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EAN : 9782359494983
496 pages
Don Quichotte éditions (07/04/2016)
4.05/5   210 notes
Résumé :
« L’antispécisme milite pour l’intégration de tous les êtres vivants sensibles dans une même famille de considération morale. Vu sous un autre angle, cela signifie que l’antispécisme revendique l’appartenance de l’espèce humaine à une communauté beaucoup plus large qu’elle-même, celle des animaux. Il s’agit de notre communauté d’origine, dont nous ne sommes jamais sortis, malgré nos tentatives désespérées pour le faire croire et l’obstination à renier nos origines. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Aymeric Caron aborde dans ce livre une question qui est brûlante et d'actualité : l'antispécisme, dont la définition est vaguement exposée en quatrième de couverture, et milite en faveur de la reconnaissance de droits aux " êtres vivants sensibles ".

En soi, le projet me parle, je veux dire, l'idée de considérer l'homme comme une espèce comme une autre, ni plus ni moins intéressante, ni plus ni moins noble qu'une autre, qu'il s'agisse d'un lombric ou d'un pissenlit. Là dessus, rien à dire, l'écologiste et éthologiste de longue date que je suis s'y retrouve.

Mais par ailleurs, on connaît ses positions sur la consommation de viande et le véganisme, ce qui n'est donc pas totalement dénué d'arrières pensées, je trouve, et suscite alors mes premiers doutes quant à l'honnêteté intellectuelle.

J'aurais évidemment mille objections à faire aux arguments de cet homme, non pas pour renier le fait d'attribuer une meilleure considération à tous les êtres vivants (je ne distingue pas, moi, sensibles et non sensibles, j'y reviendrai) mais plutôt parce que ce " projet " de donner des " droits ", au sens légal du terme, est à la fois irréalisable et tout aussi discriminant pour les espèces que ce qu'il prétend combattre. Pour illustrer ceci, je vais me contenter de dix simples constats (il y aurait matière à développer, bien entendu, et à en présenter beaucoup d'autres).

1er constat : l'être humain, en tant qu'hétérotrophe, est incapable de se nourrir d'autre chose que d'êtres vivants (animaux, végétaux, champignons). C'est un fait. La nourriture exclusivement minérale, ça marche moyennement pour nous autres. Donc, que l'on soit carnivore invétéré, végétarien, végétalien, végane ou autre, on mange, quoi qu'il arrive, de l'être vivant à longueur de journée. Il y aurait donc des êtres vivants de basse lignée, bons à être mangés, et d'autres êtres vivants, dits " sensibles " qu'il serait scandaleux de consommer. Il faudrait qu'on m'explique la nuance.

2ème constat : où placer la limite entre " êtres vivants sensibles " et " être vivants NON sensibles ". C'est une absurdité car, par définition, tous les êtres vivants sont sensibles. D'une sensibilité qui peut certes être différente de la nôtre mais sensibles tout de même. La tique est un être vivant incroyablement sensible, doué d'une aptitude à repérer un homéotherme absolument stupéfiante. Un pied de lierre est lui aussi incroyablement sensible, à l'humidité, à la lumière, à la verticalité, etc. Donc, dire arbitrairement que telle espèce est sensible et que telle autre ne l'est pas est, au mieux, malhonnête, et plus certainement totalement erroné et stupide.

3ème constat : puisque les poux, morpions, tiques et autre ténias sont des êtres sensibles, ils ont le droit de vivre sur (ou dans) les corps humains, et en particulier sur celui d'Aymeric Caron. De quel droit, lui, un simple représentant d'une espèce vivante aurait-il le droit de tuer d'autres animaux qui ne font qu'exercer leur droit à la vie ? De même, d'un point de vue juridique, est-il moral de tolérer qu'il refuse l'accès de son logement aux blattes, araignées et autre souris ou rats ? Ce sont des animaux sensibles après tout, non ?

4ème constat : l'une des plus grandes causes de diminution de la biodiversité ANIMALE est la déforestation (notamment au niveau des forêts équatoriales, mais pas seulement) ayant pour but la mise en culture pour des productions VÉGÉTALES destinées à l'homme (huile de palme notamment en Indonésie, thé en Inde mais c'est loin d'être les seuls cas : la liste est infinie).

5ème constat : on sait que de nombreuses espèces de végétaux comme l'acacia ont une forme de " perception de la douleur " lorsque leurs corps (en l'occurence des feuilles et des tiges) est consommé par des animaux qui se traduit par la production de molécules de stress et qui peut même se transmettre à des congénères (des acacias voisins) qui eux n'ont pas été consommés. Donc pour des êtres vivants non sensibles, je trouve que les végétaux sont étonnamment sensibles et même, n'ayons pas peur des mots, sociaux.

6ème constat : les éponges et les coraux, qui sont des animaux comme tous les antispécistes le savent, sont-ils plus ou moins animaux que des plantes carnivores ? Plus ou moins sensibles ?

7ème constat : que donner à manger à nos animaux de compagnie carnivores ? J'ai essayé la salade avec les chats : ils adorent ça.

8ème constat : toute l'activité humaine a des conséquences importantes sur les vies animale, végétale et fongique. Exemples : la construction d'une route ou d'un bâtiment, par exemple, détruit toute la microfaune du sol, toute la menue flore qui vivaient dans cette zone. L'endiguement des rivières et des fleuves afin d'éviter leur débordement pendant la période hivernale pour permettre une vie commode à des petits citadins comme Aymeric Caron augmente dans des proportions considérables le débit (ou la vitesse du courant) de ces rivières en période de crue, détruisant du même coup toute une faune des berges qui y vit normalement fixée (ex : les plécoptères) et l'absence de cette faune des berges fait disparaître à son tour les espèces prédatrices qui s'en nourrissaient. Donc, c'est l'homme dans son entier et dans ses modes de vie qui représente un problème, si l'on y réfléchit. Quel est le programme d'Aymeric Caron pour venir à bout de ce problème ?

9ème constat : les aménagements réalisés sur les fleuves pour produire, par exemple, une énergie propre rend ces mêmes fleuves impropres à la vie pour des espèces animales ayant des droits, comme les saumons. Donc, si je résume la situation, à cause de vos sales petits besoins en électricité, très cher Aymeric Caron, des saumons innocents sont tués, anéantis, décimés, occis. Honte à vous !

