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EAN : 9782070124534
176 pages
Gallimard (12/01/2012)
3.46/5   14 notes
Résumé :

Quelques années après la fin de la Première Guerre mondiale, des dizaines de milliers de Russes ayant fui la révolution bolchévique sont installés en France. Fiodor Zavalichine, aussi appelé Théo, en fait partie, mais contrairement à beaucoup de ses compatriotes il a plutôt réussi son intégration, et son travail de photographe lui permet de vivre correctement.

Sa vie se déroule sans accrocs jusqu’au jour où il se rend dans une salle de cinéma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Tout va bien pour Fiodor Zavalichine, appelé Théo par ses amis. Exilé russe il a fui la Révolution et s'est installé à Paris où il s'est bien intégré. Il est devenu photographe et gagne très bien sa vie :
« Cela faisait cinq ans qu'il était le locataire de madame Tanguy rue Caulaincourt, sur les hauteurs de Montmartre. C'était une maison convenable : il n'y avait pas de papier peint aux murs. Fiodor avait installé son atelier et son laboratoire au rez-de-chaussée, et son appartement se trouvait au premier. Madame Tanguy, elle habitait au second.
(…) le soir, « Fiodor Ivanovitch fabriquait des cartes postales pornographiques de grande qualité qui étaient extrêmement demandées sur le marché clandestin. Dans la journée, il recevait des clients ordinaires…» p 68 69

Mais son passé resurgit et sa vie va basculer quand il se rend au 86 avenue Emile-Zola, au Casino de Grenelle, cinéma où était alors projeté « Le cuirassé Potemkine ».
Théo, originaire d'Odessa avait fait son service militaire en 1905 et son régiment avait été envoyé écraser les manifestations d'ouvriers et d'étudiants qui avaient suivi l'insurrection des matelots du cuirassé.
En revoyant la scène où des insurgés se font massacrer sur le grand escalier qui descend vers le port d'Odessa, il lui revient qu'il a tiré sur des gens se trouvant le long de l'escalier. Persuadé d'avoir tué, il se sent alors envahi par la culpabilité et se présente au commissariat du XVe arrondissement où il a une crise accompagnée de convulsions, diagnostiquée comme étant une crise d'épilepsie.
A partir de ce crime dont il s'accuse et dont il doit porter le poids car il n'y a pas de motifs de condamnation, les évènements se précipitent et d'autres crimes auxquels Théo participe, volontairement ou non, s'enchaînent en cascade. Théo ne sait plus où il en est mais il est persuadé qu'un autre coeur énorme est en train de pousser en lui, un coeur plein d'amour quels que soient les crimes commis.

