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Sophie Benech (Traducteur)
EAN : 9782070749973
258 pages
Gallimard (27/02/2002)
4/5   6 notes
Résumé :

La vie de l'écrivain américain George Yermo forme une extraordinaire matière romanesque. Né Guéorgui Yermo-Nicolaïev, en 1914, à Saint-Pétersbourg dans une famille de la grande aristocratie russe, il est élevé à New Salem en Nouvelle-Angleterre, sous le signe de Melville, d'Emily Dickinson et d'Henry James, tous originaires de cette région encore empreinte des valeurs puritaines des fondateurs de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Iouri Bouida commence à être un de mes auteurs familiers, ayant attaqué son cinquième livre sur un sujet qui sort de son univers particulier. C'est une minutieuse biographie critique d'un écrivain russe né à Saint-Pétersbourg en 1914, exilé en Amérique... et imaginaire. Il nous a concoctés un portrait d'homme de lettre fascinant sur mesure, au centre d'une vaste réflexion sur la création.
Ratissant large dans le monde littéraire, Yermo lui sert de base de référence pour ses réflexions et critiques littéraires. Par exemple, parlant de Dante pour l'oeuvre duquel Yermo se passionne, il cite deux auteurs qui se montrent impitoyables envers l'auteur de la Divine Comédie. Pour Bounine un bonhomme “au visage émacié , avec son bonnet de bonne femme”, de même que pour Nabokov un “Dante au visage aigu coiffé d'un bonnet de bain “. Tous deux connaissant fort mal Dante, ce qui est apparemment le propre des auteurs russes. À partir de là d'une étonnante érudition, il développe cet mal compréhension, qui n'est apparemment pas seul propre aux écrivains russes.
Yermo « dont le premier mot prononcé en venant au monde était une langue que personne ne connaissait. Une langue qu'il va passer toute sa vie à essayer de comprendre», semble son alter-ego, mais à mon avis il n'en est pas, à part certaines de ses pensées notamment sur la langue, qu'il lui attribue, vu qu'il confesse « Moi, mes "citations" m'ont forcé à créer une langue imbécile, puis à la fouetter pour qu'elle aille plus vite : le cheval a besoin d'être fouetté jusqu'au moment où il atteint un nouveau sens. de toute façon, je n'ai pas d'autre cheval *!». Poussant le bouchon encore plus loin, insérant des extraits des romans de Yermo, ou des citations de ses biographies fictives, il nous plonge dans des mises en abyme vertigineuses.
La quatrième de couverture parle d'un hommage à Nabokov, dont je doute fort , car Bouida n'aimait pas Nabokov. À ce propos , il dit , « «Il n'a écrit qu'un seul bon livre, Lolita, surtout la dernière partie. Moi, j'ai voulu parler des rapports d'un homme et de sa femme folle. La réalité soviétique m'en empêchait. Je l'ai donc exilé aux Etats-Unis, où je ne suis jamais allé. Et, comme j'avais peur de coïncider avec lui, je l'ai distancié. J'ai écrit cela au moment où la vogue des écrivains émigrés devenait un peu grotesque. Soudain, c'était comme si nous avions caché nos plus grands trésors littéraires. Nous ne pouvions lire Nabokov, certes, mais nous pouvions lire Dante

« Parler des doubles et des miroirs, c'est parler de la création artistique et de l'artiste» dit Yermo, attestant ainsi que ce texte est bel et bien une vaste réflexion sur la création et sur l'écrivain. Un roman virtuose à multiples tiroirs où Bouida en vrai imposteur utilise Yermo à toutes les sauces pour son propre plaisir dans ses courses équestres *😁! Parfois la sauce tourne un petit peu à l'aigre faisant de Yermo une caricature. Est-elle voulue ? Je n'en suis pas sûr , car la texture du texte change. Mais Bouida étant pour moi un grand écrivain, on peut passer sur ce bémol……Et puis il y a aussi Venise, cette ville magique dont tous les poètes , écrivains russes raffolent, Brodsky, Tarkovski …et Yermo !
Ce n'est pas le meilleur que j'ai lu de lui mais sans aucun doute il intéressera ses aficionados, nombreux sur ce site 😁!


