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EAN : 9782917157176
312 pages
La Volte (01/03/2012)
3.56/5   25 notes
Résumé :
Islande, 1986. Dans la petite école d'Hafnafjordur, entre une falaise arpentée par les fées et un champ de lave hanté par le passé, se noue un drame cosmique aux fantastiques implications. À la veille de la grande kermesse annuelle, Elliot, le très vieux concierge muet, a quitté sa chambre sans fenêtres, fermée de l'intérieur.

Bracken, le professeur de dessin, part à sa recherche flanqué de deux tortues, sans se douter que cette aventure l'amènera à f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Après avoir découvert Toxoplasma en 2017, il peut être intéressant de se replonger dans la bibliographie déjà fournie de Sabrina Calvo : Elliot du néant, par exemple, est paru en 2012 et fut son premier roman chez les éditions La Volte, dont on connaît la ligne éditoriale volontairement expérimentale.

Islande, petit peuple et course-poursuite
Bracken est un professeur de dessin français exerçant en Islande. En 1986, il séjourne à Hafnafjördur où il vient de démissionner de son poste dans l'école du coin. Pourtant, un collègue l'appelle paniqué pour venir l'aider à retrouver le concierge de l'école qu'il apprécie, mais qui est aussi très vieux et très muet (sauf pendant les cours de dessin de Bracken puisqu'il lui permet de s'exprimer autrement). Dans tous les cas, il semblerait que de sa chambre au sous-sol de l'école, le dit concierge, Elliot, a disparu sans laisser de traces et sans passer par les issues habituelles. Or, dehors l'école va normalement accueillir une kermesse locale, ce n'est pas le moment de faire mauvaise impression, d'autant plus que nous sommes en plein dans une contrée où le petit peuple, celui des fées et des elfes, est particulièrement présent (Hafnarjördur est d'ailleurs un site touristique réputé pour ses voyages de « l'Autre Côté » avec ses rochers dissimulant trolls et lutins). Bracken et son collègue ne sont bientôt plus les seuls à chercher l'infortuné Elliott : le principal, deux autres collègues ainsi que deux tortues recueillies par Elliott se mettent en quête, en quête de quelque chose que nous ne voyons apparemment pas.

La quête du Néant
Déjà dans Délius, Sabrina Calvo mettait en scène une histoire d'enquête loufoque sur fond de monde féérique, mais ici, dans Elliot du néant, elle va franchement plus loin dans le concept, puisque les personnages sont censés trouver le Néant. Rien de moins ! Dans ce but, Elliot est un puissant « McGuffin », car le lecteur ne se le représente pas forcément bien au départ, mais il est la puissance qui fait agir chacun des personnages. Bracken, alors qu'il n'est plus censé être à l'école, s'est pris d'affection pour cette personne et s'inquiète vraiment pour lui ; chacun des autres personnages également a quelque chose à trouver en suivant la piste d'Elliot. de plus, dans cette quête, régulièrement les deux tortues d'Elliot interviennent sans que les personnages ne les entendent, s'échangeant des pensées toujours utiles ou amusantes ; de temps à autre également, intervient un certain « Kor » qui prononce des sentences qui raisonnent comme des haïkus. Étrange donc comme ambiance, loufoque pour le moins, mais qui ne doit pas faire oublier que nous cherchons le Néant : non pas le vide, ni ce qui est « derrière les choses », mais bien ce qui est entre les lignes, dans l'impossible, l'intangible. Plus récemment, et toujours chez La Volte, à peu près les mêmes concepts sont utilisés dans Black Bottom, de Philippe Curval, mais cette fois dans l'espoir de trouver le Néant (ou l' « aréel ») dans l'art contemporain. Dans Elliot du néant, cela nous emmène très vite dans des réflexions et des considérations assez métaphysiques sur ce qu'est un créateur, ce qu'est un personnage et ce à quoi nous renvoie n'importe quelle histoire, de science-fiction ou non. L'imagination de l'autrice emmène Bracken, et le lecteur, particulièrement loin dans les méandres du Néant.

Transtextualité
Comme toujours finalement avec Sabrina Calvo, le récit n'est qu'une petite composante dans un champ bien plus vaste. D'ailleurs, le récit en lui-même peut se résumer en gros à quatre scènes principales (la première dans la chambre d'Elliot dure à elle seule au moins 75 pages). Cela fait peu de scènes, mais l'essentiel est sûrement ailleurs. À l'image de la plupart des textes poétiques, il y a la recherche claire, franche et assumée d'une transcendance : jusqu'où va nous emmener spirituellement cette quête ? Sabrina Calvo met également à profit, pêle-mêle, sa connaissance des anciens jeux vidéo, son goût pour la féérie et son amour pour la poésie de Stéphane Mallarmé qui est particulièrement mise en scène dans une intertextualité assez nette. Chaque art est une voie possible pour atteindre une forme de quintessence de la vie et du pouvoir de création. Elle passe de l'un à l'autre, usant même de quelques symboles graphiques pour faire traverser le lecteur d'un monde à l'autre ou d'une réalité à une autre.