Dès le début on ne peut s'empêcher de penser à Crime et Châtiment de Dostoievski.
La suite de « Potemkine ou le troisième coeur » confirme cette impression et l'on y croise les Frères Karamazov et le moine Zossime mais aussi le Comte de Monte-Christo de Dumas, Le Marquis de Sade, Zola, Rilke…. Interrogation sur Dieu qualifié de « marchand de honte » (« La liberté est l'apanage de ceux qui ne connaissent pas la honte, Fiodor ! » lui dit son ami Domani), sur la culpabilité et l'innocence, sur la rédemption, c'est un livre burlesque, fantastique et tragique, qui m'a désarçonnée mais qui n'arrête pas de me questionner depuis que je l'ai refermer. Et j'aime cela. J'ai aimé aussi l''évocation réussie du Paris des années 20.
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Potemkine ou le troisième coeur de Iouri Bouïda
1926 à Paris on projette le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein dans une petite salle de Montmartre, dans la rue même où avait vécu TOURGUENIEV. Il y avait plus de cinquante mille russes qui vivaient à Paris. Ils étaient majoritairement pauvres et avaient détesté le film. Fiodor Zavalichine, un photographe, lui avait eu un choc en voyant le film, il s'était évanoui, car il avait participé à la répression, et venait de réaliser ce qu'il avait fait. Au même moment en lisant le journal, il vit qu'on avait découvert à Deauville les corps de sept femmes égorgées, et il a peu de doutes sur son auteur. À sa sortie de l'hôpital il va voir un de ses seuls amis à Paris, Ivan Domani, grièvement blessé à la tête pendant la guerre, qui vit entre Dostojevski et Pascal. Une femme et une fillette,(Mado, unijambiste)presque nues l'accueillent. Fiodor demande à Ivan pourquoi il a tué ces femmes avec lesquelles ils avaient fait des photos érotiques, mais ce dernier dont le crâne est couvert d'une calotte en acier devient vite incohérent, Fiodor doit le calmer radicalement. Il reprend ses lucratives activités de photographies pornographiques mais, toujours hanté par la vision du film d'Eisenstein il va partir dans une dérive chaotique cherchant à comprendre et à trouver la rédemption.
Un livre étonnant qui met en opposition un Fiodor paumé qui cherche l'absolution impossible dans la fuite et Mado l'unijambiste pleine de rage et de haine contre le monde entier qui lorgne vers Lourdes et un prêtre douteux pour un improbable miracle. Tout cela dans un Paris de l'entre deux guerres où traînent des russes nostalgiques.
Iouri Bouïda est né en 1954 à Kaliningrad enclave russe entre la Pologne et la Lituanie. A découvrir.
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1905, de graves troubles ébranlent tout l'Empire de Russie, la première Révolution russe est en marche. Juin de la même année, les marins du cuirassé le Prince Potemkine de Tauride se mutinent, hissent le drapeau rouge, entrent dans le port d'Odessa et fraternisent avec les grêvistes et les étudiants. L'armée causaque réprime violemment les manifestations et massacre la foule. Paris 1926, on projette le Cuirassé Potemkine, film muet d'Eisenstein, célèbre pour la fameuse scène du landeau qui dévale le gigantesque escalier de la ville d'Odessa..

Fiodor Zavalichine, Théo pour ses amis, vit en France depuis qu'il s'est engagé en 1916 dans le corps expéditionnaire russe pour combattre l'Allemagne. Resté à Paris après sa démobilisation, il travaille dans la société cinématographique Gaumont, puis devient photographe. Comme pour les nombreux Russes blancs en exil, la projection du film est l'occasion de revoir un peu de la terre natale. Or il s'avère que le régiment de Théo a participé à la violente répression d'Odessa avant de quitter rapidement la ville pour une autre destination et d'autres troubles à mâter. le film fait subitement prendre conscience à Théo qu'il a tiré de loin sur la foule massée le long du célèbre escalier et qu'il a sans doute tué des gens. Cette révélation déclenche chez lui une telle panique qu'il se rend au commissariat le plus proche afin d'avouer son crime. On l'envoie gentiment balader mais, pris de soudaines convulsions, Théo se retrouve hospitalisé. le même jour non loin de Deauville, on découvre les corps de sept femmes égorgées. Convalescent, Théo apprend cette nouvelle en lisant le journal, l'article fait mention de témoignages de gens de la région qui se souviennent d'une équipe de tournage, quelques femmes accompagnées de plusieurs hommes dont un portant une calotte métallique sous son chapeau. On sent que cette nouvelle interpelle Théo...

Jusque là cette histoire est prometteuse. Les toutes premières pages sont surprenantes et destabilisent étrangement le lecteur, on ne sait pas trop où on est ni où on va...

C'est après, pour moi, que ça se gâte. S'il ne fait aucun doute que le fil conducteur de ce roman est la culpabilité, j'ai été incapable d'en apprécier toute la finesse ainsi que toute la gravité. Il est indubitable que le héros et ses comparses auraient leur place chez Dostoïevski, auteur dont je suis, et ce n'est pas faute d'avoir essayé, hélas peu friande... Donc forcément, je suis passée à côté de ce livre.

