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Critique de Pat0212


Comme tout le monde j'ai découvert La peste à l'adolescence et je l'avais beaucoup aimé. Contrairement à La chute qui est un de mes livres de chevet que je relis souvent, je n'avais pas relu celui-ci depuis cette époque, qui remonte à quatre décennies. J'ai donc profité d'une lecture commune sur Babélio et du confinement pour m'y replonger. Je me souvenais de quelques scènes marquantes comme le prêche de Paneloux, la mort de l'enfant et de Tarrou, la phrase répétitive de Grand, la baignade des deux amis et la dernière phrase, mais vu la complexité de cette oeuvre, je ne me demande ce que j'en ai vraiment compris à quatorze-quinze ans.

La peste est une métaphore de la deuxième guerre mondiale et du nazisme, c'est bien connu, mais j'avais envie de relire ce roman dans la perspective actuelle de la crise du coronavirus. Cette crise est évidemment bien moins grave que le fascisme, mais c'est un évènement totalement inattendu qui nous surprend autant que les habitants d'Oran l'ont été. le roman dépeint les réactions des différents habitants, le premier sentiment est la séparation et l'exil, puisque la ville est fermée et tous les moyens de communication coupés. Ensuite vient l'égoïsme, le fléau est l'affaire des autres tout d'abord, puis devient celle de tous. A ce moment les uns plongent dans l'indifférence, les autres dans la solidarité, les équipes sanitaires s'organisent. Les personnages principaux incarnent ces différentes réactions, Rieux s'engage totalement puisqu'il est médecin, mais il le fait par devoir sans aucun sentiment, il essaie de garder une absolue neutralité de jugement, qui le protège aussi. Il ne se considère pas comme un héros mais il fait son métier simplement. Tarrou recherche la paix et la sainteté laïque, il sait que tout homme est potentiellement un meurtrier , y compris les victimes dont il se sent solidaires, lutter contre la maladie sans passion et sans illusion lui paraît la seule voie raisonnable. Il refuse tout jugement et fréquente assidument Cottard le trafiquant, qui a quelque chose à se reprocher et s'épanouit pleinement durant l'épidémie, il craint sa fin et provoquera lui-même sa propre chute, étouffé par la peur de l'avenir. Grand incarne le fonctionnaire sans grandeur qui fera son devoir face à la maladie en s'engageant dans les formations sanitaires, Camus, y voit le vrai héros de l'histoire. le père Paneloux offre un miroir à Rieux qui refuse de croire en Dieu et encore plus à la vision du prêtre qui voit dans le fléau une punition divine, mais s'engagera également dans les formations sanitaires, faisant dire au médecin qu'il est meilleur que son prêche.

Actuellement, les personnes ne développent pas de pensée philosophique sur la maladie, pour le moment la solidarité règne dans l'ensemble mais elle ne tardera pas à se fissurer face à la crise économique qui ne manquera pas de succéder à la crise sanitaire. Les Cottard prospèrent toujours, je viens de lire qu'une entreprise pharmaceutique suisse a exporté vingt cinq tonnes de masques de protection, réalisant un bénéfice colossal, alors que les stocks manquent dans le pays, y compris pour les soignants, en d'autre temps, on appellerait cela de la haute trahison. Les églises (du moins les évangéliques que je connais, je ne prononcerai pas sur d'autres dénominations que je connais moins) sont très actives sur la toile, mais heureusement ces discours sur la punition divine ne sont plus d'actualité, sauf pour quelques extrémistes américains dont il ne faut rien attendre de bon.

Ce que je retiens de ce roman est sa grande complexité, il y a de très nombreux passages philosophiques dont la lecture est exigeante et parfois, il faut bien l'avouer, ennuyeuse. L'étranger et la Chute sont plus abordables. C'est aussi un univers uniquement masculin, l'amour y est abstrait, même si Rieux dit qu'on a le droit de choisir son bonheur individuel contre l'intérêt général, ce qu'il ne fait évidemment pas. Un autre point surprenant est le fait qu'Oran est présenté comme une ville française, ce qu'elle était à l'époque, mais il n'y a aucun Arabe dans le livre, uniquement des colons ce qui n'est pas très réaliste non plus, donc il s'agit vraiment de la métaphore de la France.

Un monument de la littérature mais pas une lecture facile, même si j'ai eu grand plaisir à relire ce roman.
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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