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Maxime Berrée (Éditeur scientifique)
EAN : 9782714309716
316 pages
José Corti (07/05/2008)
3.33/5   6 notes
Résumé :

Carlyle est un écrivain quelque peu effrayant. Réactionnaire et violente, son œuvre regorge d'idées et de sentences à faire frémir humanistes et progressistes : pour lui, la démocratie est " le chaos doté d'urnes électorales ", le monde doit être dirigé par des héros dont il affirme la supériorité morale ; il se prononce contre l'abolition de l'esclavage ; quant à la première ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Deux auteurs entremêlent leurs voix et s'expriment à la première personne : Diogène Teufelsdröckh, un philosophe allemand contemporain de Goethe, et son éditeur anglais qui présente son oeuvre et sa vie, les commente, les critique. Diogène Teufelsdröckh est l'archétype de l'écrivain romantique, un alliage d'austérité morale (il a ri et aimé une fois dans sa vie, pas deux) et d'exubérance lyrique, d'enthousiasme et de sauvagerie. C'est un philosophe transcendantaliste, une sorte de Kant mystique, qui tout en séparant l'apparence de l'essence jette un pont entre les deux, c'est sa « Philosophie des Habits » ; et comme son prénom l'y prédispose, il est aussi cynique, selon son éditeur. Cet éditeur qui lui-même se montre ironique face au manque de pragmatisme, à l'emphase métaphorique de Teufelsdröckh et lui reproche son côté « sans-culotte », même s'il prétend qu'il est un pur génie.
On se retrouve donc face à toute une série d'écrits divers, où se mêlent les théories de Teufelsdröckh, une satire sociale, des morceaux d'autobiographies symboliques et les commentaires de l'éditeur qui oscillent entre admiration et réprobation. Ces circonvolutions pleines d'humour m'ont beaucoup rappelé celles employées par Kierkegaard dix ans plus tard (dans « Coupable ? Non Coupable ? »).
Je ne vais pas commenter tous les méandres de ce livre qui est très beau et très stimulant, ni les théories de Teufelsdröckh sur les vêtements, ni sa satire de la Grande-Bretagne, où il renvoie dos à dos dandys anglais et gueux irlandais, tories et whigs ; seulement on pourrait résumer tout ça par le dicton : « l'habit ne fait pas le moine », en rajoutant « mais il fait la société ».
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le Passé est-il annihilé, ou seulement passé ; le Futur n’existe-t-il pas, ou est-il seulement futur ? Ces mystiques facultés qui sont les nôtres, la Mémoire et l’Espoir, déjà répondent : déjà, par ces mystiques avenues, toi, le fils aveugle de la Terre, tu évoques à la fois le Passé et le Futur, et tu communiques avec eux, bien qu’obscurément encore, et par signes muets. La toile tombe sur Hier, se lève sur Demain ; mais Hier et Demain tous les deux à la fois SONT. Perce à travers l’élément du Temps, regarde dans l’Eternel. Crois ce que tu trouves écrit dans le Sanctuaire de l’Ame humaine, ce qu’en effet tous les Penseurs, dans tous les Ages, ont lu religieusement là : que le Temps et l’Espace ne sont pas Dieu, mais des créations de Dieu ; et que, comme il est en Dieu un universel Ici, il est en lui un éternel Maintenant.
Et vois-tu là-dedans quelque indice d’Immortalité ? – O Ciel ! la blanche Tombe de l’être aimé, qui est mort dans nos bras, et qu’il a fallu laisser derrière nous, là ; cette Tombe qui se profile là-bas, comme une pâle Borne militaire reculant tristement, pour marquer combien de pénibles et amères étapes nous avons parcouru seul, - n’est qu’une pâle et spectrale Illusion ! L’Etre cher que nous avons perdu est encore mystérieusement Ici, comme nous sommes Ici mystérieusement, avec Dieu ! – Sache bien que les ombres seules du Temps ont péri, ou sont périssables ; que l’Etre réel de tout ce qui fut, de tout ce qui est, de tout ce qui sera, EST en ce moment même et pour toujours. Sur ceci, si malheureusement ceci devait te paraître nouveau, tu peux méditer à loisir ; pendant vingt années, ou pendant vingt siècles : tu dois y croire, tu ne peux le comprendre.