10ème constat : la pomme bio que vous venez de consommer, cher Aymeric Caron, n'est pas une pomme naturelle. En effet, elle n'a peut-être pas reçu de produit " chimique " mais elle a tout de même reçu quelque chose, sans quoi elle aurait un petit habitant à l'intérieur, n'est-ce pas ? Car bio, ne signifie pas " sans rien pour tuer les bestioles ". En effet, il est autorisé d'utiliser des produits non transformés, comme le cuivre, qui avec l'eau, a un effet insecticide " naturel ". Quand je pense à tous ces êtres vivants sensibles qui n'ont pas vu le jour à cause de vous, Aymeric Caron, je me dis que vraiment leurs droits ne sont pas du tout respectés...

Bon aller, comme je suis bien lunée, je vais même en donner un petit onzième rien que pour monsieur Aymeric Caron. En sa qualité de végane, il considère que consommer, mettons, du lait de vache ou du fromage est absolument contraire aux bonnes mœurs auxquelles il s'astreint. Dans sa cuisine, par exemple, pour remplacer le lait de vache, il utilise, mettons, du lait de coco. Super, me direz-vous. Eh bien, peut-être pas tant que cela si l'on y réfléchit.

Le lait de vache, qu'est-ce que c'est ? Une sécrétion. Le recueil de cette sécrétion n'entraîne pas nécessairement une fin atroce pour l'animal qui l'a produite. On peut imaginer qu'il meure de sa belle mort. Tandis que le lait de coco, c'est quoi ? C'est le sacrifice d'une graine, d'un embryon d'être vivant, qui, de par ce bris de la partie boisée de la noix de coco ne pourra jamais donner l'être vivant en réduction qu'il était. C'est comme de sacrifier un œuf fécondé en fait, alors qu'une sécrétion de vache, en soi, ça ne tue personne. Donc, tout végane qu'il est, l'ami Caron, il n'a pas les mains si propres que ça d'un point de vue rigoureusement biologique et surtout, d'un point de vue antispéciste.

Voilà donc, selon moi, un magnifique exemple de faux bon raisonnement. Que l'homme ait des choses à questionner, à se reprocher et à améliorer, c'est absolument indéniable, notamment du côté de l'élevage industriel (même si le remplacer par des productions végétales industrielles est tout aussi dommageable pour la planète et sa biodiversité). Mais que sur un tour moral on essaie de montrer du doigt " ceux qui ne respecteraient pas " les espèces en croyant dur comme fer que eux, les bien-pensants, les respectent, là je m'insurge complètement. Car aussi, si je lis bien " l'intention " qu'il y a derrière ce salmigondis, c'est, un de ces jours, de pouvoir faire un procès à un petit pépère, pourquoi pas un paysan, parce qu'il aura trucidé son coq dans des conditions " inhumaines ". Car qui dit " droit " dit " procès " et qui dit procès dit " faire casquer " ceux qui seront, une fois encore, les plus vulnérables et les moins aptes à se payer des avocats compétents. (Dans le mot " droit ", il y a malheureusement beaucoup de travers.)

Alors que ce même pépère, avec son hygiène de vie, aura peut-être certes trucidé son coq comme les derniers des Viking l'aurait fait, mais parallèlement aura peut-être contribué à supprimer moins d'animaux et de végétaux, toutes choses considérées, qu'un Aymeric Caron aux ongles bien propres et à la morale irréprochable, de par sa simple activité médiatique ou auctoriale.

Est-il plus " humain " de laisser une plante crever de soif dans son pot et s'éteindre péniblement pendant qu'on est parti en vacances que de manger un œuf sur le plat ? Est-il plus " humain " d'éclater la gueule à une femelle moustique en train de vous piquer, c'est-à-dire en train de lutter pour sa survie et pour s'assurer une descendance, que de manger un steak ? D'un point de vue antispéciste, je n'en suis pas certaine, vraiment pas.

Et tout le problème est là. Si l'on vient greffer du droit et du juridique là-dessus, ça risque de devenir compliqué et surtout, seules seront concernées les espèces " proches " de l'homme (mammifères et oiseaux essentiellement). Je n'ai jamais vu personne s'insurger contre l'assassinat des couleuvres et des vipères dans les prés fauchés pour la récolte du foin, par exemple. Donc, cela ne fait que révéler une nouvelle fois une vision anthropocentrique (l'homme et les espèces auxquelles il peut s'identifier). Le sort tragique des murènes, des encornets rouges, des scolopendres et des coléoptères longicornes n'émeut guère les populations.

Dans ce livre, l'auteur évoque les conditions industrielles d'élevage et d'abattage des animaux domestiques et les compare à des " camps de concentration ". Il prétend également que l'homme est la seule espèce à infliger un tel traitement aux autres " alors que ça n'est pas nécessaire ". (Donc ici, il met tout le monde dans le même panier et plus seulement l'élevage et l'abattage industriels, tous les petits producteurs respectueux également). Attention, je ne suis pas en train de prétendre qu'il faut absolument maintenir l'élevage industriel, je pense même tout le contraire. Mais je relève plusieurs problèmes :

1°) Lorsque certains s'arrogent le droit de décider pour les autres ce qui est nécessaire ou pas, cela n'est pas de la démocratie. L'extermination de la forêt équatoriale et de la biodiversité qui s'y trouve dans le but de récolter de l'huile de palme est-elle nécessaire ? La construction de nouvelles routes et les terrains grignotés par l'urbanisation et donc voués à une mort écologique certaine sont-ils nécessaires ? L'exploitation de mines de terres rares en République Démocratique du Congo avec son coût humain catastrophique dans le but de fabriquer des smartphones est-elle nécessaire ?

2°) Ensuite, l'image volontairement choquante du " camp de concentration " a pour but de rallier des personnes sensibles et qui n'ont pas spécialement réfléchi à la question. Toutefois, si vous considérez un champ de colza, par exemple. N'est-ce pas, au sens propre un " camp de concentration " d'une espèce vivante ? Mais là, ça ne vous fait rien. Pourtant, d'un point de vue écologique, c'est une pure catastrophe. Moi je dis, et cette fois-ci d'un point de vue antispéciste, c'est deux poids, deux mesures.

