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Sophie Benech (Traducteur)
EAN : 9782070771615
304 pages
Gallimard (06/01/2005)
4.07/5   7 notes
Résumé :

"Les canons grondaient, tirant des boulets taillés dans les moraines des glaciers préhistoriques. Des caravanes hanséatiques se traînaient dans le brouillard. Le diable en personne, sous l'apparence d'un Poisson monstrueux, exhibait son épine dorsale au-dessus de la plaine de Frisches Haff. L'aubépine était en fleur. L'églantine. Cela sentait la pomme. A toutes les saisons de cette éternité tombait une plu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Inqualifiable , ce recueil de trente nouvelles, aux personnages récurrents, d'Iouri Bouida, dont je viens de lire le troisième livre.
“La fiancée prussienne”, qui donne le titre au recueil, et le débute en guise de préface, nous indique, que nous sommes dans la région de Kaliningrad, l'ancienne Prusse-Orientale, enclave autrefois allemande entre la Pologne et la Lituanie, devenue soviétique à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Une terre désormais prisonnière de mythes et légendes.
L'auteur y est né, à Znamensk. À travers une chaîne de trente saynètes, il nous conte l'histoire d'un personnage ou d'une famille de cette petite ville , dans les vingt ans suivant la Seconde Guerre. Bien qu'embourbée dans une misère totale aussi bien affective que matérielle, et où la violence, dans tous les sens du terme soit le lot du quotidien, chaque personnage est émouvant, chaque épisode, un enchantement.

Cinquante deux hêtres, et une femme mystérieuse que son mari cache au monde, vu de dos et dont il n'a entendu que la voix.....ce quelque chose d'insaisissable qui nous charme et nous fascine par une courte formule : “un je ne sais quoi “,
Des réflexions fascinantes qui séduisent l'âme.

“Silhouette racontait qu'il gardait avec soin le portrait de son ex-femme d'une beauté indescriptible ..... “ quand K. appelé pour repeindre l'appartement , reconnaît Maryline Monroe sur la photo....,
Un humour cocasse qui fait sourire.

Éva-Éva, la courageuse beauté russe aux yeux d'or, " celle qui éveillait chez tout le monde un pressentiment poignant, la prémonition d'un amour généreux et d'un bonheur inépuisable....",
Un destin tragique qui émeut .

La vieille Trois-Chats, une misère innommable, qui bouleverse......

À travers les mots et l'imaginaire de Bouida, on passe dans une même épisode, par toutes les gammes de sentiments,
Du dégoût à l'enchantement total, qui vous étourdit complètement (Rita Schmidt N'importe qui),
De la crasse la plus totale d'où surgit une réflexion humaine, qui vous éblouît ( Via-Petite-Tête),
Des pseudos très particuliers attribués aux personnages, comme la Jument ( femme corpulente à l'ossature épaisse), le Dandy (type miteux qui végète dans un grenier), Vita-Petite-Tête (énorme mastodonte avec une minuscule tête au bout d'un long cou d'enfant), Achtung et Cie, qui créent un contexte de personnages de BD à la Disney, le burlesque remportant souvent sur le tragique de la situation, qui vous déroute ( "Emportée par les eaux"),
Des rêves éveillés aux chutes cruelles mais éblouissantes, qui vous secouent,
Un trésor, ce livre !

Iouri Buoida est un immense auteur, à mon avis méconnu , porte-parole des oubliés, des paumés et des dépossédés du régime autocratique de sieur Poutine que je conseille à tout le monde de lire au moins un de ses livres, pour accéder à son univers étrange mais ô combien familier.

"......je songe à ce qui continue à échapper aux définitions et sans quoi la vie est inconcevable."
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Trente nouvelles dans ce recueil qui forment une grande fresque, qui peut faire songer à certaines scènes des tableaux de Brueghel l'Ancien comme « Le combat de Carnaval et Carême » ou à Jérôme Bosch.
En effet, ces trente textes sont autant de tableaux qui peignent les habitants et l'environnement d'une petite ville de Prusse orientale du nom de Wehlau qui à la fin de la seconde guerre mondiale, après l'occupation par les soviétiques fut renommée Znamensk et fit alors partie de l'oblats de Kaliningrad situé entre Pologne et Lituanie.