Déception d'autant plus grande que j'avais été absolument bouleversée par le roman précédent de Iouri Bouïda - le train zéro* - qui a eu guère d'écho en France. Pourtant on est dans le même registre de la folie qui côtoie l'absurbe. Mais là où ce dernier titre m'avait prise aux tripes, je suis restée de glace devant les tentatives de rédemption du pauvre Théo. le sujet est original, pour ne pas dire déroutant, on oscille entre l'atmosphère russe - belliqueuses chez les rouges, nostalgie chez les exilés - et la frivolité grisante du Paris des Années folles, le style est alerte et s'honore même de jolies formules, l'écriture agréable, bref j'ai lu le livre sans réel déplaisir mais, en dehors de sa célèbre référence historique, les mots ont glissé sans m'imprégner d'émotions. Dommage...

(*Le train zéro ressort actuellement en poche chez Gallimard dans la collection L'imaginaire)


Lien : http://moustafette.canalblog..
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Ce roman installe progressivement une folie typiquement russe mais aussi une humanité bouleversante au travers d'une histoire rocambolesque, qui sert de prétexte à une profonde réflexion sur le sentiment de culpabilité. Les morceaux de bravoure littéraires arrivent là où on ne les attend pas, l'écriture se métamorphose au fil des pages pour nous amener sur des territoires inattendus. Un roman vraiment singulier.
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Fiodor Zavalichine, aussi appelé Théo, s'est installé à Paris pour fuir la révolution russe de 1917. Il est photographe, le jour il reçoit dans son atelier les familles, réalise des photos très conventionnelles, mais la nuit il photographie les corps des femmes, qu'il sublime. Lors de la projection du film "Le cuirassé Potemkine", il est pris de folie, il réalise qu'il a participé à un massacre. Il ressent la présence d'un deuxième, voir d'un troisième coeur dans sa poitrine. Dans le même, 7 corps de femmes assassinées sont retrouvées, et Théo c'est qui est l'assassin. Les évènements s'enchaînent, une longue liste de morts brutales. Un roman déroutant, mêlant histoire et réflexions sur la culpabilité.
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critiques presse (1)
LeMonde
12 mars 2012
"Moi et Dieu, on a toujours eu des relations compliquées. Surtout Lui avec moi", sourit Iouri Bouïda. Qui signe, avec ce Potemkine, le roman d'un "chrétien des livres", à la fois kitsch et lumineux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Il s’arrêta sur le quai, près du parapet, et alluma une cigarette. Il s’était habitué à Paris depuis longtemps. Quand il avait du temps libre, il aimait bien flâner ici, dans le centre, en contemplant nonchalamment les toits d’ardoise de l’île Saint-Louis et les clochards buvant du gros rouge au goulot sur le Pont-Neuf,(…)
Ici, sur les quais, il lui arrivait souvent d’acheter chez les bouquinistes de vieilles cartes postales, des estampes et des gravures licencieuses ou même franchement pornographiques selon les critères de l’époque, (…) Parfois, il bavardait avec eux de choses et d’autres en se réchauffant au brasero sur lequel un vieux juif faisait griller des marrons.
« Monsieur Théo ! s’écria une grosse mémère moustachue courte sur pattes avec un manteau en tricot vert, des mitaines et un chapeau rouge à bords étroits sous lequel frisottaient de drôles de bouclettes grises.
Il salua amicalement cette vieille connaissance que ses camarades et les habitués appelaient Toinette. Elle avait des lèvres mauves, et son poitrail faisait penser à la coque ventrue d’un navire sorti d’une gravure ancienne.
«  Ça, c’est pour vous, monsieur Théo ! » Elle lui remit d’un air entendu un livre enveloppé dans un chiffon propre. « Regardez-moi un peu ces images… »
p 47 48
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Théo jouissait d’une certaine renommée : il voyait même débarquer chez lui des habituées des Grands Boulevards, des adeptes de la cocaïne avec une coiffure à la page, « à la Louise Brooks », et une poitrine naturellement plate ou bien comprimée par des bandages, avec des hanches étroites, des chairs indolentes et des bouches vicieuses et sanglantes, qui prenaient des bains d’iode pour paraître bronzées parce que les perles ressortent mieux sur une peau sombre. Elles se pavanaient coiffées de casques d’aviateurs et vêtues de jupes courtes découvrant des jarretelles brodées d’argent et incrustées de diamant, et des bas sur lesquels était imprimé le portrait de leur amant ou de leur chien préféré. p 72
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Mon père disait toujours qu'il n'y a pas de mauvaises gens, qu'il n'y a que de mauvaises actions.

