Le jeu est un domaine vaste, qui peut révéler beaucoup de la personnalité du joueur, y compris chez les adultes. Tout le monde a dans son entourage le tricheur invétéré, le joueur qui prend chaque point perdu comme une grave offense, ou encore celui qui vous explique pendant une demi-heure à quel point vous avez eu de la chance quand vous avez gagné et à quel point il a eu du génie quand vous avez perdu.
Cet essai introduit la notion de jeu et présente les différentes manières de l'aborder. L'auteur commence par une définition et une classification des jeux, qu'il répartit en quatre catégories : la compétition loyale, le hasard, le mimétisme, et la recherche du vertige, ainsi que les différentes combinaisons possibles. Un petit plus que j'ai beaucoup apprécié est la présence d'exemples d'animaux qui présentent les mêmes comportements.
La seconde partie est plus curieuse, car l'auteur abandonne presque complètement le thème des jeux pour se concentrer sur les quatre composantes qu'il a citées, et leur persistance dans les sociétés. Les sociétés primitives utilisent principalement les deux dernières (transes, possessions, masques sacrés, …), les sociétés contemporaines les deux premières, avec des règles strictes à respecter, tout en ménageant quelques espaces d'aléatoire (chanson, sport, loterie) pour rétablir la balance.
L'essai est intéressant et montre que le jeu est plus qu'un simple loisir et qu'il est intimement lié à la culture dans laquelle il vit. On peut toutefois regretter que le sujet initial est vite abandonné pour de l'anthropologie, certes pas inintéressante non plus, mais ce n'était pas vraiment ce que je cherchais en ouvrant ce livre.
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Le jeu suppose certes la volonté de gagner, en utilisant au mieux ces ressources et en s'interdisant les coups prohibés. Mais il exige davantage : il faut enchérir de courtoisie sur l'adversaire, lui faire confiance par principe et le combattre sans animosité. Il faut encore accepter d'avance l'échec éventuel, la malchance ou la fatalité, consentir à la défaite sans colère ni désespoir. Qui se fâche ou se plaint se discrédite. En effet, là où toute nouvelle partie apparaît comme un commencement absolu, rien n'est perdu et le joueur, plutôt que de récriminer ou de se découvrir, a lieu de redoubler son effort.
Telle est sans doute la séduction tenace de la chance que les systèmes économiques qui, par nature, l'abominent le plus, doivent néanmoins lui consentir une place, il est vrai restreinte, déguisée et comme honteuse. L'arbitraire du sort demeure, en effet, la contrepartie nécessaire de la compétition réglée. Celle-ci établit sans discussion possible le triomphe décisif de toute supériorité mesurable. La perspective d'une faveur imméritée réconforte le vaincu et lui laisse un ultime espoir. Il a été défait dans un combat loyal. Pour expliquer son échec, il ne saurait invoquer aucune injustice. Les conditions de départ étaient les mêmes pour tous. Il ne peut s'en prendre qu'à sa seule incapacité. Il n'aurait plus rien à attendre, s'il ne lui restait, pour équilibrer son humiliation, la compensation, d'ailleurs infiniment improbable, d'un sourire gratuit des puissances fantasques du sort, inaccessibles, aveugles, implacables, mais qui, par bonheur, ignorent la justice.
[Les] attitudes [psychologiques] distinctives [des jeux] sont au nombre de quatre : l'ambition de triompher grâce au seul mérite dans une compétition réglée (agôn), la démission de la volonté au profit d'une attente anxieuse et passive de l'arrêt du sort (alea), le goût de revêtir une personnalité étrangère (mimicry), enfin la poursuite du vertige (ilinx).
On découvrirait sans peine de nombreux indices de la connivence des jeux de hasard et de la divination : un des plus visibles, des plus immédiats, est peut-être que les mêmes cartes servent aussi bien aux joueurs pour tenter le sort et aux voyantes pour prédire l'avenir.
Tout un groupe de jeux apparaît comme compétition, c'est-à-dire comme un combat où l'égalité des chances est artificiellement créée pour que les antagonistes s'affrontent dans des conditions idéales, susceptibles de donner une valeur précise et incontestable au triomphe du vainqueur.
Chronique de
Max Pol Fouchet sur le livre "Poétique de
Saint John Perse" de Roger Caillois
A l'occasion de la sortie de l'
essai critique de
Roger CAILLOIS consacrée au poète
Saint John Perse, intitulée "L'oeuvre
poétique de
Saint John Perse",
Max Pol FOUCHET présente le poète.