AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Anna Colao (Traducteur)Paule Itoli (Traducteur)
EAN : 9782020183406
482 pages
Seuil (15/06/2006)
3.7/5   5 notes
Résumé :
Voici un livre qui ne manquera pas de soulever des controverses. La Grèce, dit-on, a inventé la démocratie. Lieu commun, répond Luciano Canfora, et qui ignore totalement le fait qu'aucun auteur athénien ne célèbre la démocratie... Dès lors, le lecteur est guidé dans un parcours de l'histoire européenne qui, de l'Antiquité à l'ère des révolutions, de la Troisième République à la révolution russe, de l'ère du fascisme à la chute du mur de Berlin, ne cesse d'interroger... >Voir plus
Que lire après La démocratie : Histoire d'une idéologieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'Italie peut s'enorgueillir de compter de grands intellectuels, encore aujourd'hui. Luciano Canfora en fait incontestablement partie. Bien sûr il fait grincer des dents à nombre de lecteurs qui n'ont pas l'intention de revoir les préjugés et les notions que l'enseignement d'abord, l'histoire et la philosophie dominante ensuite (j'entends par là celles qui ont droit de citer sur les ondes ou qui parsèment les revues de vulgarisation) leur ont inculqués. Or, quel paradigme plus dominant aujourd'hui que celui de la démocratie ?
Dans un travail érudit et sérieux, Canfora va pourtant montré tout le caractère idéologique de la prétention qu'il y a à défendre que nous vivons dans des pays démocratique et, même, à dire que cette notion relève de notre culture.
- Non, la Grèce antique ne fut pas le foyer de la démocratie. le terme même fut « forgé par les classes élevées pour désigner l'“excès de pouvoir” (kratos) des non-possédants (dêmos) lorsque – justement – est en vigueur un pouvoir “démocratique” ». La citoyenneté à Athènes était limitée à ceux qui pouvaient exercer la fonction de guerrier et qui, de la sorte, acquéraient le droit de participer aux assemblées ; par ailleurs, pour pouvoir être guerrier, ils devaient être en mesure de s'armer eux-mêmes, donc d'être propriétaires (sans compter la nécessité d'être nés de deux parents athéniens). Si la participation aux assemblées s'est parfois ouverte à de plus grandes parties de la population, les membres des classes supérieures restèrent ceux qui étaient les stratèges, les dirigeants militaires, les administrateurs du Trésor et qui occupaient les véritables lieux du pouvoir. Il ne s'agissait donc aucunement, à Athènes, d'un gouvernement du peuple ; au contraire, parmi les riches et les nobles, ceux qui acceptaient le système démocratique (où les non-possédants représentent la plus grande force) sont ceux qui mènent, qui dirigent et se laissent diriger, toujours dans une certaine mesure. Ces démocrates acceptent le système, qui est perpétuellement menacé par ceux qui le refusent et qui se regroupent secrètement : les oligarques. Au final, la « démocratie » athénienne, ne fut rien d'autre qu'une lutte contre le suffrage universel.
- D'ailleurs, l'élargissement du droit de vote, chaque fois et partout, s'est fait de manière à ce que l'hégémonie libérale, la « supériorité effective sur les classes dominées », soit maintenue. Contre cette lutte des classes possédantes pour conserver le pouvoir, Canfora offre une défense du scrutin proportionnel, seul système électoral à respecter l'idée d'égalité. Pourtant, il a toujours été refusé ou limité. Et pour cause, l'apparition du scrutin proportionnel a permis la croissance du socialisme : il lui a fourni une tribune politique d'abord, mais surtout, il a permis d'évaluer le mouvement ouvrier, de donner une représentation équitable à la classe ouvrière et de mener le combat pour les mesures sociales. Et le Parti socialiste (PS), en participant au combat politique, a réussi à se faire une place dans la vie politique.
- Au contraire, c'est contre le socialisme que s'est défini le parti démocratique. le terme même de « démocratie » n'a cessé de revêtir un sens péjoratif qu'avec la lutte contre le communisme. Au début du 19e siècle, en Angleterre et en France, se dessinait une opposition entre libéralisme et démocratie – le libéralisme étant compris "comme l'attitude concrète des classes possédantes décidées à préserver, au moyen du suffrage restreint, leur supériorité sociale", et se posant comme le parti de la liberté. Jusqu'en 1848, la démocratie n'était qu'un terme unissant les partis, autrement fort différents, qui luttaient contre le régime censitaire –, alors qu'en tant que régime, elle sera bientôt domestiquée par les forces économiques dominantes et par la volonté des politiciens d'entrer en politique pour faire des affaires.
- Canfora montre encore le lien "gênant" qui existe entre les démocraties dites libérales et les régimes fascistes qui se sont mis en place dans l'entre deux guerres, précisément sous la menace d'une diffusion du socialisme au-delà des frontières de l'URSS... Et, par là, nous invite à déconstruire une autre page d'histoire.

Bref, on en apprend beaucoup (bien plus que chez Graeber dans La démocratique aux marges ou que chez
David van Reybrouck dans Contre les élections, pour la démocratie par exemple, même si j'ai l'impression d'être également proche de ces auteurs).
Commenter  J’apprécie          20


Dans la catégorie : Régimes démocratiquesVoir plus
>Science politique>Types d'Etats et de gouvernements>Régimes démocratiques (48)
autres livres classés : démocratieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (16) Voir plus




{* *}