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Louis Bonalumi (Traducteur)
EAN : 9782070755936
125 pages
le Promeneur-Gallimard (31/01/2002)
3.86/5   7 notes
Résumé :

L'accommodement, l'arrangement, le compromis, la compromission..., autant de mots pour dire les facettes d'une coutume qui, en l'absence d'un véritable état de droit, a longtemps régi les relations entre Siciliens. C'est à une enquête que nous convie l'auteur, une enquête avec ses méandres, ses surprises, comiques parfois, et nous découvrons peu à peu avec lui les racines d'une coutume sociale qui semble bien s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
N° 1557 - Juin 2021

Indulgences à la carteAndrea Camilleri – le promeneur.
Traduit de l'italien par Louis Bonalumi.

Andrea Camilleri était sicilien et à ce titre témoin de ce qui se passe sur cette île si convoitée et colonisée depuis des siècles par des peuples étrangers au point que les choses n'y sont pas exactement comme ailleurs. En effet l'accommodement, le compromis voire la compromission, s'ils sont une constante de la condition humaine, sont ici élevés au rang de coutume sociale. Il a tenté, lors de dix-huit courts chapitres, d'en démonter le mécanisme. Il règne en effet ici une règle évidemment non écrite, « la componenda »(la composition) où la mafia rend une certaine forme de justice, en dehors des lois officielles, avec même la connivence des autorités qui en retirent bénéfice, en plus de l'ordre public sauvegardé. Notre auteur, curieux, s'avise que l'Église catholique, loin de sauvegarder la moralité a, dans le passé, usé de contestables pratiques, notamment avec la commercialisation des indulgences auprès du peuple, procédure qu'elle pratiquait déjà à l'égard des nobles sous la forme de constructions d'églises, de monastères ou de la participation aux croisades. Même si cette pratique fut plus tard prohibée, elle consistait à s'assurer de la rémission de ses péchés par l'achat d'une « bulle ecclésiastique » tarifée, garantissant la bienveillance divine après la mort du bénéficiaire. Cela eut pour conséquence, au XV° siècle, outre l'enrichissement de l'Église et de certains de ses représentants, l'émergence du protestantisme… et l'édification de la basilique Saint Pierre de Rome ! On était donc en plein accommodement !
En Sicile rien n'est pareil qu'ailleurs, ne serait-ce qu'à cause de la mafia qui, dans l'ombre, mène un jeu efficace avec la bénédiction de l'Église catholique et de son hypocrisie. Ainsi le responsable d'une faute, un vol par exemple, en ressent normalement une certaine culpabilisation. Auparavant, grâce à la « bulle de componenda » (bulle de composition) il pouvait avoir la conscience tranquille puisque, contre de l'argent (un véritable impôt perçu au profit du clergé) , il en obtenait l'absolution et même la bénédiction, autrement dit, les instances qui devaient normalement guider les hommes vers la vertu contribuaient largement au climat moral délétère qui régnait ici. Pire peut-être, non content d'être religieux, le Sicilien est superstitieux et trouve dans ces pratiques une justification non seulement à sa réticence au travail mais aussi à l'exercice du vice et donc du délit (mais pas du meurtre). En effet, dans le passé, le Sicilien était traditionnellement un ouvrier agricole, contraint de travailler une terre ingrate pour le compte d'un riche propriétaire terrien qui l'exploitait et cette situation ne pouvait que verser dans la révolte, par ailleurs absoute par l'Église. La vente par les curés, dans les églises et seulement les jours de festivités religieuses de « la bolla di componenda » était, même si l'Église s'en défendait, une forme d'indulgence qui apaisait en quelque sorte les consciences. Cette loi perdura pendant des siècles et, dans sa version « laïque », consistait en un véritable pacte, forcément non-écrit, souscrit entre les délinquants et la police locale et les autorités italiennes continentales ont vainement tenté de mettre fin. Une étude a cependant insisté sur le rôle pivot de la femme dans le cadre de la structure familiale sicilienne fermée que les prêtres ont manipulé sans vergogne. de plus, les Siciliens qui ont la maîtrise du langage, c'est à dire du non-dit et du mensonge, souhaitent que les choses perdurent sous l'égide de la « componenda » et qu'on en parle moins possible.

