminents qui se reflétaient dans des traits de physionomie caractéristiques. "Son écriture révélait aussi ses dons pour la politique, affirme Zedwitz. Son écriture, avec ses jambages bien dessinés, parfaitement parallèles, très nette malgré les fioritures dont elle s'ornait, portait le signe d'un personnalité habitée par des passions multiples et qui s'était disciplinée à force de volonté." Il est intéressant de noter ce que Max Brod dit, lui aussi, de sa remarquable écriture : "Son écriture présente, me semble-t-il une certaine similitude avec celle de Thomas Mann ; c'est là chose très rare car l'écriture de Thomas Mann, dans sa première période surtout, semble être quelque chose d'unique."

Page 186 - Zedwitz et Milena faisaient partie du même réseau
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Toute sa vie durant, Milena souffrit de sentiments de culpabilité, se méprisant chaque fois qu'elle subissait un échec. Elle ne surmonta jamais la douleur que lui inspira sa rupture avec son père (rejetée par son père à la suite de son mariage avec Ernst Polak au motif qu'il était juif) . A l'époque de ses amours avec Kafka, cette blessure qui ne devait jamais guérir était encore grande ouverte et la tourmentait sans relâche. Qui aurait pu mieux comprendre une telle douleur que Kafka qui, toute sa vie durant, souffrit dans ses rapports avec son père ? Désireux de lui montrer combien il la comprenait, il fit lire à Milena sa "Lettre au père".

Page 89
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Trois années seulement avaient passé depuis que Heinz avait disparu à Moscou, emmené par le NKVD ; trois années pendant lesquelles je n'avais cessé d'imaginer le sort atroce qui lui avait été sans doute réservé et avais perdu tout espoir de le revoir un jour. Et voici que Milena rouvrait cette plaie. Le désespoir, si péniblement refoulé, m'envahit. Peu nombreux sont ceux qui ont le don de consoler. Savoir consoler, c'est savoir vivre, partager le chagrin de l'autre. Milena, elle, sut m'aider à guérir, elle trouva le chemin de mon cœur.


Camp de Ravensbrück - page 20
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C'était souvent la conduite d'un détenu qui faisait qu'il était frappé ou non. On peut dire sans exagération que de nombreux visages, avec leur expression craintive et servile, appelaient les coups des SS. "C'est l'essence même de l'angoisse, disait Milena, on ne peut pas rester en place... Simplement, en restant debout, je fais face calmement à ce que je ne connais pas, je me prépare à affronter cet inconnu... Mais, pour pouvoir le faire, il faut de la force ; et cette force, l'individu ne l'a qu'aussi longtemps qu'il ne sépare pas son destin de celui des autres, qu'il ne perd pas de vue l'essentiel, qu'il a la conscience profonde d'appartenir à une communauté. Dès qu'il n'est plus qu'une conscience isolée, il cherche dans son âme un prétexte pour s'évader. La solitude est, peut-être, la plus grande malédiction qui existe sur terre...
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Perdre sa liberté ne signifie pas, pour autant, ne plus avoir besoin d'amour. Au contraire, le désir de tendresse, le désir de la présence consolatrice d'un être aimé devient plus puissant encore en captivité. A Ravensbrück , les unes cherchaient le salut dans l'amitié de femme à femme, d'autres parlaient beaucoup d'amour et d'autres encore poussaient leur fanatisme politique, voire religieux, jusqu'aux limites de la compensation érotique.

page 60
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