3°) Enfin, je signale que le prix du panier alimentaire représente certainement peu pour Aymeric Caron mais c'est très loin d'être le cas pour toutes les familles en France et je ne vous parle même pas du monde. Donc la suppression radicale d'une production à bas coût (quel que soit le type d'aliment) entraînerait un appauvrissement et une fragilisation encore plus grande des couches de la population qui sont déjà les plus vulnérables. (Je connais des tas de familles qui aimeraient manger " bio " mais qui ne le peuvent pas. Là encore, monsieur Caron n'en dit rien, or c'est un problème à considérer, ce me semble.)

Je suis la première (et je l'ai fustigé de nombreuses fois dans mes critiques) à condamner le mode de production industriel des denrées alimentaires. C'est le mot " industriel " qui pose problème selon moi, tant pour l'élevage que pour l'abattage des animaux. L'élevage à la chaîne, l'abattage à la chaîne : c'est ça la plaie. Mais il existe aussi des éleveurs et des bouchers nobles qui ne font pas ça comme ça et les mettre sciemment dans le même panier que les industriels, je trouve ça fondamentalement injuste et malhonnête.

Le fait que des gens mangent des animaux qui sans l'homme n'auraient pas vu le jour ne me choque pas plus que le fait qu'ils mangent du blé, par exemple, une plante qui, sans l'intervention de l'homme, serait présente dans sa forme sauvage à très peu d'endroits du monde et sous effectif anecdotique.

Je vous rappelle que l'auroch, par exemple, est une espèce éteinte et qu'elle ne vit, sous forme de vaches, que par l'action humaine. Sans cela, il y a beau temps que, par les simples perturbations de l'environnement occasionnées par l'homme, cette espèce aurait disparu quoi qu'il arrive.

D'un point de vue écologique, l'exploitation que l'homme effectue des espèces animales d'élevage est une symbiose : l'homme favorise la nourriture et la reproduction de ces espèces moyennant quoi il prélève son tribut. Ce n'est pas extraordinairement différent de l'exploitation des pucerons par les fourmis qu'elles maintiennent, elles aussi dans des sortes de " camps de concentration ". Et ce n'est qu'un exemple. Donc quand Aymeric Caron parle de " seule espèce ", il se trompe : les fourmis aussi pourraient s'y prendre autrement pour vivre que d'exploiter les pucerons.

Or, comme les pucerons et consort sont des petites espèces peu sexy, personne ne s'en émeut. Par contre, un lion qui bouffe une gazelle, là ça fait un pincement au cœur parce qu'une gazelle c'est " mignon " tandis qu'un lion qui bouffe un oryctérope ou une fouine qui dévore une couvée de passereaux, en général, le monde s'en fiche complètement. Mais je suis désolée, d'un point de vue antispéciste, il n'y a pas de " mignon " qui vaille : l'oryctérope a autant de valeur que la gazelle, le moustique anophèle autant que le panda géant. Donc réfléchissez bien à ce que veux vraiment dire le mot " antispéciste " et à l'utilisation qu'en fait sciemment monsieur Aymeric C.

Mais bon, je vais m'arrêter là car je ne suis qu'une brave bête abêtie et je ne sais pas si j'entre dans la catégorie des espèces sensibles. D'ailleurs, tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Je sais , je sais , je ne vais pas me faire des amis en parlant de ce livre , et je l'assume .
Je ne suis pas d'accord sur tout avec Aymeric Caron , certaines de ces positions politiques sont contraires aux miennes , telle est la democratie .
Je le rejoins par contre totalement sur le sujet des animaux .
J'ai vécu toute ma vie avec des animaux , je les considère comme des humains à part entière .
Quand je lis ce livre , je retrouve la plume très consciencieuse de ce monsieur , ïl sait ce qu'il dis , contrairement à ce que certains pensent .
Ce livre est une méthode , le récit d'une expérience de vie , une maniere de prendre conscience , et de faire prendre conscience aux gens , de la souffrance des animaux .
Oui , il est hèlas normal dans nos sociétés gangrenées que la violence , la cruauté sur les animaux soit tolérées , voir meme hèlas encouragées quand il s'agit d'animaux de laboratoire ...
L'être humain fait du mal parce qu'il le veut , parce que c'est dans sa nature , non pas que les animaux eux memes ne soient pas cruels , ils le sont , mais ce n'est pas la même cruauté .
L'homme lui , veut du cuir , veut des sacs en croco , veut des fourrures , ect , alors pour satisfaire sa vantardise , eh bien ïl torture les animaux , avant de leur ôter la vie .
Et cela est considéré comme nomal !!!
Que voulez vous , Ïl fâut bîen que l'homme inculte brille en societe !!
Les politiques font la sourde oreille bien sur , on ne veut pas brusquer les gens , alors on laisse faire tout en condamnant devant la presse...
Que dire des élevages ....
On ne cesse de faire des reportages sur ces braves agriculteurs qui font naître des veaux , des agneaux , c'est mignon sur TF1 dans le monde merveilleux de Jean Pierre Pernaut ...
La vérité c'est que ces braves agriculteurs n'ont qu'une obsession , envoyer ces animaux à la mort , dans des conditions barbares , dont un malheureux agneau écartelé vivant , un cochon que l'on brûle par sadisme , un veau et un cheval que l'on découpe vivants , ect .
Les agriculteurs savent cela , ils le savent très bien ...
Mais ils s'en moquent , ils ne voient que leur bénéfice ....
Je n'oublie pas les requins massacres à la Reunion , île de barbares , ni les caïmans tués par des bourrins pour une émission de télé réalité debile sur M6 ...
Les exemples sont nombreux , chacun le sait , qui bouge ?
Qui prend le taureau par les cornes , et va dire aux toreros qu'ils sont des sadiques ?
M.Caron lui le fâit .
Son livre c'est une ode au respect de l'animal , c'est un livre important , qui fait preuve d'une rigueur irréprochable , d'une profondeur intellectuelle qu'il faut saluer .
Je conseille à tout ceux qui aiment les animaux de lire ce livre , car c'est un opus qui fera date .
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Avec Antispéciste, on a plus qu'un essai, on a tout un système de pensée développé, argumenté, sourcé sur les animaux au sens large du terme (animaux humains et non humains), l'éthique animale (nos devoirs envers les animaux non en tant qu'espèces mais en tant qu'individus), l'aberration morale, écologique mais aussi économique de l'exploitation animale. Aymeric Caron pousse même la réflexion sur le domaine politique, prônant une écologie essentielle là où il n'y a actuellement qu'une écologie molle, une écologie politique souvent plus soucieuse de pouvoir que d'actes.