Andrea Camilleri (1925-2019) est connu en France à travers son personnage fétiche, le commissaire Montalbano, popularisé par le télévision, un peu comme Simenon l'était grâce au commissaire Maigret. Ces deux auteurs n'en sont pas moins intéressants notamment quand ils abandonnent le registre du « polar » et mettent leur talent au service d'une autre forme de littérature, notamment le roman traditionnel. Ici Andrea Camilleri quitte le domaine de la fiction (encore que, à la fin, il ne peut s'empêcher de s'y livrer quand même un petit peu) pour se faire historien et polémiste. Je ne connais de la Sicile que les paysages et les idées reçues qui circulent sur elle. J'avoue que j'ai été étonné par ce texte pertinent et passionnant paru en 1993 en Italie qui contribue un peu à expliquer le spécificité de la société sicilienne. Selon son propre aveu, c‘est dans ce but qu'il écrivit cet essai tout autant qu'en cherchant à expliquer les comportements étonnants les Siciliens face aux événements. Si la « Bulle de composition » a aujourd'hui disparu son état d'esprit demeure et cette île reste attachée pour moi à l'image de la mafia qui dans l'ombre peut frapper où et quand elle veut et tuer de simples citoyens, des policiers, des magistrats....


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Pour une fois Camilleri, le célèbre auteur de polars siciliens, se fait essayiste pour comprendre l'origine de la "malavita", ou plus crûment de la mafia, pour découvrir l'origine de "certaines manières de penser difficilement compréhensibles des gens de chez moi" et bien sûr d'agir de façon "corrompue et criminelle".

Pour ce faire, l'auteur s'est livré à un travail de recherche dans diverses archives, notamment celles des commissions d'enquête gouvernementales, peu après l'Unité italienne, au XIXe siècle. Il y a découvert l'existence d'un étrange document ecclésiastique, ayant cours dans son île à l'époque, et dont tous semblaient connaître l'existence : la 'bulle (comme on dit "bulle papale", au sens de décret, de lettre officielle) d'arrangement"... Expression éminemment mystérieuse !
Camilleri essaie dans un premier temps d'expliquer ce qu'est un "arrangement", une "entente" : un pacte tacite, souvent illicite, qui existe entre des parties pour régler un problème, et il en donne divers exemples, y compris dans d'autres pays, car ce genre de négociation secrète existe partout...
Mais quel rapport avec une "bulle" ecclésiastique ? L'auteur va découvrir que l'Église catholique, malgré le scandale historique de la vente des "indulgences" au XVe siècle, scandale qui donna naissance au protestantisme de Luther, vendait en Sicile un acte imprimé valant participation à une confrérie bienfaisante, ce qui donnait droit à certains avantages, dont... des indulgences et des absolutions de péchés passés et à venir... Tout devient alors très clair ! Comme "le Sicilien est par nature plus superstitieux que religieux", il se trouve garanti par cette transaction contre les flammes de l'enfer, quelles que soient les turpitudes qu'il commet par ailleurs... Alors pourquoi se gêner ? Il suffit d'acheter annuellement au curé cette assurance contre la damnation... Camilleri en conclut donc logiquement que c'est l'Église et ses clercs qui donnent, les premiers (du moins en Sicile), le déplorable exemple de la corruption et que tout découle de là...

