Noir Américain, ce sont 10 nouvelles, autant de tranches de vie disséquées au scalpel toujours tellement fin et habile d'
Armand Cabasson. le recueil est édité dans une collection jeunesse (la chouette collection Nouvelles chez
Thierry Magnier), mais l'auteur sait toucher et glacer ses lecteurs de tous âges. Les amateurs de l'Oxymore se souviendront sans doute des deux nouvelles qui ouvrent et ferment
Noir Américain : "Jenny et Grapp le Monstre", et "
Loin à l'Intérieur, là où moi seul peux aller" (déjà publiées dans
Loin à l'Intérieur, ainsi que dans Chimères pour la première). Perso, j'ai beau avoir lu ces deux textes plusieurs fois, ils me font frémir à tous les coups...
Pour les huit autres nouvelles, elles nous entraînent effectivement au coeur d'une Amérique unique par ses décors, et symbolique de tout ce qui vacille dans notre monde moderne. Désert et rubans de route, courses folles et fuites en avant, le réconfort du révolver contre les blessures intérieures... Je parlais plus haut de scalpel, mais j'aurais aussi bien pu évoquer une caméra glissant sur une scène d'ensemble, zoomant un temps sur un personnage, son point de vue, sa tragédie à lui, et la logique dangereusement imparable qu'il met en oeuvre quand un bout de monde s'effondre – puis l'image saute, un flou à l'écran, un décalage, un brouillage, avant qu'un nouveau réglage fasse apparaître les traits de plus en plus nets d'un nouveau témoin, coupable, victime, criminel ou détective, gamin perturbé ou adulte paumé... Et le titre ne ment pas, quand on descend au fond des êtres ('Ricains entre autres humains) pour confronter leurs monstres intérieurs, il fait très noir. Et pourtant, quel autre moyen pour espérer ramener la lumière ?