Avant de vous fournir en détail le contenu de ce fabuleux livre, expliquons tout d'abord le titre du livre. Qu'est-ce que l'antispécisme ? C'est le contraire du spécisme qui consiste à traiter de manière différenciée les animaux selon leurs espèces même si leur sensibilité et leur intelligence sont comparables. On catégorise ainsi les espèces au sommet duquel trônerait l'Homme « forcément » plus important que les autres animaux. Ainsi, la souffrance de l'Homme serait plus importante que celle du chien ou du chat qui eux-même seraient plus importants que les cochons etc. Ce spécisme qui concerne plus de 90 % des personnes vivant dans nos sociétés occidentales est le terreau qui permet l'exploitation animale industrialisée dans un contexte de capitalisme et de consumérisme à outrance.

À partir de ce vocable quasi-inconnu en France, Aymeric Caron pose les jalons d'une réflexion faisant appel à plusieurs disciplines (philosophie, génétique, cosmologie, droit...) pour que nous prenions conscience de l'importance d'élargir notre sphère de considération morale, de nous repositionner à notre juste place dans le monde des vivants et de projeter un nouveau modèle économique et politique où la biodémocratie serait maîtresse.

La première partie intitulée L'animal que je suis donc, explique scientifiquement, notamment à partir de la génétique, que l'humain est un animal et qu'il n'y a entre les animaux non-humains et nous qu'une simple différence de degré, et non de nature. Il pointe ainsi le fait que les animaux non-humains possèdent des caractéristiques communes avec les humains notamment une conscience et une capacité à ressentir les émotions comme le plaisir, la douleur, la tristesse. Malheureusement, beaucoup de personnes sont animalosceptiques ce qui favorise l'exploitation animale. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la déclaration récente de Cristina Cordula sur la fourrure : le port de la fourrure ne serait ainsi pas condamnable si elle provient d'animaux d'élevage car ils seraient faits pour ça... bel exemple de spécisme ordinaire.

Dans une deuxième partie – L'animal assassiné – Aymeric Caron met l'accent sur la désinformation faite sur l'exploitation animale et notamment sur les conditions dans les abattoirs. Il nous donne l'exemple d'un documentaire TV sur une ferme où vivent paisiblement des animaux, choyés par leur éleveur qui leur donne d'ailleurs des prénoms comme des enfants. Mais quel humain envoie ses enfants à l'abattoir ? La question ne se pose même pas dans le documentaire car elle est occultée complètement et sciemment. C'est comme si on faisait un documentaire sur les camps de concentration et d'extermination en ne parlant pas des millions de morts... car qu'on le veuille ou non, l'exploitation animale est un génocide ininterrompu.

Dans une troisième partie – Pour la fin de l'exploitation animale – l'auteur aborde la philosophie morale en présentant une expérience de 1967 du philosophe Philippa Foot, le « dilemme du tramway » : serait-on prêt à sacrifier une personne pour en sauver cinq ? Par extension, est-on prêt à sacrifier plusieurs animaux pour sauver un homme ? Si le trait est poussé, il invite à réfléchir sur les notions de « morale », d' « éthique ». C'est aussi une introduction pour parler de manière plus approfondie de l'éthique animale, définie plus haut dans cette chronique, et notamment des différents courants la composant : le welfarisme et l'abolitionnisme. Les welfaristes ne sont pas opposés par principe à l'exploitation animale si les animaux sont dans des conditions d'élevage répondant à leur bien-être. Les abolitionnistes eux estiment qu'il n'existe pas d' « élevage heureux » et revendiquent donc la fin de toute exploitation. Aymeric Caron en profite pour expliquer que ces courants ne sont pas hermétiques et qu'il est possible ainsi d'être dans un entre-deux. Il exprime aussi les quatre droits fondamentaux qui devraient aujourd'hui être accordés à tous les animaux sensibles :

Le droit de vivre, donc de pas être tué ;

Le droit de ne pas être emprisonné ;

Le droit de ne pas être torturé ;

Le droit de ne pas être une propriété.

Dans la quatrième partie – L'antispécisme est un nouvel humanisme – Aymeric Caron démonte les arguments de ceux qui disent qu'il faut d'abord penser à s'occuper des humains avant de penser à la cause animale en montrant qu'être antispéciste c'est combattre toutes les discriminations aussi bien humaines que non-humaines. C'est ainsi une lutte universelle pour les opprimés, les plus faibles, les humiliés. Les défenseurs des animaux sont traditionnellement et par essence des humanistes. L'antispéciste est donc aussi contre le racisme, le sexisme et toute forme de discrimination envers les hommes. L'antispéciste a ainsi une sphère de considération morale très élargie car il conçoit le monde des vivants comme un tout : il est donc plus qu'un humaniste, il est anumaniste. Et si on doute qu'on puisse voir un jour les droits des animaux défendus par tous, l'auteur rappelle comment l'humanité a su faire évoluer sa pensée au fil des siècles (avec difficultés et des phases de régression il est vrai)... l'esclave est devenu un homme libre comme un autre, la femme est devenue un être humain comme un autre, l'homosexuel est devenu un humain considéré comme normal et non malade... Ce qui pour l'instant bloque pour reconnaître le droit des animaux et abolir l'exploitation, c'est le profit économique qu'on en tire. On souligne aussi l'impact négatif en terme d'emplois alors que les éleveurs sont devenus des esclaves de l'industrie agricole et qu'on consacre un budget faramineux pour soutenir une agriculture qui produit bien plus que nécessaire.

Dans la cinquième partie – Antispéciste comme Superman – l'auteur montre l'absurdité du modèle économique et politique dans lequel nous vivons : un monde capitaliste, consumériste mais qui n'a de cesse de creuser les inégalités et que pour autant nous acceptons. Il reprend ainsi le terme de « consentement à l'inégalité » de l'historien Pierre Rosanvallon. Les empires capitalistes et les hommes politiques qui soutiennent ce type d'économie font régner en maîtres la triche, le mensonge, l'arnaque. Il suffit de voir toutes les affaires telles que les Panama Papers pour admettre cet état de fait. Nous sommes dans un monde où le hold-up règne et avec le consentement servile de la population qui n'en profite pas. Pourtant, pour Aymeric Caron, l'entraide est « plus bénéfique que la compétition » d'autant plus que l'argent ne vaccine pas du malheur. Il convient donc aux humains de se révolter, de refuser de suivre les ordres sans morale : faire de la désobéissance civile.