Une thèse intéressante pour essayer de comprendre le fonctionnement de la société sicilienne, par ailleurs illustrée d'anecdotes aussi savoureuses que macabres où l'auteur retrouve son dialecte très particulier et sa verve de conteur-né.
Il faut noter que ce texte à été écrit en 1991-1992, époque de la "négociation État-mafia" (dont le procès est actuellement réouvert à Palerme), qui aboutira à l'assassinat spectaculaire des deux "super-juges antimafia", Borsellino et Falcone et de leur escorte, en 1992.
Comme toujours, tout en dénonçant le système mafieux et ses origines, l'auteur reste un peu dans l'ambiguïté, car il comprend trop bien ses concitoyens et leur mode de raisonnement, et sans les justifier, il cherche des excuses à leurs comportements peu légaux...
Une lecture originale, car c'est un point de vue sicilien sur l'origine du mal qui ronge l'île.
Lu en V.O.
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Lu en italien
Camilleri a écrit cet essai en 1993.
Cet ouvrage pourrait avoir pour sous-titre: "Pour essayer de comprendre le fonctionnement enchevêtré de l'île et le mode de fonctionnement de la mafia."
Une première contradiction se trouve dans le titre. La bolla: la bulle, comme la bulle papale, est écrite alors que l" "componenda", ce qu'on peut acheter, est un pacte non écrit.
Une première commission sur la répression du malandrinage s'est tenue de 1861 à 1865. Aux questions posées, une même réponse: "la mafia n'existe pas."
Quelques années plus tard, le Tenente generale Avogrado qui a enquêté du 7 janvier 1874 à novembre 1875 a compris beaucoup de choses et parfaitement vu comment une véritable enquête aurait dû procéder, mais il était militaire et devait agir comme tel,non faire le philosophe ou le sociologue.
"Aucun de ces témoignages n'a été inclus par les éditeurs Carbone et Grispo parmi ceux publiés en 1968 (...) cela signifie avoir éliminé de la publication toutes les dépositions (ou presque) dignes d'intérêt."
Le mal continue.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Confession après une vendetta
"Vous l'avez vu, l'avis de décès de l'avocat Scialno, qui est affiché au mur ? "Il a été dérobé à l'affection des siens"....Dérobé ! Dérobé, vous me comprenez, brigadier ? Je me suis précipité à l'église, parce si je n'arrivais pas à temps je perdais une autre année et je me suis pris la "bulle" où il y a l'arrangement pour tous les genres de voleries. Moi, je n'ai pas tué Luzzo, moi je ne l'ai même pas vu, j'ai seulement volé un cochon, et je lui ai volé la vie, à ce cochon, comme disait le papier affiché."
"Mais traiter quelqu'un de cochon, c'est une métaphore !"s'exclama le gendarme Cumbo, qui avait des lettres. "Et c'est encore plus une métaphore de dire que quelqu'un a été dérobé à l'affection des siens !"
"For extérieur ou for intérieur", répliqua sereinement Tano Fragalà "moi j'ai la conscience tranquille".
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..un incroyable tarif imprimé, émis officiellement par le clergé (bulle) pour les pourcentages à payer à l'Eglise pour les méfaits commis.
L'achat de la bulle de la part des malfaiteurs constitue automatiquement une souscription de son engagement. p. 79
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Je m'aperçois que je suis en train de divaguer. C'est un de mes défauts que de considérer l'écriture à l'instar de la parole.
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Jusqu'à quel point un homme qui a commis un délit mais qui a la conscience et l'âme en paix en vertu d'une concession spéciale de l'Eglise peut-il se définir et se sentir coupable. p.60
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Sicile
"Moins on en sait, mieux on se porte" disait un proverbe, et c'est une règle sacro-sainte, surtout quand les choses qu'on est amené à savoir deviennent publiques... C'est alors qu'il faut faire attention aux autres, parce que parmi eux, il peut toujours se trouver une tête écervelée, qui pour le seul plaisir d'ouvrir la bouche, finit par te porter la poisse.
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Vidéo de Andrea Camilleri
Certains personnages ont la vie dure, traversant les années comme si auteurs et lecteurs ne pouvaient pas les quitter. Harry bosch, le fameux détective de L.A., est de ceux-là, créé en 1992 par Michael Connelly. Deux ans plus tard, Andrea Camilleri donnait naissance à son fameux commissaire sicilien Montalbano. Que deviennent-ils ? Leurs nouvelles aventures, qui viennent de paraître, valent-elles encore le coup ? Quant à Don Winslow, l'auteur de la fameuse trilogie La griffe du chien, il publie un recueil de six novellas dont deux remettent en scène les héros de ses plus anciens romans. Alors ? On a lu, on vous dit tout.
Incendie nocturne de Michael Connelly, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin, éd. Calmann-Lévy. Le manège des erreurs d'Andrea Camilleri, traduit de l'italien (Sicile) par Serge Quadruppani, éd. Fleuve noir. Le prix de la vengeance de Don Winslow, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet, éd. Harper Collins. Vous avez aimé cette vidéo ? Abonnez-vous à notre chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/¤££¤36Abonnez-vous20¤££¤4fHZHvJdM38HA?sub_confirmation=1
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Andrea Camilleri est né en Sicile en 1925. Il s'est mis au polar sur le tard, avec un très grand succès. C'était en :

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1992
1994
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