*

Voilà pourquoi monsieur Zola est un écrivain humain. Si monsieur Zola voit soudain un tigre dans une forêt, il a peur et il s'enfuit. Et je le comprends, parce que je ferais la même chose, comme tout être humain normal s'il n'a pas d'arme. Tandis que monsieur Dostoïevski, lui, s'il rencontre un tigre, il va se mettre à trembler, à rougir, et il restera cloué sur place. Comment comprendre ça ? C'est quoi, cet homme ? Je commence même à me demander s'il n'est pas un tigre, lui aussi, et non un être humain. (…) Dostoïeski ou Tolstoï, c'est du pareil au même, ils sont d'une cruauté ! Et puis, ils ne m'aiment absolument pas. Avec toutes leurs élucubrations et leurs illuminations, ils ne me proposent pas de reconnaître, mais de connaître. Grâce à leurs bons offices, je suis obligé de souffrir avec eux, d'halluciner, de jouer les devins, de prier avec eux, mais qu'est-ce que j'en ai à faire, de tout ça ? Dieu, le diable, la conscience… C'est des nuages !

*

L'amour ! (…) On attend, on se prépare à vivre, on se prépare à aimer, mais l'amour ne se remet pas au lendemain, Fiodor, il ne nous attend pas, il passe son chemin, il continue sa route. C'est une belle crapule, oui, une canaille !

*

Comme toutes les Bretonnes, elle était toujours en deuil, et le regard de ses yeux délavés évoquait le célèbre crachin de Brest. C'était une femme grande et corpulente. Quand on la traitait de grosse vache, son époux protestait d'un ton mélancolique : "Peut-être mais c'est la plus belle vache de la République française !"

*

Tu sais Mado, il faut toujours garder les yeux grand ouverts, toujours. Il faut être sur le qui-vive et garder les yeux ouverts pour ne pas rater quelque chose de très important.

*

Tu sais ce que c'est l'amour, espèce de macaque ? C'est ce qui fait mal au cul.
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Elle s'appelait Cricri. Ou encore "la pauvre Cricri", car elle trainait la jambe en marchant. C'était une fille grassouillette, assez laide, avec de petits yeux rapprochés et un nez pointu. Elle se tenait voûtée, même si on ne pouvait pas dire qu'elle fût grande, et regardait tout le monde par en-dessous. Il y avait en elle quelque chose du rat ou du hamster, quelque chose d'enfantin et de potelé qui suscitait un attendrissement mêlé néanmoins d'une légère répulsion. Elle se cachait toujours dans les coins, rasait les murs et n'ouvrait pas la bouche. p 73
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Il existe sans doute une toute petite seconde pendant laquelle la honte, l'amour, la liberté, la vie et la mort se rejoignent en un seul et même point et se confondent quelque part, là-haut, en quelque chose de sombre et de joyeux, mais qui sait quand cela se produit, et ce que c'est que ce point... Qui sait ce qui attend le Minotaure derrière les portes du labyrinthe ? Il est libre de s'emparer de la liberté, mais après, la liberté prendra son dû, et il peut arriver n'importe quoi. Comme dit le poète : le premier pas est libre, mais nous sommes l'esclave du second.
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