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EAN : 9782742745135
264 pages
Actes Sud (05/11/2003)
4.09/5   59 notes
Résumé :
Je suis partie du Japon le 25 octobre 1984 sans savoir que cette date marquerait le début d’un compte à rebours de quatre-vingt-douze jours qui allait aboutir à une rupture, banale, mais que j’avais vécue alors comme le moment le plus douloureux de ma vie. J’ai tenu ce voyage pour responsable. De retour en France, le 28 janvier 1985, j’ai choisi, par conjuration, de raconter ma souffrance plutôt que mon périple. En contrepartie, j’ai demandé à mes interlocuteurs, am... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Récemment, j'ai visité la section "Mythologies personnelles" du Centre Pompidou et j'y ai vu, pour la première fois, des oeuvres de Sophie Calle grandeur nature. Pas plus convaincue que cela, j'avais tout de même envie d'en connaître plus sur le travail de cette artiste contemporaine devenue incontournable. J'ai donc emprunté à la bibliothèque le seul ouvrage disponible. Et bien qu'il ne m'ait pas non plus emballée pendant la première partie, "Douleur exquise" fait à présent partie des quelques livres qui m'ont arraché des larmes, des larmes, et encore des larmes, et que je ne suis par conséquent pas prête d'oublier.

La douleur exquise à laquelle fait référence dans le titre Sophie Calle n'a rien de tristement délicieux, comme on pourrait le croire. Il s'agit d'un terme médical à la définition suivante : "douleur vive et nettement localisée". Sophie Calle a choisi de partir, en 1984, au Japon pendant trois mois, peut-être pour éprouver les sentiments de l'homme de sa vie (l'artiste Martial Raysse, jamais nommé, mais qu'on reconnaît à certaines allusions). Celui-ci lui avait laissé entendre qu'il était fort possible qu'il ne l'attende pas aussi longtemps, tout en lui donnant rendez-vous, à la fin de son séjour, en Inde. Elle va détester son voyage, son séjour et ne vivre pendant ces trois mois que pour le retrouver. Ce qui n'adviendra pas, puisqu'il va la quitter, de façon assez peu élégante, par téléphone, le soir-même de leur rendez-vous. Rideau sur la première partie du livre. En seconde partie, elle met en scène la thérapie, ou plutôt l'exorcisme qu'elle a choisi de pratiquer pour évacuer sa douleur, qui lui paraît alors la pire de sa vie. Elle va rencontrer des gens à qui elle va raconter, inlassablement, l'histoire de sa rupture. En échange, ils répondront à cette question : "Quand avez-vous le plus souffert ?" Elle arrête le processus lorsqu'elle a enfin fait le deuil de son histoire d'amour.

La première partie, consacrée au long voyage en train et au séjour au Japon, ne m'a pas plus enthousiasmée que ça. Certes, il y a tout un travail sur l'autobiographie, notamment l'utilisation de photographies, non pas techniquement superbes, mais au contraire voulues comme très ordinaires, prises à la manière de Polaroids. Certes, la mise en scène du compte à rebours avant la rupture, des objets, des personnes et des lieux qui jalonnent cet épisode et qui devraient faire office d'alarme, comme le temple du divorce, n'est pas inintéressante. Les dernière pages, surtout, qui montrent Sophie Calle tout à sa joie de retrouver M., préparant soigneusement leur rendez-vous, serrent un petit peu la gorge. Nous, lecteurs, contrairement à elle, savons déjà que cette joie sera rapidement et sérieusement mise à mal.

Mais c'est dans la seconde partie que, d'une part, le travail de Sophie Calle m'a paru le plus intéressant, d'autre part que l'émotion va réellement affleurer. Sophie Calle va répéter inlassablement le récit de son histoire d'amour avec M., de façon quasiment identique pendant de nombreuses pages, puis le remaniant peu à peu et le raccourcissant. Les pages sont devenues granuleuses au lieu de lisses en première partie, et mates au lieu de brillantes. le récit de Sophie Calle est imprimé en lettres blanches sur fond noir sur la page de gauche, avec en en-tête, inlassablement, la même photo d'un téléphone rouge dans une chambre d'hôtel : ce même téléphone par lequel elle a appris que M. la quittait. En regard de ce récit, celui des personnes qu'elle a rencontrées, imprimé en lettres noires sur fond blanc, avec la photo d'un objet ou d'un lieu représentant leur histoire. Peu à peu, les lettres blanches du récit de Sophie Calle vont s'effacer, le ton va devenir plus drôle, même s'il est teinté d'amertume. Page 99, elle s'est débarrassée de sa douleur. Face à cette souffrance, somme toute, comme elle le dit elle-même, banale, des témoignages de toutes sortes : beaucoup de récits sont liés, naturellement, à la mort. A des suicides, assez souvent. Mais pas seulement, et l'histoire d'une humiliation subie enfant parce qu'on a triché au Nain jaune, d'un mal de dents, racontée parce que "le reste ne se dit pas", d'un accouchement qui devait se terminer tragiquement mais qui trouva une fin heureuse m'ont largement autant touchée que le reste. Ce livre amène à se poser pas mal de questions sur la souffrance, sur le deuil, questions qu'on s'est en général déjà posées dans sa vie mais qui ressurgissent ici un peu douloureusement. Enfin, si Sophie Calle a bien réussi à se débarrasser de sa douleur grâce à ces rencontres (et au temps qui passe), je n'ai pu m'empêcher de me demander ce qu'il en était pour tous les autres.

