La fin des dinosaures

Avec plus de vingt ans de recul, on peut dire que l'article publié par la revue Science en juin 1980 compte parmi les publications qui ont infléchi l'histoire des idées dans le domaine des sciences de la Terre. Ses auteurs étaient Luis Alvarez, Walter Alvarez, Frank Asaro et Helen Michel, ces deux derniers étant les géochimistes qui avaient réalisés les délicates mesures de teneur en iridium. Cet article annonçait l'existence de l'anomalie en iridium à la limite Crétacé-Tertiaire et l'expliquait par l'impact d'une météorite d'une dizaine de kilomètres de diamètre (les dimensions étant estimées à partir de la quantité d'iridium supposée présente à la surface du globe, elle-même calculée sur la base des teneurs observées à Gubbio). Mais le groupe de chercheurs allait plus loin, suggérant que cet impact était aussi la cause de l'extinction des dinosaures (et plus généralement de l'extinction en masse de la limite Crétacé-Tertiaire).

En ce qui concerne la Lune, on l'a dit, beaucoup d'astronomes virent longtemps dans ses cratères des structures d'origine volcanique. L'un des premiers à soutenir qu'ils avaient été formés par des collisions de météorites fut Alfred Wegener, dont le génie ne se limitait pas à la dérive des continents...

Il y a à peine plus de 200 ans, lorsque Georges Cuvier annonça à la fois au monde savant et au grand public que d'innombrales espèces animales s'étaient éteintes au cours des temps géologiques sans laisser d'autres traces que des fossiles, l'étonnement fut grand, tout comme l'admiration pour le naturaliste qui était parvenu à une découverte aussi extraordinaire.

Il n'est pas toujours de bon ton, en histoire des sciences, d'attribuer à un seul homme le mérite d'une révolution scientifique, d'une pensée spectaculaire ouvrant la voie à une science nouvelle. Aussi controversées que sa personnalité et même son œuvre aient pu l'être, Georges Cuvier (1769-1832) n'en demeure pas moins celui qui, plus que tout autre, fit de la paléontologie une science à part entière. De surcroît, c'est en démontrant de façon indiscutable la réalité de l'extinction des espèces, et en donnant les moyens méthodologies de la mettre en évidence, qu'il fonda vraiment la science des fossiles.

Pour Darwin, l'apparition de formes nouvelles et la disparition de formes anciennes sont intimement liées. La compétition la plus sévère est celle qui s'exerce entre des formes qui se ressemblent étroitement, parce qu'elles occupent les mêmes niches écologiques (pour utiliser un terme moderne). C'est pourquoi les descendants modifiés d'une certaine espèce provoquent souvent la disparition de l'espèce parente. Mais cela n'empêche pas que la compétition s'exerce aussi à l'occasion entre espèces appartenant à des groupes très distincts et conduise à l'extinction des moins bien adaptées.