Dans une cinquième partie – Pour une écologie essentielle – Aymeric Caron aborde véritablement l'aspect politique de l'antispécisme. Il montre tout d'abord que l'écologie telle qu'elle est défendue actuellement par nos partis écologistes est une écologie superficielle – ou une écologie environnementale – qui ne s'intéresse qu'à la pollution ou à l'épuisement des ressources. L'objectif est uniquement de limiter les dégâts alors qu'il convient de tout réformer. C'est finalement le succès de ce qu'on appelle le développement durable : exploiter de manière « raisonnée » les ressources naturelles pour laisser de quoi se développer à nos générations futures. Ce développement durable est d'ailleurs enseigné en géographie dans nos écoles (je le sais d'autant plus que j'étais prof d'histoire-géo il y a encore moins de quatre ans). Pour Aymeric Caron, on ne peut pas de limiter à atténuer les effets néfastes. de plus, cette écologie est anthropocentrée alors qu'elle doit être biocentrée c'est-à-dire ayant une réflexion morale sur tous les êtres vivants basée sur trois préceptes : « moins produire, moins se reproduire, mieux se conduire ». Pour cela, il convient donc de faire une révolution politique et démocratique ce qui nous amène à la dernière partie.

Dans Pour une biodémocratie, Aymeric Caron pose les jalons d'une nouvelle vision de la démocratie étendue à l'ensemble des vivants : la République du Vivant. Cette république doit notamment s'appuyer sur une assemblée parlementaire qui doit prendre en compte les intérêts de tous les vivants et des représentants pour les animaux non-humains. Exit également le Président de la République. Évidemment, vu que les enjeux sont mondiaux, la biodémocratie ne peut se limiter à la France ou aux pays européens : elle doit dépasser les frontières, s'internationaliser.

J'espère avoir résumé avec la plus grande fidélité possible les propos de ce livre extrêmement riche et exigeant. Il peut évidemment apparaître comme radical ou prétentieux mais les propos sont cependant plus nuancés qu'on ne pourrait le croire. Personnellement, je partage beaucoup de choses avec ce qu'Aymeric Caron développe, aussi bien sur les animaux que sur ce modèle économique et politique aberrant. Peut-être est-ce parce que j'ai également une sensibilité de gauche. La dernière partie sur les prémices d'une biodémocratie me semble cependant très utopique (Aymeric Caron affirme d'ailleurs que ce « programme » a un côté utopiste) mais surtout parce qu'elle n'est pas suffisamment développée. Cette partie a au moins le mérite de proposer des solutions – même très parcellaires– là où beaucoup de gens se limitent à sortir des constats de grande banalité sans propositions (je peux classer dedans la plupart des livres agaçants des hommes politiques). Aymeric Caron a t-il des projets politiques dans le futur ?
Lien : http://www.leslecturesdumout..
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Quelle culture et quel passionné défenseur des animaux !

Etonnée surtout par l'étendue des connaissances de cet auteur qui passe en revue les différentes étapes de notre évolution dans nos rapports avec les animaux. Il revient, en premier lieu, sur les grandes avancées scientifiques qui ont bouleversé notre perception du monde : la théorie du Big Bang, la formation de la terre, la naissance de la vie et le développement des espèces, puis celle de l'ADN. Autant de découvertes qui heurtent notre égo, remettent en cause la place centrale et dominante de l'homme dans la création à cause notamment de chercheurs comme Copernic et Darwin. Du coup, la parenté entre l'homme et l'animal étant admise, il évoque en second lieu, les nouvelles branches de la recherche qui sont nées au XXs. D'abord l'éthologie qui étudie le comportement animal avec des personnalités comme Jane Goodall, Richard Dawkins ou Jared Diamond dont la conférence de Cambridge en 2012 est l'aboutissement puisqu'elle reconnaît une conscience aux animaux. Ensuite, l'éthique animale qui est fondée sur 2 courants, le welfarisme représenté par Peter Singer et l'abolitionnisme par Tom Reagan. Une conception philosophique qui, doit amener à une refonte du droit des animaux et à des transformations profondes de nos pratiques envers eux jusqu'à aller, selon Caron, vers la fin de l'élevage, de la corrida, de la vivisection, des cirques et des zoos. L'homme étant un animal, les autres espèces d'animaux non-humains doivent intégrer notre sphère de considération morale comme l'a proposé en premier, Singer, et être considérés dès lors comme des personnes, non des objets. Ce mouvement de libération s'inscrivant dans la logique de la lutte contre l'esclavage au XIXs. Et l'auteur de citer aussi quelques associations qui ont pris en charge ce combat comme Greenpeace, L214, Peta ou une personnalité telle qu'Henri Spira, l'un des militants les plus impactants dans ce domaine.
Or, parallèlement, l'auteur rappelle et décrit rapidement les pratiques les plus criminelles et douloureuses envers les animaux qui se sont développées dans un même temps. D'abord l'industrie de la viande qui a connu un grand essor, abat toujours plus de victimes (70 milliards par an) et fait tout pour masquer la cruauté des conditions de vie des animaux de ferme. Mais aussi l'élevage de la fourrure, le massacre des dauphins dans la baie de Taiji ou encore le trafic des espèces avec l'effondrement de la population chez certains animaux sauvages en seulement un siècle comme l'éléphant (-95%), le tigre (-97%) ou le lion (-80%) par exemple. Un vrai génocide qui se réalise dans l'indifférence d'un grand nombre et des politiques.

C'est pourquoi, l'auteur va plus loin et pense que l'éthique animale et plus largement l'écologie doivent aboutir à la mort du système capitaliste qui façonne notre monde aujourd'hui, cautionne et stimule l'exploitation animale ainsi que celles des ressources, accroît le pouvoir de l'oligarchie de la finance et des multinationales, dérégule l'économie et rejette l'interventionnisme de l'Etat. En ce sens, il désapprouve les tentatives d'écolos qui sont modérés et prônent par exemple, un capitalisme vert qui se contenterait de freiner ou limiter l'exploitation du vivant. Caron, lui, souhaite donner une incarnation à l'écologie profonde d'un Arne Naess et propose donc un nouveau projet de société comme la Biodémocratie. Outre Naess, des auteurs comme Shopenhauer, Tolstoï, David Thoreau, Karl Marx, Hugo, Zola, Gandhi ou encore Montaigne sont cités comme premiers penseurs de l'anticapitalisme ou de l'éthique animale. On voit l'esprit d'un homme qui a fait de nombreuses recherches dans ce domaine et qui possède une forte mémoire dotée d'un solide sens de l'analyse.

