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Critique de Bcerulli


Petit détour par ce qui devrait être, un incontournable de la Littérature, la Grande. Louis Calaferte (1928-1994) est un écrivain français né en Italie, hélas, beaucoup trop méconnu de nos contemporains (l'était-il seulement des siens ?). Il est l'auteur de ce livre sulfureux, Septentrion, publié en 1963, mais rapidement retiré de la vente, car tari de roman pornographique. Censuré en pleine période de « libération des moeurs », il faudra attendre plus de 20 ans pour que Denoel le réédite, en 1984.

La première question : comment un conglomérat de prête-noms gouvernementaux-littéraires, a t-il pu passer à côté d'un tel chef d'oeuvre, pendant plus de deux décennies, ne s'arrêtant qu'aux mots « foutre », « con » (au sens vaginal du terme), ou « salope » ? Une faute de goût, au mieux, une faute professionnelle, au pire, au même titre que l'interdiction des Fleurs du mal par exemple. Et les mots sont bien pesés, car dans la tumultueuse histoire du roman français au XXème siècle, il y a deux Louis : Céline, et Calaferte. Dans sa composition, Septentrion pourrait faire penser au Voyage ; une oeuvre fleuve, dans laquelle le personnage principal se laisse emporté au gré de ses pulsions, pour un livre qui semble écrit d'une traite, grâce à une plume qui coule sans jamais tomber dans la dissonance. Et quel style ! Une pure merveille. Chaque phrase vous collera une bonne gifle littéraire en pleine figure, et vous fera oublier très vite toutes les mauvaises choses que vos pauvres yeux auront pu ingurgiter jusqu'à présent. Dire que c'est méticuleux est un euphémisme, Septentrion est rédigé dans de la soie, chaque mot recèle du luxe verbal.

Le roman, probablement autobiographique, tourne autour des questionnements de l'écrivain, mais surtout d'une femme : la belle et nymphomane Nora van Hoecke, rentière hollandaise, dont le narrateur s'évertue à combler les pulsions perpétuelles et inassouvissables, en contrepartie de l'argent qu'elle lui donne, et de la vie luxueuse qu'elle lui offre. Elle lui permet de bien manger, de (bien) baiser, et d'aller à l'opéra, choses que ce narrateur fauché n'a jamais pu s'offrir, lui qui s'enfermait dans les toilettes de son usine de piles, pour déguster des livres. Cependant, il tombe dans un paradoxe, car cette orgie de bien-être matérialiste l'empêche d'écrire. Trait important du livre, la relation que le narrateur entretient avec la religion. Sans cesse entrain de s'adresser à Dieu, l'implorant, l'insultant, blasphémant, il paraît délaissé, et semble agir comme un enfant qui n'aurait pas reçu assez d'amour, et qui ferait tout pour provoquer ses parents. Cette dimension est sans nul doute un élément central de ce bijou romanesque, un cri d'appel à Dieu, de la plus charnelle des manières.

Pour ne citer que Philippe Sollers : « Ne pas avoir lu ou ne pas lire sur-le-champ Septentrion est foncièrement immoral »
Lien : http://luvuentendudotcom.wor..
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