C'est un livre que je conseille enfin parce qu'il constitue un véritable travail artistique et une véritable réflexion sur la question de l'autobiographie, peut-être pas aboutis, mais qui valent qu'on se penche dessus. Ce n'est certainement pas par hasard que Christian Boltanski figure parmi les amis du père de Sophie Calle...
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Très déçu par ce livre, d'abord parce que le côté "pauvre petite fille riche" de Sophie Calle m'a énervé. Elle a la chance de recevoir une bourse pour la réalisation d'un projet artistique et la voilà à faire des chichis pour se décider à propos de la destination, New-York, Tokyo, et ainsi de suite. Elle choisit Tokyo, parce que c'est pour elle la pire destination. Il y a de quoi faire rager les smicards, les chômeurs, les étudiants et autres artistes courant après les subventions.
La première partie est peu intéressante, rien ne se passe, ni les photos ni les textes n'apportent un peu de chair à ce voyage en train destination Tokyo. Elle rencontre les gens qu'on rencontre quand on est une petite fille riche et artiste : des gens riches, des diplomates, des artistes. Il n'y a que le moment où Hervé Guibert lui saute dessus en hurlant qu'il va l'étrangler qui nous sort du quotidien monotone de Sophie Calle.
La deuxième partie est plus intéressante à lire, à cause des témoignages. Tous ne m'ont pas touché, certains même m'ont paru terriblement ordinaires, mais je crois que, finalement, le livre aurait été meilleur s'il n'avait été constitué que de ces témoignages. La dernière histoire surtout l'a ému, c'était un tel témoignage de détresse ! Mais les textes répétitifs de Sophie Calle, m'ont ennuyé. Finalement, je me suis dit que le livre aurait été meilleur s'il avait présenté uniquement ces témoignages.
Je sais que ce livre n'en est pas un, que Sophie Calle avait monté une exposition et que c'est devenu un livre par la suite. L'idée est quand même originale, mais je m'attendais à mieux. Quand ma chérie m'a parlé de ce livre avec des larmes pleins les yeux, ça m'avait semblé beaucoup plus captivant !
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Première fois que je prends un livre pour son tape à l'oeil. La tranche est rouge brillante avec un emballage gris. Erreur de ma part. Une femme obtient une bourse d'études pour New-York. Change de destination pour le Japon, pays où elle a le moins envie d'aller. Son amant, ami de son père chirurgien la largue à la fin des trois mois, quand elle doit rentrer. Je tourne les pages vite fait sur son voyage. Cabines de train, chambres, trucs bizarres, etc. Puis, pages de gauche répétition des mêmes phrases sur sa rupture amoureuse. Écrit en gris sur fond noir. Pages de droite blanches où on ne sait qui raconte des suicides, des accidents, des morts.
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je viens de refermer Douleurs exquises de sophie Calle, ecrit autobiographique d'une douloureuse rupture et recits d'anonymes sur les drames vecus..superbe petit livre, monté comme un reportage du vécu ou le paroxysme de la rupture se retrouve noye dans le flot de la vie..il y a bien un avant et un apres ..meme si ce dans ce dernier rien n'est vraiment plus pareil..la vie est toujours plus forte..est ce que toutes les douleurs se valent...?
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Petit livre prêté hier... et dévoré par cet après-midi pluvieux ! J'ai beaucoup aimé.... l'objet déjà, que j'ai trouvé joli. Couverture toilée, tranche rouge doré, ruban marque -page. On a envie de s'y plonger. le concept est très original. -92 jours /+92 jours. 2 parties. La 1ère avant la rupture raconte rapidement par le biais de photos ou petites réflexions, le voyage au Japon, la 2D partie raconte l'après ... le mal être personnel, et en parallèle, comme pour apaiser son mal repetitif', une rupture, celle des autres... la page qui concerne le narrateur est noire, en haut une photo, toujours la même ; en face, en haut, une photo et un texte sur page blanche. Progressivement le texte de la page noire s'efface, raccourci... comme son souvenir, comme son mal qui s'apaise...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
La souffrance a duré cinq heures et quinze minutes. C'est tout. J'avais vingt-trois ans. J'étais enceinte de mon premier enfant. La scène s'est déroulée à la clinique Saint-Roch, à Montpellier. Le 6 août 1966. Entre douze heures et dix-sept heures quinze. La sage-femme a posé son stéthoscope sur mon ventre et m'a dit qu'elle n'entendait pas les battements de son cœur. Elle était formelle : "Il est mort-né, nous allons provoquer les contractions." Cinq heures et quinze minutes à me tordre de douleur, à ne penser qu'à ce bébé qui allait sortir tout raide. Je me disais : "S'il ne vit pas, je me tue." La chambre était jaune. Il faisait très beau, très chaud. Je portais une chemise de nuit de ma grand-mère. Je ne pensais qu'à nos deux morts. L'accoucheuse était une grosse femme avec des cheveux blancs, un visage rouge, des pommettes hautes, un petit nez en trompette, la cinquantaine. A dix-sept heures quinze, heure de la délivrance, il a poussé un cri. J'ai foudroyé d'un regard assassin le stéthoscope. J'ai pleuré de joie. Elle a dit : "Calmez-vous."