Enfin, venons-en au point sans doute le plus critique : celui du projet de Biodémocratie. Il s'appuie en partie sur les propositions d'un autre, un dénommé René Dumont qui envisageait le contrôle de la démographie et la nécessaire baisse de la production. Mais il laisse libre court aussi à son imagination avec l'idée d'un monde où les animaux retourneraient à l'état de nature sous la vigilance des humains , la formation d'un système politique qui inclurait un Comité d'experts sur le vivant, une Assemblée naturelle à la place du Sénat ou encore des orphelinats à la place des refuges, des tuteurs à la place des propriétaires pour les animaux de compagnie dont la liste serait à redéfinir. Bref tout un programme...Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est l'auteur qui va le plus loin sur ce sujet et se montre aussi le plus radical avec cette volonté d'incarner l'antispécisme et l'écologie dans une révolution politique. J'ai approuvé beaucoup de points, notamment la nécessaire réforme du droit pour les animaux qui doit être plus clair, plus logique pour lancer la réforme juridique qui en découle et j'ai été séduite par le changement de statut du propriétaire en tuteur accompagné d'un service administratif pour gérer l'état civil des animaux sous leur garde. Finit l'appropriation des bêtes considérées comme objet de commerce. De bonnes idées, c'est sûr même si je ne suis pas d'accord avec tout comme la création d'un gouvernement mondial, la suppression du statut de chef d'Etat ou encore la possibilité d'une révocation des élus en cours de mandat, la critique trop facile de Hulot (jalousie ?) ou encore l'option d'une scde assemblée au sein du corps législatif (1 seule suffit selon moi car trop paralysant autrement). Plus mitigée aussi sur les zoos car bcp d'animaux vivent assez bien dans les parcs comme dans celui de Beauval qui est remarquable et je ne suis pas contre les concours d'animaux en général car si l'éducation vaut pour les humains, elle l'est aussi pour les animaux, le problème relevant plutôt de la méthode.

Mais bon, je chipote, ce n'est sans doute, comme le reconnaît d'ailleurs l'auteur lui-même, qu'une belle utopie...Car de toute évidence, la réalité ne va pas dans le sens de Mr Caron. Ce dernier publiant une oeuvre spécialisée, évacue bien d'autres problèmes contemporains. Comme ceux de la guerre entre l'occident capitaliste et l'orient islamiste ; la montée du réchauffement climatique et des catastrophes naturelles ; l'avidité des multinationales et de la finance qui poursuivent dans le cumul des richesses et la surexploitation ; l'agriculture industrielle qui, étant encore le modèle dominant, maltraite les animaux et pollue la terre ; les injustices qui se sont cumulées et qui en résultent avec le fossé abyssal des inégalités, l'asphyxie des voix contestataires et le laxisme des politiques ; et enfin l'essor de la science qui s'intéresse de très près à la robotique, la génétique et l'intelligence artificielle...bref un autre programme s'annonce qui, lui, est bien plus sombre.
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Avant de débuter cette chronique, une petite mise au point niveau vocabulaire s'impose, si vous n'êtes pas forcément calés – ce que je ne reprocherai à personne, il n'est pas trop tard pour s'y intéresser -.

- un flexitarien mange de la viande très occasionnellement,
- un végétarien ne mange ni viande, ni poisson (ça c'est moi, coucou),
- un végétalien ne mange ni viande, ni poisson, ni aliments liés à l'exploitation animale,
- un vegan ne consomme aucun produit lié à l'exploitation animale, aussi bien au niveau alimentaire qu'au niveau de la cosmétique, de l'habillement etc.

Dans cette chronique, je désignerai ces 4 catégories de personnes par le terme végéta*ien.

La construction du mot « spécisme » doit vous en rappeler d'autres : sexisme, racisme. le concept est le même mais s'applique à l'espèce, comme les deux autres s'appliquent au sexe et à la race. le spécisme justifie l'exploitation des animaux pour nous nourrir, nous servir ou nous distraire par leur infériorité intellectuelle (entre autres). L'antispécisme considère au contraire que les animaux non humains doivent avoir certains droits, comme tout simplement celui de vivre et de s'épanouir. L'antispécisme comporte deux branches :

- les welfaristes, qui ne sont pas complètement contre l'idée d'exploiter des animaux non humains seulement si ceux-ci sont traités décemment, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, les scandales récents nous le prouvent,
- les abolitionnistes, qui sont pour l'arrêt pur et simple de l'exploitation des animaux non humains pour quelque but que ce soit.

Aymeric Caron fait partie du second camp et déploie donc un certain nombres d'arguments pour sa cause. Je ne suis pas forcément d'accord avec tout (encore heureux, ça veut dire que je réfléchis et ça empêchera peut-être certaines personnes de me traiter de fanatique), mais la façon qu'a l'auteur de nous remettre à notre juste place vaut le coup d'oeil. Qui sommes-nous, humains ? À peine une poussière dans l'univers, assez insignifiante en fait. Nous avons tellement pris l'habitude de nous placer au centre de tout que nous en oublions notre réelle importance – quasi nulle. Nous considérons que tout nous est dû mais nous ne sommes pas les premiers à peupler la Terre, nous ne serons probablement pas les derniers non plus. Nous sommes par ailleurs loin d'être une de ces espèces essentielles à la bonne santé de notre planète, bien au contraire, nous nous acharnons à détruire notre maison et, ce faisant, les autres espèces qui l'habitent.

Ce paragraphe pourrait vous laisser penser que l'antispécisme est anthropophobe, ce n'est pas le cas. L'antispécisme se bat pour l'égalité entre les espèces, il serait totalement contre-productif de souhaiter créer des inégalités entre les hommes. L'antispécisme, aussi étrange que cela puisse paraître aux yeux de certains, est aussi une nouvelle forme d'humanisme. Je ne développerai pas davantage cette idée ici car l'auteur le fait très bien dans cet essai, mais je souhaitais aborder cet argument pour que personne ne réagisse au quart de tour en disant que les antispécistes en ont après l'espèce humaine, ce qui est faux.