« En Russie, seul l'humour fait trembler le diable ».
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Yermo de Iouri Bouïda
George Yermo est né le 29 août 1914 à Saint Petersbourg, la Venise du Nord avant de vivre 50 ans dans la vraie Venise. Il se maria avec Khodnia un peu avant Pearl Harbor, huit ans après avoir fait sa connaissance, entre temps elle s'était mariée avec un autre. Peut-être pour oublier il alla en Espagne couvrir la guerre pour un journal, il resta une année, lorsqu'il reçut une lettre qui le fit rentrer à New Salem, la patrie d'Hawthorne, la terre de nouvelle Angleterre que respirèrent Emerson, Thoreau, Melville et tant d'autres. de ce séjour en Espagne parut récemment un recueil de photos où il est avec Malraux, Buñuel, Ravel, coiffé d'un béret basque. La lettre annonçait à Yermo la mort du mari de Sophia, ils se marièrent et achetèrent la maison où elle vivait à New Salem. Il publia le Menteur, un roman qui fut un échec, mais il n'en parut guère affecté tout comme lorsque Sophia mourut en décembre 1941.
Vieux désormais il vivait à Venise dans le palais Sanseverino, le palais qui représentait la maison du rêve de son enfance, d'où il avait la vue sur le campanile de Saint Marc, il avait pour compagnie la galerie de tableaux figurant ses ancêtres qui côtoyèrent Pierre le Grand, Napoléon et tant d'autres. Il était chanceux dans son exil, ni Bounine ni Nabokov n'avaient eu de maison à eux,( on avait su souvent comparé Yermo à Bounine et Nabokov quand il avait reçu le prix Pulitzer) ils n'avaient pu ou voulu s'enraciner en terre étrangère, ils étaient russes, mais c'était quoi être russe, les bolcheviques avaient tout détruit, restait la langue. Comment en était il arrivé là, dans ce palais illustre, lui écrivain accompli, auteur de romans et essais largement diffusés, né à saint Petersbourg étudiant en nouvelle Angleterre? Pour le savoir il vous faudra suivre les méandres de l'écriture de Iouri Bouïda qui compose un incroyable patchwork autour de la littérature et de l'art en général, un récit érudit qui m'a souvent fait penser à Joyce. Pas facile à suivre mais tellement brillant qu'il mérite l'effort.
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Donc, il s'agit de fiction !!
Chapeau M. Bouïda pour ce voyage historique, littéraire...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Incipit
Dans un craquement, dans un râle et dans un grincement rouillé s'ouvraient les portes dorées décorées de plaques de corne sur lesquelles étaient représentés des licornes, des étoiles, des dragons et des femmes superbes comme des cavales, et, au chant d'une fanfare aux mille voix, aux sons d'une musique dont les notes se figeaient en fleurs argentées aux lèvres des musiciens, surgissait de dessous les arcades sonores un équipage de six chevaux, un énorme carrosse ventru juché sur de hautes roues, tout feutré d'une poussière aux scintillements de nacre qui tournoyait, flottait et rampait sur la chaussée, avec un vieillard en velours mauve et fourrures noires portant un masque sans bouche, mais percé de fentes en forme de demi-lune pour les yeux ; sa main jaune et parcheminée émergeait, tel un poisson, des sombres profondeurs du carrosse, pour bénir le délicieux mirage de la ville en proie au carnaval, pour bénir toute cette moiteur et cette pantomime, les pigeons sur la Piazza, les étroites venelles-calli, et les places-campi "comme paumes offertes", les touristes, les gondoliers qui se préparaient à la régate du carnaval, le verre de Murano et l'humble tornade de végétation de l'église Santa Maria della Salute, l'exubérance des marbres de couleurs, de la serpentine et du porphyre, les femmes somptueusement dévêtues en costumes masculins de Nicolao, et les adolescents asexués en robes à multiples étages avec des fentes en forme de losanges sur leurs flancs arrondis - "les lucarnes de l'enfer" -, les policiers et les hérauts escortant le carrosse sur des chevaux de Hanovre à la large croupe, les vieillards avec des fraises et les vieilles dames avec des masques-motta dont il faut tenir les rubans entre ses dents (ne peuvent dissimuler leur visage que celles qui savent se taire) ; la main, cette dextre parcheminée qui flottait dans l'air comme un pigeon jaune, comme l'un de ces crotteurs de la place Saint-Marc, bénissait le carnaval et les gens, dont pas un seul ne savait où se rendait cet équipage tout diapré de poussière, escorté de hérauts-sandwiches revêtus de livrées d'azur avec des armoiries sur la poitrine et dans le dos ... p 9-10
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« L’art fait surgir ce dont la forme préexiste dans l’âme, disait-il, citant Aristote avec le sourire. Il reste à comprendre quelle relation l'écrivain a, lui, avec le contenu....Ou bien ce qu’Aristotr entendait par « la forme »......Mais ça c’est l’affaire des critiques . »
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« de même qu’il est impossible de se représenter la valise d’un commis voyageur sans une brosse à dents et une douzaine de préservatifs, on ne peut se représenter la littérature contemporaine sans des miroirs, des échecs, des labyrinthes, des horloges et des rêves. »
(George Yermo)
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Toute pensée exprimée est un mensonge.