Dans la première nouvelle « La fiancée prussienne », en guise de préface, Bouïda
nous explique la situation de son pays natal où « Les ombres et les secrets appartenaient à un autre monde qui avait sombré dans le néant. Et pourtant, étrangement ces ombres et ces secrets (peut-être des ombres d'ombres, des soupçons de secrets) font partie de la chimie de mon âme. »
Un pays entre Vistule et Niémen : « Ma petite patrie a un passé allemand, un présent russe, un avenir humain. » car « les rêves n'ont pas de nationalité » et « Un écrivain c'est-à-dire un rêveur, ne vit pas à Znamensk ou à Wehlau, mais à la fois ici et là, mais en Russie, en Europe, dans le monde. »
On retrouve aussi un coeur vivant au-delà de la mort, comme dans « Potemkine ou le troisième coeur », une montre en forme de coeur ayant appartenu à une jeune morte qui la portait au poignet. « Quelle heure est-il ? L'éternité « (extrait d'un poème de Mandelstam) p 17

Iouri Bouïda va ramener à la vie, pour lui et pour nous, tous les habitants, devenus des ombres, qui ont animés de leurs fantaisies, de leurs joies et de leurs peines cette petite ville de Znamensk-Wehlau dont il fait une totalité en réunissant passé et présent.
car «  Entre les vivants et les morts, les relations d'amour existe en tant que manifestations suprêmes de la mémoire, autrement dit, ce sont les relations entre un fiancé idéal et une fiancée idéale. Et c'est le Verbe qui est le four dans lequel l'amour devient la chaux qui nous cimente. »

Vont défiler dans une union de grotesque et de tragique, entre onirisme et réalité, bien difficile à départager, des personnages inoubliables, tous plus attachants les uns que les autres même s'ils sont fous ou alcooliques (« des irréparables, c'est ainsi qu'on appelait les ivrognes dans notre ville p 121), dont certains se retrouvent d'une nouvelle à l'autre :

Dans « Mes soeurs les alouettes », Quart-de-Litron fils de Demi-Litron qui toute sa vie avait rêvé d'être seul mais va marcher sur les traces de son père et se mettre « à fréquenter Zoîka-du-combinat-de-viande, une célèbre gourgandine locale pourvue d'une terrifiante force féminine grâce à un régime de viande crue ». p 33


« Charlie Chaplin »,
était le surnom que la Pétardière avait donné à cette locomotive courtaude avec une drôle de cheminée bedonnante. du coup, c'était aussi comme ça qu'on appelait son mécanicien, Piotr Fiodorovitch Issakov, bien qu'il n'eût pas la moindre ressemblance avec le célèbre comique, d'ailleurs il ne s'intéressait absolument pas au cinéma.

Vita-Petite-Tête,
L'homme ne diffère de l'animal que par sa faculté de mentir. Notre idiot du village, Vita-Petite-Tête, ne savait pas mentir. Son père, un homme sévère, avait bien essayé de lui apprendre à remonter une pendule à heures fixes afin d'insérer son fils dans une existence humaine bien réglée, mais il n'avait pas réussi.

La Mignonne et La Minuscule,
surnom de Macha et Marina trouvée dans un corbeille en osier, à moitié gelées collées aux tétons d'une chienne répondant au sobriquet de Bertha.

Andreï-le-Photographe,
personnage bien connu chez nous, célèbre pour les inscriptions émouvantes et d'un laconisme fulgurant qu'il composait pour les pierres tombales et les alliances (5 roubles pour une ligne en prose, dix pour un vers)
Epitaphe inscrite sur la tombe de Kolka-le-Roumadaire, le plus grand fumiste de la ville et notre principal poivrot : « Si c'était toi qui gisais là, ce serait moi qui lirais ça. »

et bien d'autres…. que l'auteur rassemble partiellement, en guise de conclusion, dans le dernier texte intitulé « Bouïda » où il se plaint dans un premier temps de n'avoir pas de surnom convenable, contrairement aux habitants de sa petite ville, pour finir par nous avouer en conclusion que le mot « bouïda » signifie « mensonge, affabulation, conte, balivernes » et en même temps « conteur, menteur, fabulateur ».