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Il y a 31 jours, l'homme que j'aime m'a quittée.
Le 25 janvier 1985, à deux heures du matin, dans la chambre 261 de l'hôtel Impérial, à New Delhi. C'est de ma faute, je suis partie trois mois au Japon, alors qu'il m'avait prévenue qu'il ne patienterait pas aussi longtemps. Je n'ai pas voulu le croire. J'ai été punie, ce voyage fut un cauchemar, je comptais les jours qui me séparaient de nos retrouvailles. Car il fallait qu'il m'attende. J'ai presque gagné. Il m'a fixé un rendez-vous en Inde au terme de mon périple. C'est lui qui a décidé de la date et du lieu, lui qui m'a entraînée là-bas. Nous nous étions parlé la veille, tout était réglé, nous arrivions de conserve à l'aéroport de New Delhi. A l'embarquement, on m'a transmis un message. Il était question d'une subite hospitalisation, je devais appeler mon père. Plus tard, j'ai appris qu'il s'était bien rendu à l'hôpital, mais pour un panaris. Moi qui imaginais qu'il avait eu un accident sur le chemin d'Orly, qu'il était gravement blessé. Il avait simplement rencontré une autre femme. C'est bien fait pour moi. J'ai voulu cette histoire d'amour, il s'est laissé faire. J'aurais pu éviter cette souffrance. Comme mon amie D., qui ne s'intéresse qu'aux hommes déjà épris d'elle. La prochaine fois, j'en prendrai un qui m'aime.
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Mars 1984. Paris 14e. Je venais de perdre ma compagne, mon travail, et Skip, ma chienne. Avant, j'avais un chien malade, un travail malade, un amour malade. Maintenant, ils avaient disparu tous les trois. La mort de Skip, le 30 janvier, un samedi matin, à midi. Le départ de ma femme, un samedi également, début mars. Entre les deux, le licenciement. Ma détresse, longtemps pressentie, sursitaire, aggravée par ces trois coups de butoir successifs, était intolérable. Un soir, un mardi, j'ai complètement dévissé. Une explosion de folie. Ensuite, je en me souviens plus. Trois jours plus tard, le vendredi, j'ai vu la concierge entrer chez moi, avec deux agents de police. J'étais nu, agrippé à mon polochon et j'ai demandé : "Messieurs, avez-vous un mandat ?" Mais la souffrance à son zénith, c'est le lundi, alors que j'étais encore normal, dans cet appartement où je vivais cloîtré et que je ne voyais plus, assis à mon bureau, à noircir des papiers d'idées fumeuses, une lampe éclairant mes mains qui tremblaient. Pas de musique, elle m'écorchait les oreilles. Les bruits de la nuit, celui du métro qui passait régulièrement. Et toujours : le travail, la femme, la chienne...
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J'ai passé un été entier, assis sur une chaise, chez moi, à Paris, en 1972. Une douleur sans motif apparent. Trois mois sur cette chaise, à ne rien faire. Raide, immobile, les yeux ouverts, les mains sur les genoux, je demeurais dix heures par jour dans cette position. Je n'ai aucun souvenir des nuits. La seule visite dont je me souviens est celle de la lumière qui pénétrait dans la pièce - délabrée, d'environ quarante mètres carrés - vers midi trente et la quittait vers dix-neuf heures. Le téléphone était coupé. Il n'y avait pas de musique. La chaise était inconfortable. Pourquoi cette chaise ? Parce qu'elle impliquait une certaine tenue du corps. Sur un lit, je serais mort.
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C'était il y a vingt-cinq ans, en 1962, un après-midi de septembre. Dans une maison de vacances sur le bassin d'Arcachon. Je portais une chemisette en nylon blanc, des boxer-shorts bleu marine. J'avais triché au Nain Jaune, et c'était écrit, à la main, sur un morceau de carton que ma mère m'avait accroché dans le dos.
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Videos de Sophie Calle (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sophie Calle
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/


L'artiste Sophie Calle, l'un des visages les plus emblématique de l'art contemporain en France et dans le monde entier, rejoint le plateau pour parler de son exposition, "A toi de faire, ma mignonne", au musée Picasso et deux livres, "Noire dans Blanche", édité chez Gallimard, et "Des histoires vraies", paru chez Actes Sud.  L'artiste célèbre à sa manière dans son exposition, les 50 ans de la mort de Picasso. Elle investit la totalité des quatre étages de l'hôtel Salé avec cette proposition d'exposition inédite.
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