« Nous sommes sans le savoir transporteurs d'infini. Nous sommes de doux cargos fantômes, soutes pleines, perdus au beau milieu d'un océan, qui cherchent désespérément un port d'attache pour alléger nos coques.
zoé est un de ces « petits moments », une halte, un quai, comme une brèche laissant passer un filet de lumière, dans le blockhaus de mes pensées. »
Son port d'attache, c'est parmi les senteurs de levain, d'agrumes, de chocolat et de cerises griottes, de café torréfié et de vanille des îles de la boulangerie du village qu'Henry le trouvera. Auprès de zoé...
Trois fois par semaine, vieux loup solitaire, trappeur d'étoiles, presque aussi érodé que la montagne qui l'héberge, bercé au vent du silence dans son fortin de pierres et de bois, il partira en expédition muni de son vieil imperméable sable et de ses bottes de daim, pour chasser sa solitude au doux et chaud parfum d'épeautre des miches qui l'attendent derrière le comptoir de zoé.
Henry a l'âge de la vie elle-même. zoé est née hier.
zoé, c'est la rondeur d'une boule de pain qui lève, la tendresse de la pâte qu'on pétrit et le moelleux de la brioche. C'est l'élégance d'un cygne à la crème, la douceur d'un baba au rhum et la beauté ordonnée d'un mille-feuilles vanille chocolat. L'odeur suave d'une fève de Tonka et la douceur amère de l'amande.
zoé, c'est l'innocence aux mille couleurs, l'oiseau rieur qu'il n'attendait plus, la flèche qui saura percer sa carapace ridée de vieux rhinocéros...
Alors, lui, Henry, pauvre vagabond rêveur, grand voyageur de l'âme, toujours à la recherche de l'Humain, contemplatif de l'extrême, s'attèlera, sur son bureau-épave, son fourbis de bric et de broc chargé de coquillages et de vieux parchemins restés trop longtemps vierges, à lever l'encre sur ses mots pour lui transmettre ses pensées matinales. Chapelets de mots déposés sur le papier bleu marine d'un vieux bernard-l'hermite à sa sirène.
Et zoé lui répondra... Jour après jour... Miche après miche... comme une bouteille à la mer que l'on trouve... comme un écho au son de la corne de brume qui sourd depuis l'autre rivage...
« Depuis que zoé et moi échangeons nos écrits, j'ai la bonne impression d'avoir brisé ma solitude. Elle est, avec son écriture ronde, une petite boule de tendresse et d'originalité versée dans le café noir de ma mélancolie. »
Mais zoé, petite soeur de solitude, tu as toi aussi tes souffrances secrètes à jeter à la mer...
- - -
Ah, que j'aime l'écriture d'
Alain Cadéo !
Il y a toujours dans ses mots une infinie tendresse pour l'Humain, une douce mélopée qui nous conte l'essence même de notre existence, une poésie devant laquelle les cigales s'arrêtent de chanter pour en écouter toute la beauté.
Alain Cadéo est un rêveur de l'aube, « un contemplatif, un pauvre bougre de rêveur, un pauvre con qui parle tout seul »... Mais qu'est-ce que j'aime le laisser parler et l'écouter de si bonne heure !
Pour le citer dans ce livre, « il faut le talent d'un grand mécanicien, des pelletées de charbon, un bon café bien noir, de pleines burettes d'huile pour graisser les bielles et les essieux. Chaque page est un nouveau départ. »
Lisez
Alain Cadéo !
Le talent pour explorer tous les rouages de la mécanique de l'âme humaine, il l'a. Et je serai encore là pour le prochain départ !