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EAN : 9782715235588
160 pages
Le Mercure de France (05/02/2015)
4.04/5   42 notes
Résumé :
Depuis que Zoé et moi échangeons nos écrits, j'ai la bonne impression d'avoir brisé ma solitude. Elle est, avec son écriture ronde, une petite boule de tendresse et d'originalité versée dans le café noir de ma mélancolie. Quand je vais à la boulangerie, c'est désormais un réconfort de la voir exister au milieu des autres. Plus personne ne fait attention à moi. On ne me regarde plus de travers. Je suis enfin un vrai client, un habitué. Notre minute est devenue quart ... >Voir plus
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"zoé", de Alain Cadéo, est de ces livres qu'on ne peut raconter. Par le biais d'un échange épistolaire entre deux êtres solitaires, Henry, la soixantaine, et zoé, âgée d'à peine 18 ans, l'auteur nous fait part de la vision qu'il a de l'existence. Il met en exergue la portée que peuvent avoir certaines rencontres, et ce, sans considération aucune pour le temps qui leur est imparti.
"Pour moi, chaque rencontre importante fut l'objet d'une déflagration silencieuse. Réelles ou rêvées, une minute ou trente ans, les croisements de destins sont la nitroglycérine de nos âmes".
Pour des raisons qui me sont propres, cette approche a eu en moi une très forte résonance. Certaines rencontres, aussi furtives et éphémères puissent-elles être, peuvent parfois avoir valeur d'éternité.
Alain Cadéo aborde dans cet ouvrage bon nombre de thèmes, notamment ce manque d'aptitude que nous, les humains, avons pour la communication, et de fait, la Solitude à laquelle nous nous trouvons parfois confrontés. Comment se fait-il que nous ne soyons pas en mesure de mieux entendre, et pourquoi avons-nous à notre tour tant de mal à être entendus ? J'ai pourtant l'intime conviction, que ce n'est pas faute de notre part à tous d'aspirer à des relations meilleures.
"La vie n'est-elle faite que de quiproquos ? La grande tribu des quiproquos : Un Iroquois rencontre un Esquimau lequel rencontre un Sibérien. L'un parle de son désert de montagnes, l'autre de son désert de glace, le troisième enfin évoque son désert de sel, et les trois ne comprennent qu'une chose : Chacun est seul dans son dé-
sert." Voilà pour ce bien triste dialogue de sourds...
Pour être honnête envers ceux qui me feront l'amitié de me lire, je reprendrai à mon compte les propos de la jeune zoé :
"J'aime les lettres d'Henry. Je ne comprends pas tout mais j'aime la musique de ses mots"
Oui ; il est arrivé que je ne parvienne pas à sonder les profondeurs de sa pensée, mais comme l'auteur est sans conteste doté d'une plume magnifique et tout en poésie, eh bien je faisais comme zoé et me laissais porter par la musicalité de son phrasé enchanteur.
Bien que ce roman ne peut se raconter, il y aurait encore beaucoup à dire, tant l'auteur a abordé de sujets. Je vais donc conclure sur l'hommage que rend Alain Cadéo à la terre, l'hommage qu'il rend à sa générosité et au lien intime qu'elle tisse avec chacun d'entre nous.
"Sainte mère, la terre, cimetière manège, faiseuse de vie, quelques millions de tours et je nais et je meurs, brassé dans tes couleurs ta paix et tes colères. Tu te souviens de moi, du goût de mon placenta et de ma bonne odeur d'humus. Mon code génétique est inscrit dans ta lourde matrice. Je venais de si loin... À peine sur ton dos tu m'offrais sans calcul tes jours tes nuits tes saisons, ton eau et tes nuages, les branches de tes arbres, l'inébranlable fidélité de tes pierres et les scories de tes soubresauts.....Et je sais que la terre se souviendra de moi. Elle a la mémoire de tous ceux qui ont effleuré sa peau."
Moi qui me suis de tout temps plu à rêver d'intemporalité, il me plait de lire dans cette dernière phrase une promesse d'éternité. La promesse d'une certaine forme d'éternité....
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« Nous sommes sans le savoir transporteurs d'infini. Nous sommes de doux cargos fantômes, soutes pleines, perdus au beau milieu d'un océan, qui cherchent désespérément un port d'attache pour alléger nos coques.
zoé est un de ces « petits moments », une halte, un quai, comme une brèche laissant passer un filet de lumière, dans le blockhaus de mes pensées. »

Son port d'attache, c'est parmi les senteurs de levain, d'agrumes, de chocolat et de cerises griottes, de café torréfié et de vanille des îles de la boulangerie du village qu'Henry le trouvera. Auprès de zoé...