« Bouïda, c'est bouïda. Un conteur, c'est un conte, et je n'ai là aucun mérite. de même qu'un homme n'a aucun mérite à posséder un coeur, même si ce coeur est vert. »

Est-ce bien utile de préciser que ces nouvelles qui constituent autant de chroniques de la vie à Znamensk-Wehlau m'ont enchantée et que ce livre est un grand coup de coeur, celui de Bouïda que j'ai préféré.
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Après la très bonne découverte de "Le train zéro" (1994), j'ai tenté de m'intéresser aux productions ultérieures de Iouri Bouida et n'ai pas trouvé la même veine (et c'est un euphémisme) dans "Yermo" ni "Les aventures d'un sous-locataire". Je tente donc La fiancée prussienne qui est de 1998.

Un ensemble de nouvelles évoquant un passé (un peu mythifié à la Leskov) de la région de la Prusse orientale passée en 1945 à l'URSS suite aux accords de Yalta. 30 nouvelles sur 288 pages, sachant que l'une d'elles fait 60 pages, les autres sont donc des vignettes très brèves de quelques pages en général. Malheureusement, et justement hormis la très intense et cruelle "Rita Schmidt n'importe qui" de 60 pages, beaucoup peinent à dépasser le statut de carte postale d'un style d'écriture très élaboré mais d'un contenu qui ne m'a pas vraiment fait vibrer et dans lesquelles j'ai peiné à trouver une unité réelle. Dommage, car "Rita" contient l'essentiel du sujet de l'exode des allemands en 1945, la difficulté d'être de ceux qui seraient restés et tout ce qu'il fallait pour un développement romanesque moins frustrant que les autres nouvelles trop brèves que j'ai trouvé plus exotiques que bouleversantes.
C'est écrit avec beaucoup de soin mais l'intérêt m'a semblé inégal et surtout je suis frustré de voir le potentiel de "Rita" comparé au reste.
Un point de vue personnel qui ne vaut que ce qu'on lui portera comme intérêt.
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Königsberg prit le nom de Kaliningrad en 1946, lorsque l'URSS reçut ce territoire en dédommagement des destructions et des pertes subies lors de la guerre.
La population allemande subsistante reçut l'ordre de quitter ce territoire en quelques jours avec le droit d'emporter seulement quelques affaires personnelles. La population implantée par l'URSS s'installe alors ...

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Un émerveillement d'humour, d'émotion. L'âme russe avec son sens du tragique dans une oeuvre majeure de la littérature de notre siècle.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Même les sons incohérents de l’univers représentent des problèmes algébriques, des langages qui supposent l’existence d’une solution, d’une grammaire structurée et d’une syntaxe, si bien que les petits détails du monde peuvent être les miroirs secrets des plus grandes choses.
De Quincey ( Autobiographie )
p.43-44
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Les experts en folklore de l'évacuation,......assuraient que....les Allemands, avant d'être déportés, avaient caché de fabuleux trésors.....Des gens qui utilisaient des cuvettes de cabinet depuis leur enfance ne pouvaient pas ne pas être riches.
p.126
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Je suis né dans la région de Kaliningrad, neuf ans après la guerre. Depuis mon enfance, je suis habitué à ce que les rues soient recouvertes de pavés ou de briques et bordées de trottoirs. Je suis habitué aux toits en tuiles pointus. Aux canaux, aux écluses, aux polders, à une humidité perpétuelle et à des bois plantés au cordeau. Aux dunes. A une mer dont les eaux plates se transforment insensiblement en rivage plat. Et je ne connaissais pas d'autre moyen d'appréhender le monde que de l'inventer. (La fiancée prussienne)
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