Le plus intéressant dans l'essai d'Aymeric Caron n'est pas tant sa description de l'antispécisme que les possibles solutions qu'il apporte. L'un des reproches que l'on peut faire à l'antispécisme est d'apporter des arguments pour la défense des animaux sans réellement se projeter dans une société où l'on mettrait fin à leur exploitation. Ici, l'auteur reprend de nombreuses sources pour expliquer tout ce qui cloche dans notre système actuel, aussi bien au niveau politique qu'au niveau économique ou éthique. Je suis d'accord avec tout ça, il faut être inconscient pour encore se bercer de « je vais bien, tout va bien » dans la situation actuelle, particulièrement catastrophique. Je suis moins d'accord avec certaines des solutions proposées, que j'ai parfois trouvées trop idéalistes.

L'auteur souligne qu'il ne faut pas renoncer à l'utopie, peut-être qu'un jour l'humanité apprendra de ses erreurs et rebâtira un système plus sage, loin du consumérisme dans lequel l'individu finit par se noyer, peut-être… et il est vrai qu'on peut déjà constater un certain éveil des populations, ne serait-ce qu'en constatant la croissance du nombre de végéta*iens en France, même si on a encore un sacré retard par rapport à d'autres pays (miam, le foie gras…). Il y a encore peu de temps, le végétarisme était considéré comme un mouvement sectaire et bien que ce soit toujours le cas pour certaines personnes, on ne peut qu'observer l'acceptation de ce mode de vie en général : les restos végéta*iens (ou proposant une réelle alternative) se développent, certains supermarchés mettent en place des gammes de produits destinés à ces consommateurs (Carrefour pour ne pas le citer), on s'indigne du traitement des animaux en élevage… Les végéta*iens ne sont plus des monstres qui se baignent dans le sang d'un carniste sacrifié un soir de pleine lune (sorry not sorry).

Cet essai m'a apportée des réponses et m'a aussi fait réfléchir sur certains points, j'en potasse d'ailleurs toujours quelques uns. Si je refuse par principe l'adhésion totale à la façon de penser d'une autre personne, je ne peux que respecter la réflexion, la recherche et le combat d'Aymeric Caron.
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Nous dérivons sur un îlot microscopique, naufragés d’un destin dont nous ne contrôlons pas grand-chose. Nous savons seulement que nous venons à peine de naître et que nous sommes voués à disparaître. Le « nous » que j’évoque ici désigne l’espèce humaine, une espèce qui s’éveille tout juste à la vie et dont l’extinction est déjà programmée. D’ici là, peut-être aurons-nous trouvé les chemins de l’immortalité. Mais nous n’y sommes pas pour l’instant. Et là encore, une explication s’impose.

Le Big Bang, c’est-à-dire le début de l’univers, a eu lieu il y a 13,8 milliards d’années. Le Soleil et la Terre sont apparus bien après, il y a 4,5 milliards d’années. On sait que le Soleil vivra encore à peu près autant avant de s’éteindre. Or sans Soleil, pas de vie sur notre planète. Mais la vie sur Terre aura disparu bien avant que le Soleil ne s’éteigne, puisque la Terre occupe aujourd’hui la zone habitable dans l’entourage du Soleil, c’est-à-dire une zone ni trop chaude ni trop froide. Dans 1,75 milliard d’années (peut-être davantage selon certaines prévisions), la planète bleue devrait être dans la « zone chaude » du Soleil et ne sera donc plus viable. Et peut-être même que, d’ici là, les formes de vie évoluées que nous connaissons auront déjà disparu. Les humains auront peut-être déjà succombé. Ils auront peut-être aussi été exterminés par une nouvelle espèce apparue sur Terre ou, pourquoi pas, venue d’une autre planète. Rien ne nous permet d’écarter ces scénarios, d’autant que toutes les espèces qui naissent sur Terre finissent un jour par disparaître. Mais qui sait s’ils n’auront pas migré vers d’autres planètes qu’ils auront colonisées ; notre espèce pourrait alors se perpétuer ailleurs dans l’univers. Si ce n’est pas le cas, si nos descendants ne réalisent pas cette prouesse technique, alors tout ce que nous aurons créé jusque-là, tous les plus beaux romans, les symphonies, les œuvres d’art, les monuments, mais aussi toutes nos inventions techniques, des plus dérisoires aux plus avancées, n’auront servi à rien, si ce n’est à passer le temps. Étant donné que toutes les étoiles de l’univers sont appelées à mourir un jour, tout comme notre Soleil, étant donné par ailleurs que certains scientifiques prédisent la disparition de l’univers lui-même, il est tout de même permis d’être relativement pessimiste quant à l’issue générale du jeu auquel nous avons été provisoirement conviés à participer.

Mais reprenons notre récit de la formation de notre monde. La Terre, donc, a vu le jour il y a 4,5 milliards d’années. La vie y est apparue il y a environ 3,8 milliards d’années. Il s’agissait alors d’organismes monocellulaires, les procaryotes. La vie animale a explosé à partir de – 540 millions d’années et du cambrien. La vie est sortie de l’eau il y a 450 millions d’années et on fait remonter les premiers mammifères à 200 millions d’années. Les australopithèques sont apparus il y a 5 ou 6 millions d’années. Les premiers représentants du genre Homo sont nés il y a 3 millions d’années. L’Homo sapiens a vu le jour il y a seulement 200 000 ou 150 000 ans. L’agriculture, qui a marqué le début de la domination de l’homme sur la nature, remonte à 12 000 ans. Donc, si l’on met toutes ces dates en perspective, on s’aperçoit immédiatement que l’espèce humaine a émergé du vivant il y a quelques instants à peine.

Il suffit pour s’en convaincre encore mieux de se plonger dans le calendrier cosmique établi par Carl Sagan. Ce dernier a eu l’idée de rapporter l’histoire de l’univers, de sa naissance à aujourd’hui, à l’échelle d’une seule année. Tout démarre donc le 1er janvier avec le Big Bang, et nous sommes actuellement le 31 décembre à minuit. En se référant à cette échelle de temps, notre système solaire n’est apparu que le 9 septembre, et la Terre le 14 septembre. La vie voit le jour le 25 septembre, sous forme de bactéries. Les poissons débarquent le 17 décembre, les premières plantes terrestres le 20, les animaux le 21, les reptiles le 23, les dinosaures le 25, les nouveaux mammifères le 26, les oiseaux, les fleurs et les fruits le 28. Le 30 décembre, c’est la fin du crétacé, la disparition des dinosaures, l’apparition des primates et le retour à la mer des mammifères. Les premiers humains font leur apparition le 31 décembre à 22 h 30. L’Homo sapiens naît le 31 décembre à 23 h 56 et l’agriculture est inventée à 23 h 59 et 35 secondes. Tout ce qui constitue le récit de l’humanité dans les livres d’histoire, tout ce qui compose notre mémoire collective, nos rois, nos batailles, nos inventions, nos œuvres d’art : tout tient dans les dix dernières secondes du calendrier cosmique.