Trois fois par semaine, vieux loup solitaire, trappeur d'étoiles, presque aussi érodé que la montagne qui l'héberge, bercé au vent du silence dans son fortin de pierres et de bois, il partira en expédition muni de son vieil imperméable sable et de ses bottes de daim, pour chasser sa solitude au doux et chaud parfum d'épeautre des miches qui l'attendent derrière le comptoir de zoé.

Henry a l'âge de la vie elle-même. zoé est née hier.

zoé, c'est la rondeur d'une boule de pain qui lève, la tendresse de la pâte qu'on pétrit et le moelleux de la brioche. C'est l'élégance d'un cygne à la crème, la douceur d'un baba au rhum et la beauté ordonnée d'un mille-feuilles vanille chocolat. L'odeur suave d'une fève de Tonka et la douceur amère de l'amande.

zoé, c'est l'innocence aux mille couleurs, l'oiseau rieur qu'il n'attendait plus, la flèche qui saura percer sa carapace ridée de vieux rhinocéros...

Alors, lui, Henry, pauvre vagabond rêveur, grand voyageur de l'âme, toujours à la recherche de l'Humain, contemplatif de l'extrême, s'attèlera, sur son bureau-épave, son fourbis de bric et de broc chargé de coquillages et de vieux parchemins restés trop longtemps vierges, à lever l'encre sur ses mots pour lui transmettre ses pensées matinales. Chapelets de mots déposés sur le papier bleu marine d'un vieux bernard-l'hermite à sa sirène.

Et zoé lui répondra... Jour après jour... Miche après miche... comme une bouteille à la mer que l'on trouve... comme un écho au son de la corne de brume qui sourd depuis l'autre rivage...

« Depuis que zoé et moi échangeons nos écrits, j'ai la bonne impression d'avoir brisé ma solitude. Elle est, avec son écriture ronde, une petite boule de tendresse et d'originalité versée dans le café noir de ma mélancolie. »

Mais zoé, petite soeur de solitude, tu as toi aussi tes souffrances secrètes à jeter à la mer...


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Ah, que j'aime l'écriture d'Alain Cadéo !

Il y a toujours dans ses mots une infinie tendresse pour l'Humain, une douce mélopée qui nous conte l'essence même de notre existence, une poésie devant laquelle les cigales s'arrêtent de chanter pour en écouter toute la beauté.

Alain Cadéo est un rêveur de l'aube, « un contemplatif, un pauvre bougre de rêveur, un pauvre con qui parle tout seul »... Mais qu'est-ce que j'aime le laisser parler et l'écouter de si bonne heure !

Pour le citer dans ce livre, « il faut le talent d'un grand mécanicien, des pelletées de charbon, un bon café bien noir, de pleines burettes d'huile pour graisser les bielles et les essieux. Chaque page est un nouveau départ. »

Lisez Alain Cadéo !

Le talent pour explorer tous les rouages de la mécanique de l'âme humaine, il l'a. Et je serai encore là pour le prochain départ !
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"Nos vies sont toutes des fables, et c'est seulement dans la manière de les conter que se dévoilent leurs lumineuses trames."

Henry voudrait laisser à ses enfants le pur diamant de sa pensée enfermé dans les deux coffres de santal qui contiennent les cahiers de sa vie.
Jour après jour, il couche sur le papier ses élucubrations de vieux forçat solitaire séduit par une petite boulangère au coeur aussi tendre que les miches qu'elle vend.
Leur relation essentiellement épistolaire et presque clandestine est telle un fil tendu d'une génération à l'autre, enjambant les méandres tumultueux de l'agitation humaine.
À travers zoé, c'est peut-être bien à ses enfants que le vieil homme adresse ses mots, à son quadrige dispersé à travers le monde et qui lui manque tant.