Elliot du néant est donc un roman diablement troublant : d'un côté, on peut s'y perdre en trois phrases ou juste complètement être déconnecté de cette histoire au départ simplette et qui vire au loufoque (pour être sobre), d'un autre, il offre en peu de pages des possibilités assez folles sur l'écriture. Difficile d'oublier ce genre de sensations de lecture.

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« Je sais qu'il ne s'agit pas d'un rêve, car je ne rêve pas, et pourtant : si je n'ai jamais rêvé, comment savoir si ce que j'expérimente à l'instant n'est pas le produit d'un sommeil profond ? Comment trouver quelque chose dont on ignore l'existence ? Si l'apprentissage suppose l'aide d'un maître, où vais-je trouver la sagesse nécessaire pour sortir de ce dédale onirique où se retire notre âme le sommeil venu ? »

Terre d'Islande « déchirée entre deux continents », 1986. Une petite école est en émoi : Elliot, le concierge autiste, a disparu. Bracken, professeur de dessin déchu, les mains muselées dans des moufles, est appelé à la rescousse : parviendra-t-il à retrouver Elliot ? Il lui faudra affronter bien des paradoxes, quitter un monde plein pour gagner un antre vide, le Néant. D'ailleurs, est-il possible de le nommer par un mot qui d'emblée lui dessine un contour ? Au creux de ce Néant paradoxal, au fond de ses détours, se niche peut-être la poésie, et son paradoxe suprême : le trésor des signifiants qui tranchent dans le vif du réel.

« Elliot du Néant » est une oeuvre déroutante, comme les lignes qu'elle porte, qu'elle célèbre, les lignes que Bracken, dessinateur talentueux, va manier, remanier, jusqu'à en tordre les contours, les interstices, pour essayer de redonner forme au réel. Quand on accepte de se laisser porter par cette intrigue qui semble n'avoir ni queue ni tête, alors le voyage est sublime et un sens se donne au milieu du chaos… Voyage au bout des paradoxes que portent les mots, voyage dans un monde poétique, féérique, où les tensions dialectiques se gèrent de manière inattendue, insolite, décalée.
L'humour est présent, en toile de fond, et l'on sympathise avec Bracken qui essaie, tant bien que mal, de composer avec ses doutes, d'opérer des choix… jusqu'au final où les certitudes se figent, se cristallisent, annonçant, déjà, la fin d'un monde bien instable…
Une oeuvre qui, au final, me laisse un goût empli d'ambivalence, entre sentiment de déroute et fascination pour la puissance créatrice qui se dégage des mots posés là, entre les lignes, les interstices du réel…

« Je suis la dernière marche avant la chute, l'escalier qui devient bâtiment. Je suis entre deux pensées, où se niche la nuance des paradoxes, réunies pour toujours, liées pour dire ce que je suis, composées par le défaut, pour dire qui a le mot qui dit et le trait qui fait. »
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Ce roman réussit à allier l'Islande, Stéphane Mallarmé, Nick Kershaw et la mythologie pour nous embarquer dans une aventure féérique et loufoque, parfois teinté d'horreur !

J'ai pensé un moment à un Alice au Pays des Merveilles pour adulte car le héros part à la poursuite d'un "lapin blanc" -Elliot- et qu'il passe de notre monde à un autre et y rencontre des personnages extravagants mais ensuite... c'est tout autre chose.

J'ai trouvé particulièrement audacieux de partir d'un poème et d'une chanson pour imaginer tout un univers qui en découlerait. Cela donne une réalité et un relief bluffant à une histoire à priori impossible à faire tenir debout.

Ces pages nous offrent une réflexion profonde sur l'acte imaginateur de l'artiste : poète, dessinateur, joueur...

De la poésie brut dans un écrin de lave.

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Calvo a une écriture et un imaginaire réellement très original qui fait qu'on est toujours surpris même si on n'adore pas ce qu'il écrit.
Dans ce livre, Calvo nous emmène très loin dans son monde et avec un compagnon de voyage dont la poésie est difficile, à savoir Stéphane Mallarmé. le compagnonnage est d'ailleurs compréhensible car l'écriture de Calvo est, elle aussi, très poétique. Elle l'est plus dans Elliott du Néant que dans les précédents livres que j'avais lu, Délius, une chanson d'été (magnifique à mon goût) et Wonderful. Cependant, l'intrigue avance vraiment péniblement dans la première moitié du livre comme si Calvo peinait à se débarrasser de notre réalité commune pour imposer la sienne. La deuxième partie du livre est plus enlevée, plus magique aussi même si la fin m'a déçue. Bref, je me suis accrochée au monde de Calvo plus qu'à l'histoire pour aller jusqu'à la fin. Ce n'est pas ma meilleure expérience de lecture mais elle en valait tout de même la peine.
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Extrait de ma chronique :