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Il n'y a donc pas de Dieu ? Ou tout au mieux existe-t-il un Dieu absent, siégeant, oisif, depuis le premier Sabbat, par delà les confins de son Univers, et le regardant aller ? Le mot Devoir n'a-t-il donc pas de sens ; ce que nous appelons le Devoir n'est donc pas un Guide, un Messager divin, mais un mensonger Fantôme terrestre, fait de Désir et de Peur, d'émanations des Gibets et du Lit-Céleste du Docteur Graham ? La joie d'une Conscience satisfaite ! Est-ce que Paul de Tarse, que l'admiration des hommes a depuis déclaré Saint, ne se sentait pas "le plus grand des pécheurs"; tandis que Néron de Rome, l'esprit joyeux, dépensait le meilleur de son temps à jouer de la lyre ? Stupide débitant de Mots et Broyeur de Mobiles qui dans ton Moulin-à-Logique as un mécanisme terrestre pour le Divin lui-même, et voudrais bien m'extraire la Vertu des cosses du Plaisir, - je te dis : Non ! La plus amère aggravation du mal chez l'homme, ce Prométhée vaincu, non régénéré, ne gît-elle pas toujours dans cette conscience qu'il a du Bien, dans ce sentiment qu'il est victime, non pas seulement de la souffrance, mais de l'injustice ? Quoi donc ! L'inspiration héroïque que nous appelons Vertu ne serait-elle qu'une sorte de Passion ; quelque bouillonnement du sang, et dont les autres seuls tireraient profit ? Je n'en sait rien : ce que je sais seulement, c'est que si ce que l'on nomme le Bonheur est notre véritable fin, nous sommes alors complètement égarés. Avec la Stupidité et une bonne Digestion, l'homme peut affronter bien des choses. Mais que sont, dans ces temps grossiers, guère imaginatifs, que sont les terreurs de la Conscience auprès des désordres de la Bile ! Bâtissons donc notre fortune sur les fondements de la Cuisine et non sur ceux de la Morale : alors, brandissant notre poële-à-frire en guise d'encensoir, offrons au Diable les fumées qui lui plaisent, et vivons heureux de la graisse qu'il réserve à ses Elus !
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Aux yeux de la Logique vulgaire, dit-il, qu'est-ce que l'homme ? Un Bipède omnivore qui porte des Culottes. Aux yeux de la Raison Pure, qu'est-il ? Une Ame, un Esprit, une Apparition divine ; un Moi mystérieux qui, sous toutes ses guenilles de laine, porte un Vêtement de Chair (l'enveloppe des Sens), tissé dans les métiers du Ciel ; par lequel il est révélé à ses semblables, vit avec eux à la fois UNI et DISTINCT ; par lequel il voit et se façonne pour lui-même un Univers, avec de bleus Espaces Etoilés et de longs Milliers d'Années. Profond est son ensevelissement sous ce Vêtement étrange ; parmi les Sons, les Couleurs et les Formes, qui, pour ainsi dire, sont à la fois ses langes et son linceul ; et pourtant ce vêtement est tissé dans le Ciel et digne d'un Dieu. L'homme, par là, ne se tient-il pas au centre des Immensités, au confluent des Eternités ? Il sent, il lui a été donné de connaître, de croire ; bien plus, n'est-il pas des moments, rien que des moments, il est vrai, où, même ici-bas, l'Essence de l'Amour, en sa céleste pureté première, rayonne à travers lui ?
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Contemple-toi dans la face de ton Frère, soit que dans ces yeux se joue le léger feu de la Bienveillance, ou que s'y exaspère la sinistre conflagration de la Fureur ; sens comme ton Ame, à toi, si paisible, aussitôt brûle involontairement du même feu, et comme vous flamboyez et vous vous réverbérez l'un sur l'autre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'une seule et vaste flamme confluente d'enveloppant Amour, ou de Haine étreignant à mort ; et dis alors quelle miraculeuse vertu se propage de l'homme à l'homme. Et s'il en est ainsi, au travers de toutes les épaisses enveloppes pressées de notre Vie terrestre, que dire lorsque c'est au travers de cette Vie divine dont nous parlons, et lorsque le saint-des-saints de notre Moi est comme mis en contact avec le saint-des-saints d'un autre Moi !
C'est dans ce sens que j'ai dit que les Habits ecclésiastiques sont pour la première fois tissés et filés par la Société. La Religion extérieure provient de la Société, et, à son tour, la Société devient possible par la Religion.
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Cette rumeur étouffée de Minuit, lorsque tout Trafic est livré au repos, que des voitures, roulant encore ça et là par les rues lointaines, emportent la Vanité vers des demeures lambrissées et éclairées, pour elle, d'une lumière savamment ménagée, et que, seuls, le Vice et la Misère sont dehors, à rôder ou à gémir comme des oiseaux de Nuit ; oui, cette rumeur, soupir qu'exhale la vie inquiète en son sommeil tourmenté, est entendue dans les Cieux ! Oh, sous ce hideux couvercle de vapeurs, d'exhalaisons pestilentielles et d'inimaginables gaz, quelle cuve fermente et mijote, cachée ! Là sont les joies et les douleurs ; là, l'on naît, l'on meurt, l'on prie, ou, de l'autre côté d'une cloison de briques, l'on blasphème ; et tout autour, à l'infini, la vaste, la vaine Nuit.
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