Alain Cadéo est, pour moi, une précieuse découverte.
Orfèvre des mots, merveilleux conteur, il nous enchante une fois de plus avec ce très beau roman poétique aux accents philosophiques, qui laisse en nous comme un parfum de nostalgie.
Nostalgie d'un monde meilleur, sans malice, où la communication ne s'encombrerait pas du superflux, mais se révélerait nourriture pour l'esprit, réconfort pour le coeur.

Alain Cadéo écrit comme il parle, parle comme il écrit, avec des mots-oiseaux plus légers que l'air qui se posent tout en douceur sur notre âme agitée.
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Henry est un vieux loup solitaire. Il vit dans un fort isolé à dix kilomètres du premier village. Il passe ses journées à écrire et à sculpter des rochers, il en fait ses gardiens. Tous les deux jours il se rend au village pour acheter son pain. Depuis quelques temps une nouvelle vendeuse égaie le magasin. Zoé, jeune fille avenante de dix-huit ans, aimable avec tout le monde, elle a toujours le sourire. Henry se prend d'affection pour elle.


Très vite Zoé va s'intéresser à ce vieil homme, le seul, gentil, qui ne lui adresse pas de propos sur son physique avantageux, sur sa mise élégante. Elle va commencer à lui écrire des messages. Ses billets elle les insère dans la miche de pain qu'Henry à l'habitude d'acheter. Henry, ravi lui répond et très vite l'habitude s'installe chacun y trouvant son compte. Zoé lui raconte sa vie, lui pose des questions, petit à petit elle lui révèle ses failles. Henry lui fait de longues réponses qu'elle ne comprend pas toujours mais la bienveillance du vieil homme à son égard la rassure. Pour Henry, Zoé illumine ses vieux jours, lui redonne goût à la vie, il redevient (un peu) plus sociable pour être avec elle le plus longtemps possible quand il vient chercher son pain.


"Depuis que Zoé et moi échangeons nos écrits, j'ai la bonne impression d'avoir brisé ma solitude. Elle est avec son écriture ronde, une petite boule de tendresse et d'originalité versée dans le café noir de ma mélancolie. Quand je vais à la boulangerie, c'est un réconfort de la voir exister au milieu des autres. Plus personne ne fait attention à moi. On ne me regarde plus de travers. je suis enfin un vrai client, un habitué. Notre minute est devenue quart d'heure. Elle joue, rien que pour moi, son numéro parfait de boulangère."


" J'aime les lettres d'Henry. Je ne comprends pas toujours tout mais j'aime la musique de ses mots. J'entends sa voix quand je le lis. Et je peux lire et relire, je trouve toujours autre chose derrière chaque phrase. Moi c'est plus simple je lui raconte ma vie, un peu comme ce que je me raconte à moi dans mon cahier mauve."


Ce roman raconte la rencontre de deux êtres, de deux solitudes. Zoé est telle qu'Henry aurait aimé demeurer. Elle a la gentillesse naïve elle ne se méfie pas des gens. C'est une rencontre autour des mots, une rencontre tissée par les mots qui ne peut exister que par ces mots Ce roman est aussi un roman sur l'écriture. L'écriture qui nous permet de définir nos vies, d'en assembler les pièces pour en compléter le puzzle, d'y mettre de l'ordre. Henry se voit comme un dentelier, comme un tisserand qui se sert de la trame des mots pour tisser sa vie. Alain Cadéo nous livre un roman tendre, juste porté par un style plein de poésie. Une très belle découverte.

"Quoi qu'il arrive, n'oubliez pas : rien ni personne n'a le pouvoir de saccager l'innocence. Quoi qu'il arrive nous devons nous battre pour préserver notre aptitude à la Joie."


