L'éternité c'est long. Surtout vers la fin (
Woody Allen)
.Avec "
Une tache sur l'éternité", j'entamai mon 5ème roman consacré aux enquêtes de Dave
Robicheaux.
Faut-il y voir un effet de lassitude ? j'ai refermé ce livre un peu déçu.
L'histoire est plus linéaire que d'habitude.
Elle débute avec une enquête suite à des coups de feu tirés sur la maison de Weldon Sonnier.
Dave
Robicheaux connaît bien la famille Sonnier depuis son enfance (de toute façon, on a toujours l'impression qu'il connait les 3/4 de la population de Louisiane).
Chez les Sonnier, il y a Weldon, un ancien pilote d'Air America empêtré dans ses relations avec des trafiquants, Drew avec qui Dave a eu une aventure il y a longtemps et Lyle, un ancien de ses soldats au Vietnam, devenu aujourd'hui prédicateur.
Il semble même que le père, porté disparu depuis longtemps, rode à nouveau dans les parages.
La situation prend une autre tournure quand un flic se fait descendre dans la maison de Weldon.
Robicheaux va tente de démêler les fils qui relient la famille Sonnier à la Mafia locale et aux milieux politiques d'extrême-droite.
L'habitué de
James Lee Burke ne sera pas dépaysé.
On retrouve les personnages habituels : Bootsie, Alafair, Baptist, Clete Purcel...
On retrouve également les ingrédients traditionnels qui structurent
Robicheaux : le traumatisme de la guerre du Vietnam, la lutte contre l'alcoolisme, la Foi, l'introspection, la nostalgie et la fêlure autodestructrice.
On retrouve enfin, tous les parfums de la Louisiane : des orgies de crevettes, les sandwiches torpilles, les ragoûts de crabes, les Jax à long col et le Dr Pepper, les noix de pacane, les pastèques à peau zébrée, le Bayou Teche, les sténotaphrums, les cyprès, les ragondins, les lépidostées...on s'appelle "Podna", on cause cajun...
Et pourtant cette fois, j'ai moins accroché. J'ai trouvé que Burke tournait un peu en rond avec son personnage qui se comporte de manière convenue (comme d'aller provoquer systématiquement les “méchants” en mettant sa famille en danger) et surtout, que son style était curieusement affadi.
Par exemple, dans ce livre, les bouteilles sont systématiquement emperlées d'humidité ou de buée et quand on finit par le remarquer, c'est agaçant.
Mais heureusement, on retrouve aussi ce qui fait le charme et le caractère unique du flic de New Iberia.
Ses tourments : “un jour sur deux, je démarre par une dépression nerveuse”, sa terrible lucidité : "…aux heures avancées de la nuit, je n'avais jamais fait preuve de raison ni de logique, aussi bien comme alcoolique pratiquant qu'ivrogne repenti", " Les êtres qui me sont les plus proches se distinguent toujours...Ce sont eux les invalides de l'âme"...
Et puis, le meilleur, à méditer au moment où l'Amérique joue à se faire peur : " Chaque fois que je vois un homme politique sur fond d'étendards américains essayer de nous convaincre du bien-fondé d'une politique particulière ou d'une action précise qui nuira ou fera mal à autrui....je m'arrête et me demande ce qu'auraient à en dire mes amis à la cervelle enfumée…je prends conscience que la rhétorique ne serait sur eux d'aucun effet, car pour ceux dont l'enfance avait connu les blessures les plus profondes, les paroles à finalité morale ne servaient que trop souvent de masques à des actes de cruauté" ..et enfin : "il tient sous ses doigts la mesure d'un pouls de ténèbres et pareil en cela à tous les escrocs, tous les trompeurs, il sait que son public souhaite être berné".
Pas mieux.