*

Dostoïevski disait qu'il faut aimer la vie avant d'en aimer le sens.

*

"La vie la moins intéressante de toutes celles que vit un artiste, c'est la sienne ! a fait un jour remarquer Yermo. Bienheureux ceux qui ont échappé à la tentation de l'autobiographie."

*

L'ART DE MER

Quand on se retrouve face avec la mer, on cesse vite de comprendre qui regarde qui. Contempler la mer en sombrant peu à peu dans un état de torpeur mélancolique, ce n'est pas un art, de même que la respiration et la mort ne sont pas des arts : l'inévitable n'est qu'une part de l'indispensable. L'art commence au moment où l'on se met dos à la mer. Oui, oui, essayez donc de ne pas vous tourner vers elle, alors qu'elle respire si fort, qu'elle murmure et s'agite.
A quoi peut-on comparer cela ? Eh bien, c'est comme tourner le dos à La Joconde. Vous comprenez ? Vous entrez dans la salle où se trouve la toile de Léonard de Vinci, et vous y entrez en sorte de ne pas pouvoir en aucune façon voir ou même entrevoir La Joconde - je ne sais pas, on peut entrer à reculons, ou bien plié en deux, ou encore les yeux fermés -, et vous vous asseyez dos au chef-d'oeuvre. Autour, il y a des gens, ils chuchotent, échangent leurs impressions, ou bien se taisent d'un air pénétré, comme celui qu'on prend aux cabinets. Peut-être même que quelqu'un vous bouscule par inadvertance, peut-être qu'on vous remarque ou qu'on vous pose une question, et que vous engagez la conversation, tout cela, en tournant le dos à La Joconde. Vous restez une heure, deux heures, peut-être trois, finalement, vous vous levez et vous sortez, sans avoir regardé le célèbre tableau. J'ai essayé : c'est terriblement difficile et éprouvant, on sort dans la rue en nage, une de ces tensions physiques, je ne vous dis pas, ensuite, on a des courbatures partout, affreusement mal dans le cou et les épaules. (…) L'homme est fasciné par l'eau qui coule et par le feu, de façon générale, par tout ce qui coule. Panta rei. On peut rester des heures assis au bord d'une rivière ou d'un ruisseau. Mais si la rivière ou le ruisseau possèdent une forme, autrement dit, au moins un début et une fin, la mer, elle, on ne peut lui appliquer les notions de "début" et de "fin", de "gauche" et de "droite", elle est hors des formes et hors du temps : la mer, c'est une catégorie. L'homme est attiré par la mer car il a envie de se fondre dans quelque chose de plus grand que lui-même, peut-être dans quelque chose d'idéal et d'informe.
*
L'habitude est non seulement une grande guérisseuse, mais aussi une grande tortionnaire (…) La vie de tous les jours avec ses petits riens, les soucis et les peines, les fluctuations d'humeur, les migraines et la constipation, les odeurs de café et de tabac, les honoraires des avocats et les invitations à des conférences, avec les journaux et les nouveautés littéraires, avec les mauvaises actions et les prouesses dignes d'un saint que l'on accomplit journellement, cette vie nous réconcilie avec l'existence des dragons, des chambres secrètes avec leurs tâches de sang sur le plancher, et des squelettes dans les caves, elle nous réconcilie avec tout cela, transformant subrepticement la chimie de la conscience, jusqu'au jour où l'on se jette sous un train, brusquement, de but en blanc… Mais la plupart des gens ne se jettent pas sous un train.

*

"L'histoire n'est pas un roman ; un mensonge peut toujours être beau, tandis que la vérité, dans son simple appareil, ne plaît qu'à quelques esprits mûrs et expérimentés."

*

"Si l'on ne se presse pas, c'est-à-dire, si l'on s'abandonne vraiment à la vie (ce qui est malheureusement presque impossible, même dans les monastères bouddhistes), avait-il noté dans son journal, on peut vivre huit jours dans une semaine."

*

Un véritable écrivain va d'échec en échec, il ne peut en être autrement. Les gens qui sont vainqueurs portent d'autres noms : ce sont des généraux, des ingénieurs, des politiciens, mais pas des écrivains. La différence entre l'artiste et tous les autres consiste sans doute en ce que l'artiste lance un défi à l'éternité, alors que les autres s'efforcent de maîtriser le temps…

*

L'amour est clairvoyant, mais menteur, trompeur et enclin à l'auto-illusion, comme aucun autre sentiment.
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