"Nos vie sont toutes de sable, nos vies sont toutes des fables et c'est seulement dans la manière de les conter que se dévoilent leurs lumineuses trames."
Lien : http://leslecturesduhibou.bl..
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Merci à Babélio et vive les surprises de MASSE CRITIQUE!
J'avais sélectionné ce livre d'un auteur inconnu car le résumé était séduisant. J'ai été assez déstabilisée par cette prose très poétique, absconse parfois, à la limite de l'incompréhension tant certaines phrases impénétrables ne facilitent pas la lecture. Mais je me suis accrochée car le romanesque, le fantasque, le rêve qui nourrissent cette rencontre improbable entre deux solitudes ont trouvé une résonance. Cette délicate aventure est une rêverie, le doux fantasme de la possibilité d'autres relations entre les êtres. Quelle adolescente perdue n'a pas espéré pouvoir confier ses espoirs et désespoirs à un confident idéal? Mais l'épilogue va se charger de nous ramener à la triste réalité :
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Parce que je crois toujours à la charge des mots. Et même si personne ne me lit, les formules, incantations, charmes, fruits de toutes mes concentrations, opèrent en secret. Je les prononce à voix basse, au fur et à mesure que les lettres sortent vivantes à la pointe de cette plume d’or.

Et lorsque mes cahiers seront définitivement fermés, mes phrases sortilèges macéreront. C’est un terreau bruissant de vie. Il vous suffira alors de les entrouvrir ces cahiers de pleine lune et vous verrez pointer les radicelles, l’âme des mots, comme un printemps souterrain.

Prononcez-les du bout des lèvres, car il ne faut jamais rien réveiller en sursaut. Mes enfants, mes petits, je vous promets l’éternité.
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Depuis que Zoé et moi échangeons nos écrits, j'ai la bonne impression d'avoir brisé ma solitude. Elle est avec son écriture ronde, une petite boule de tendresse et d'originalité versée dans le café noir de ma mélancolie. Quand je vais à la boulangerie, c'est un réconfort de la voir exister au milieu des autres. Plus personne ne fait attention à moi. On ne me regarde plus de travers. je suis enfin un vrai client, un habitué. Notre minute est devenue quart d'heure. Elle joue, rien que pour moi, son numéro parfait de boulangère
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Et je sais que la terre se souvient de moi. Elle a la mémoire de tous ceux qui ont effleuré sa peau. Elle retient dans ses entrailles les ruisselets de nos empreintes.
Et ceux qui l’ont aimée, oui, tous les primitifs ont confié cendres et carcasses à sa sorte de joie. C’est elle qui nous garde.
Sainte mère la terre, cimetière, manège, faiseuse de vie, quelques milliers de tours et je nais et je meurs, brassé dans tes couleurs ta paix et tes colères.
Tu te souviens de moi, du goût de mon placenta et de ma bonne odeur d’humus. Mon code génétique est inscrit dans ta lourde matrice. Je venais de si loin...
À peine sur ton dos tu m’offrais sans calcul tes jours tes nuits tes saisons, ton eau et tes nuages, les branches de tes arbres, l’inébranlable fidélité de tes pierres et les scories de tes soubresauts : l’or, l’opale, les cristaux, l’émeraude, le granit et le marbre, la lave et le quartz... ce qui palpite et ce qui bouge, ce qui rampe ce qui grimpe, ce qui nage et le calme opiacé des plus belles aurores.
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Je ne dirais jamais assez à quel point l'écriture vécue s'insinue dans les veines du monde. Elle est comme un vaccin, l'antidote face au poison de la cruauté, de la haine imbécile et de tout ce qui profane l'innocence.
Le lecteur n'est pas nécessaire. L'écriture se suffit à elle-même. Son processus de sculpture incantatoire se dilue dans l'air ambiant et voyage au cœur des vents, pour se rependre en gouttelettes sur la peau des souffrants.
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J'aime les lettres d'Henry. Je ne comprends pas toujours tout mais j'aime la musique de ses mots. J'entends sa voix quand je le lis. Et je peux lire et relire, je trouve toujours autre chose derrière chaque phrase. Moi c'est plus simple je lui raconte ma vie, un peu comme ce que je me raconte à moi dans mon cahier mauve
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