Je connaissais le nom de
Manfred pour l'apport de son auteur au romantisme européen, mais surtout pour le personnage souvent cité dans le Comte de Monte-Cristo. le comte est en effet comparé par l'auteur comme par les autres personnages eux-mêmes à cet homme devenu un archétype : un homme seul, mystérieux, dissimulant un lourd secret, au teint pâli par les études occultes...
En le lisant, je comprends le lien avec Monte-Cristo, mais j'ai encore plus pensé à l'essai d'
Umberto Eccode Superman au surhomme, dans lequel il retrace l'apparition dans la littérature européenne de la figure d'un homme de fer qui utilise la force de sa volonté pour transformer le monde - malheureusement, je ne sais plus s'il évoque ou non
Manfred dans cet essai.
Effectivement, tel qu'il apparaît ici,
Manfred est un héros de la volonté. Il refuse de se soumettre, et, au contraire, c'est lui qui domine le monde au sens propre, il domine la matière, l'espace, le vent, l'air... Les plus beaux passages sont, selon moi, ceux où il décrit les forêts, les précipices et les montagnes, alors que le domaine des glaciers est encore largement une terra incognita au début du XIXème siècle. Ces passages sont bien plus de la poésie que du théâtre d'ailleurs, toute la pièce est quasiment un long monologue de
Manfred plutôt qu'un récit dramatique.
Et c'est là ce que je reproche le plus au texte. Ce n'est pas ce qui devait marquer les lecteurs du XIXème siècle, mais pour moi, que c'est kitsch...
Manfred a des visions de sang, il convoque la Fée des eaux, il est transporté dans le palais des esprits... Il a tous les pouvoirs du monde, pourrait tout faire, et ne fait rien de tout cela. Comme on le retrouve dans Spiderman - pour rester dans la thématique des superhéros, "un grand pouvoir implique de grandes responsabilités". le triomphe de la volonté ne semble donc déboucher sur rien.
Si je suis consciente de la valeur de cette oeuvre dans la littérature mondiale, je suis donc restée assez insensible - comme pour certaines oeuvres de
Goethe finalement.