On peut encore dire les choses ainsi : les 12 000 dernières années (celles qui correspondent au développement de l’homme moderne depuis l’agriculture) représentent 0,00008 % de la durée d’existence de l’univers. Un clignement d’œil.

Cette mise en perspective permet de comprendre que les humains ne sont sur cette planète que les invités de dernière minute, et que la vie de chaque individu, malgré les attentes, les espoirs, les souffrances et les douleurs qui lui confèrent une sensation d’éternité, ne dure en réalité pas plus qu’une nanoseconde. On naît, on s’agite un peu, et l’on meurt. Nous ne sommes que des témoins fugaces de l’univers, dont nous sommes autorisés à contempler une microscopique partie, ignares de tout le reste. Il faut nous envisager comme de simples ritournelles : des petites mélodies qui passent, plus ou moins harmonieuses, populaires ou détestées, mais en réalité souvent ignorées. Les plus chanceuses de ces chansons traîneront encore un peu dans la tête des gens même quand elles seront passées de mode, mais elles finiront bien un jour par s’envoler définitivement.
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Il y a cent ans, on dénombrait 100 000 tigres sauvages en Asie. Il en reste moins 3 200 à l’état sauvage aujourd’hui, soit une baisse de 97%.
Plus de 20 000 éléphants sont exterminés chaque année en Afrique par des braconniers pour leur ivoire, alors que ce commerce est interdit depuis 1989. Il y a un siècle, il y avait 20 millions d’éléphants en Afrique, il n’y en a plus que 500 000 environ aujourd’hui, soit une baisse de 97,5%. Il y a cent ans, on dénombrait 100 000 éléphants en Asie. Seulement 50 000 au plus aujourd’hui, soit une baisse de 50%.
En un siècle, le nombre de lions en Afrique est passé de 200 000 à 40 000, voire beaucoup moins selon certaines estimations, soit une baisse minimale de 80%. Le lion a presque totalement disparu en Afrique de l’Ouest.
Jusqu’au milieu des années soixante-dix, on a supprimé 50 000 léopards par ans pour faire des manteaux. Il n’en reste plus que 200 000 environ aujourd’hui.
On estime à 100 millions le nombre de requins tués chaque année, principalement pour que leurs ailerons finissent dans des recettes de cuisine. La chasse aux ailerons est une atrocité : les requins sont ramenés sur le bateau, leurs ailerons sont coupés à vif puis les animaux sont rejetés vivants à la mer où ils vont agoniser.
En trente ans, les populations d’oiseaux ont diminué de plus de 400 millions d’individus en Europe. En un siècle le nombre de chimpanzés est passé de 1 million dans les années soixante à 220 000 tout au plus, selon la primatologue Jane Goodall : « Si nous ne faisons rien, ils vont certainement disparaître, ou il ne leur restera que de petites poches où ils échapperont difficilement à la consanguinité ». Tous les grands singes sont menacés d’extinction. Le gorille de la rivière Cross et l’orang-outan de Sumatra sont par exemple « en danger critique », selon l’UICN, à cause de la déforestation et du commerce de viande de brousse.
Faut-il continuer la liste ?
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Les défenseurs des animaux non humains, dès lors qu'ils sortent du cadre strict des associations de chiens et chats abandonnés, sont considérés comme des ennemis du système car ils en remettent en cause toute la logique. L'exploitation animale est l'un des piliers sur lesquels s'est construit le monde dans lequel on évolue. Faire cesser cette tyrannie implique de modifier nombre de pratiques industrielles et d'abandonner tous les emplois qui créent de la mort animale. Peut-on imaginer idée plus audacieuse? L'oligarchie fait corps pour empêcher cette éventualité qui menacerait sa domination, puisque les intérêts des uns sont liés à ceux des autres qui, à un moment ou à un autre, soutiennent activement l'exploitation animale. L'antispécisme a choisi la révolte contre la pensée ultra-dominante. Il n'existe pas aujourd'hui de cause plus révolutionnaire que celle de l'antispécisme.
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Le psychiatre et ethologue Boris Cyrulnik explique que nous commençons seulement à comprendre la complexité de l'univers mental de chacune de ces espèces : "Les animaux et les hommes partagent beaucoup plus de choses que ce qu'on croyait. On partage le cerveau des émotions, on partage le cerveau de certaines représentations, l'anticipation du temps, la mémoire de L'odeur, la mémoire de l'espace, on partage avec les animaux beaucoup plus de choses que ce qu'on croit." Preuve que la science est en train de boulverser tous les préjugés qui nous autorisent encore à maltraiter les animaux, un groupe de scientifiques a signé en 2012 à l'université de Cambridge, en présence de Stephen Hawking, une Declaration de conscience des animaux qui affirme que "les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques qui produisent la conscience. Les animaux non humains, soit tous les mammifères, les oiseaux, et de nombreuses autres créatures, comme les poulpes, possèdent aussi ces substrats neurologiques."
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C’est la raison pour laquelle l’exploitation animale ne saurait s’exercer dans de « bonnes » conditions dans un système capitaliste. A partir du moment où l’animal est une marchandise, l’exigence du marché est de la produire au moindre coût. Les normes de bien-être animal imposées dans les élevages par la loi, si minimales soient-elles sont perçues par les patrons d’élevage industriels comme du manque à gagner. Quant aux élevages à l’ancienne, ils disparaissent les uns après les autres, et la logique du profit n’y est de toute façon pas absente.
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Nous mourrons de nous être tant haïs, premier roman d'Aymeric Caron, engagé contre le déclin écologique et politique de notre espèce, entremêle l'histoire et la fiction pour, brillamment, mettre en lumière l'urgence de la conversion écologique universelle.

- @new.hope.production
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