"Si ce roman brillant a indéniablement un aspect "prémonitoire" dans le travail de Sabrina Calvo (au moins autant que la nouvelle "Effondrement des colonies" dans "le Jardin schizologique"), c'est surtout en ce qu'il délimite le territoire qu'explorera l'autrice dans sa trilogie ; on y retrouve donc, comme dans "Sous la colline" et "Toxoplasma" :

– un personnage engagé tout à la fois dans une "enquête" (page 78), une "quête" (pages 205, 244 ou 295), et un "voyage" intérieur (page 236), soit une trajectoire tournant vite au cosmique, pour laquelle il mobilisera des connaissances plus mythologiques que scientifiques (ici, Bracken ; plus tard, Colline ou Nikki ; autant de "marginaux sensibles au merveilleux, à l'impossible et capables de transcendance", dixit Nicolas Winter) ;

– son "double", qui entreprendra peu ou prou la même quête que lui, mais avec des moyens technologiques, et souvent des résultats moins probants (ici, Bram ; plus tard, Toufik ou Kim et Mei), suivant le modèle du "Neuromancien" de William Gibson (ici évoqué page 13 par le début de phrase "Le ciel noir noir noir au-dessus du port") ;

– un décor moderniste (ici, l'école d'Hamarinn ; plus tard, le Corbu ou le Montréal des années 80) qui dissimule en son sein une faille vers un autre monde, sur le modèle aussi bien des espaces courbes de Howard Phillips Lovecraft que du terrier de Lewis Carroll ;

– un bestiaire improbable et néanmoins parfaitement fonctionnel (ici, deux tortues, un morse et un macareux, empruntés eux aussi à Lewis Carroll ; plus tard, des Castors Juniors ou des ouaouarons, pour le dire vite)."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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critiques presse (1)
Elbakin.net
16 mai 2012
Si David Calvo possède un réel talent pour jouer avec les mots et fait mouche plus souvent qu’à son tour en faisant preuve d’un réel pouvoir d’évocation, il rate aussi parfois le coche, quand sa prose prend des accents quelque peu forcés.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
- Comment quelque chose qui n’existe pas pourrait-il avoir une profondeur ?
- Le Rien est enceint de tout, mon petit Bracken. Le Néant est omniprésent, dans tous nos gestes, dans toute notre vie. Le Néant est partout autour de nous, entre chaque chose, définissant le contact entre les surfaces. Il abolit toute forme.
Une inspiration monte en moi : ENTRE les surfaces ! L’image me fait brutalement penser à une ligne noire cernant un personnage de bande dessinée ; à l’espace entre deux cases.
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Longer l'école, en manquant de trébucher dans les trous, en glissant sur une mousse qui pulse d'une nouvelle lueur, comme respiration. Monte une odeur de pluie, de crotte de chèvre fermentée, de lait caillé. J'entends des clochettes, des carillons, presque un galop. Combien sont-ils ? Je n'ose me retourner ; tout droit, tout droit, il faut filer tout droit. Vite, la terrasse, le béton, mes pieds qui claquent et la baie vitrée. Poser les tortues, vite, refermer la baie.
Vite, la verrouiller.

- C'était moins une !
-Vous avez vu quelque chose ?
-Non, j'ai fermé les yeux...
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Dans mon ventre, dans mon intimité, je contiens le monde, je suis ce qui le sépare du reste, des autres, des yeux qui scrutent. Je suis la dernière marche avant la chute, l’escalier qui devient bâtiment. Je suis entre deux pensées, où se niche la nuance des paradoxes, réunies pour toujours, liées pour dire ce que je suis, composées par le défaut pour dire qui a le mot qui dit et le trait qui fait. Pour dire le nom du Maître d’après, quand le dernier s’efface, qu’il laisse derrière lui, en creux, encore un trou dont une seule âme est l’écrin.
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L’espace entre deux moments présents est un long souffle qui tend vers le zéro, approximativement replié sur lui-même par une force qui appuie fort, très fort. Ce sont des petits paquets de perception mis les uns derrière les autres et dont les frontières s’effacent au fur et à mesure que nous avançons vers le grand Rien.
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– Il nous sera très difficile de décoder cette fresque. Et je ne vois pas ce qui pourrait nous tenir lieu de pierre de Rosette. Il s’agit d’un langage primitif. Comme celui des nouveau-nés. Pour nos anciens, le monde autour d’eux était le langage. Toute chose avait un nom, et le nom devenait verbe. Rien n’était inventé, tout était lié aux référents, le signifiant et le signifié ne faisaient qu’un. Ce n’est qu’avec le temps que nous avons appris à donner des sens différents aux mots, puis les cultures ont achevé de désintégrer les relations entre le monde et le mot. Puis le mot devient un verbe, comme le font les enfants et les primitifs. Il rend le monde actif.
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Vidéo de Sabrina Calvo
Léanne, libraire du rayon Science-Fiction, présente Melmoth Furieux de Sabrina Calvo paru aux éditions La Volte.
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